2024-162. Pitié pour le « Salve, Regina » !

5 août,
Fête de la dédicace de la Basilique de Sainte-Marie aux Neiges (cf. > ici, et > ici) ;
Anniversaire du martyre du Père Rouville et de ses compagnons (5 août 1794 – cf. > ici et suivants).

Mater misericordiae - blogue

Salve, Regina, Mater misericordiae…

       Pendant le temps après la Pentecôte, c’est-à-dire après l’office de nones du samedi des Quatre-Temps d’été jusqu’à celui de nones du samedi qui précède le premier dimanche de l’Avent, dans le rite romain, vous le savez, l’antienne mariale est le « Salve, Regina », dont la tradition du Puy attribue la composition à l’évêque Adhémar de Monteil (+ 1er août 1098) qui laissa son diocèse pour accompagner la Première Croisade en qualité de légat pontifical du Bienheureux Urbain II.

   Toutefois, toujours selon la tradition immémoriale, les invocations finales « O clemens ! O pia ! O dulcis Virgo Maria ! » auraient été ajoutées au XIIème siècle par Saint Bernard de Clairvaux (cf. > ici) dans une sorte d’élan extatique, plein d’aimante et fervente vénération.

   Comme nous l’aimons, ce « Salve, Regina » !
Comme il est chargé d’émotion spirituelle et de filiale dévotion !
Combien nous avons du plaisir à l’entonner à la fin de la Sainte Messe dominicale, à la fin de l’office divin, ou encore lors de nos pieuses visites à la Sainte Vierge, dans nos églises et chapelles !
Et nous avons bien raison de l’aimer !…

   Mais alors, pourquoi est-il si mal chanté ?
Souvent.
Trop souvent !

   Il me semble que c’est en raison de l’habitude, génératrice de routine.
Je partage pleinement l’opinion de cet auteur qui a écrit quelque chose comme : « Ce qui est le plus contraire à la sainteté, ce n’est pas le péché : c’est l’habitude ! »
Cette habitude, ou plus exactement routine, qui fait que l’on répète – avec une certaine piété, je veux bien le croire, mais sans vraiment penser aux paroles et sans une forte détermination présente à chaque mot - des formules et des mélodies, sans plus percevoir leur intensité quasi dramatique, leur acuité spirituelle, la profondeur de leur actualité.
Mortelle routine !

   Et que l’on ne me dise pas : « C’est du latin, or je ne suis pas latiniste… », car ce pseudo argument est véritablement idiot.
Il est en effet à la portée de tout fidèle d’ouvrir son propre missel, ou bien le carnet de chant mis à disposition dans son église ou sa chapelle, pour y trouver le texte latin du « Salve, Regina » avec sa traduction.
Il n’est donc pas du tout compliqué de faire en sorte que la manière avec laquelle on chante donne une idée du sens des mots que l’on prononce, montre que l’on comprend ce que l’on chante.

   Ajoutons ici que le respect de la ponctuation – puisque la ponctuation est une merveilleuse invention au service de la compréhension et de l’expression d’un texte -, doit être pratiqué lorsqu’on chante.

   Le « Salve, Regina », n’est pas une comptine enfantine sur laquelle on sautille en faisant la ronde !
C’est un appel au secours. L’appel au secours d’enfants en détresse, affrontés aux vexations du monde, aux tentations du démon, et aux pièges intérieurs que leur tend leur propre nature blessée par le péché : les termes employés, le rythme de la phrase latine, les incises, les apostrophes (qui en outre permettent de reprendre sa respiration), procèdent de l’expression dramatique de notre pauvre condition d’enfants qui appellent à l’aide leur Reine secourable et puissante, leur Mère aimante et compatissante.
On doit donc les entendre, dans le chant.
Et c’est pour cela qu’on ne le chante pas comme s’il s’agissait de « il était un petit navire » !
Et c’est pour cela qu’on ne le chante pas sans y mettre l’expression qui convient !

   Obligez-vous vous-même, une prochaine fois, à vous taire et à écouter avec attention – au besoin en suivant dans un livre le texte et sa ponctuation -, comment la plupart des groupes exécutent (dans tous les sens de ce verbe) ce « Salve, Regina », et demandez-vous si ce que vous entendez est bien cohérent avec le sens des mots lors même que ceux-ci disent « fils d’Eve, exilés, nous soupirons vers vous, gémissant et pleurant, dans cette vallée de larmes », tandis que le rythme du chant s’emballe de manière incompréhensible, et devient dansant comme si l’on était dans une guinguette.

   Voilà pourquoi j’ai envie de crier : Pitié pour le « Salve, Regina » !
Voilà pourquoi je supplie avec insistance : dans nos familles, dans nos chapelles, dans nos paroisses, redonnons tout son sens et toute sa vigueur au chant du « Salve, Regina » !

   Car l’on ne chante pas « ad-te-cla-ma-mus-e-xu-les-fi-li-i-E-vae-ad-te-sus-pi-ra-mus-ge-men-tes-et-flen-tes-in-hac-la-cry-ma-rum-va-lle », comme si on enchaînait des « la-la-la-la-la-la-la » sans respirer, ou en ânonnant à la manière d’un enfant qui apprend à lire.

   Pour l’amour de Dieu et de Sa Très Sainte Mère, faites comprendre à tous la supplication de votre âme aux prises avec les vexations du monde et du démon, afin que l’on n’entende pas « E-ia-er-go-ad-vo-ca-ta-nos-tra-il-los-tu-os-mi-se-ri-cor-des-o-cu-los-ad-nos-con-ver-er-te » avec un rythme et des intonations qui pourraient évoquer ceux de « La Madelon » !
Non ! Vous implorez, vous êtes à bout, la détresse vous étreint, vous criez : « Mère, au secours ! Si vous ne me venez pas en aide, je suis perdu ! »

   Puissent, enfin, les invocations finales – avec leurs extatiques vocalises sur ces « O » qui intensifient la supplication en même temps qu’ils expriment l’admiration et l’émerveillement devant la clémence, la miséricorde et la douceur de la Très Sainte Vierge Marie -, s’épanouir en efflorescence contemplative et non sur des accélérations de clique municipale pressée d’en finir...

Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur

ad te suspiramus gementes et flentes in hac lacrymarum valle

« Ad te clamamus, exsules filii Evae,
ad te suspiramus, gementes et flentes in hac lacrymarum valle… »

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1 Commentaire Commenter.

  1. le 6 août 2024 à 8 h 26 min D-Natanaël écrit:

    En guise de remerciements pour ces précisions nécessaires, en voici, cher Frère, une très belle variation composée par Pablo Casals et interprétée par l’Escolania de l’Abbaye bénédictine de Montserrat :

    https://www.youtube.com/watch?v=hhmRbuzDBGs&list=PLif4zTmNrGu1bR3dt3tMXSU3I9Nz3uhRc&index=1

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