2024-126. De Saint Bernard de Menthon, chanoine archidiacre d’Aoste, qui a laissé son nom à des cols alpins et à une race de chiens…

15 juin,
Fête de Saint Bernard de Menthon, confesseur ;
Mémoire des Saints Guy, Modeste et Crescence, martyrs (cf. > ici) ;
Mémoire de Saint Mélan, évêque de Viviers et confesseur ;
Mémoire de Sainte Germaine Cousin, vierge.

Saint Bernard de Menthon - gravure période baroque

       Saint Bernard de Menthon est aussi parfois appelé Bernard d’Aoste, Bernard des Alpes ou encore Bernard du Mont-Joux.
Chanoine archidiacre de la cathédrale d’Aoste, ce qui faisait de lui l’un des plus proches collaborateurs de l’évêque, prédicateur itinérant très apprécié, il fonda un hospice au col du Mont-Joux et en reconstruisit un autre – qui était tombé en ruines depuis longtemps – à Colonne-Joux : ils furent évidemment confiés à des religieux hospitaliers, et ces deux lieux portent désormais son nom, ce sont respectivement les cols du Grand-Saint-Bernard et du Petit-Saint-Bernard.

   Il mourut à Novare (en italien, Novara) un 12 juin, capitale de la province éponyme (dans les Etats du Piémont) et fut inhumé dans l’église du couvent de « Saint-Laurent-hors-les murs » le 15 juin, date retenue pour sa fête lorsque, en 1123, l’évêque Richard de Novare le canonisa (on le sait, les canonisations n’étaient pas encore réservées au Saint-Siège au XIIème siècle, elles n’étaient pas distinctes de la béatification, et elles consistaient principalement dans la cérémonie qu’on appelait « élévation des reliques »), en raison des nombreux miracles qui se produisaient sur sa tombe.

   Il fut inscrit au martyrologe romain par le Bienheureux Innocent XI (qui avait été évêque de Novare) en 1681, puis, en 1923, à l’occasion du huitième centenaire de sa canonisation, le pape Pie XI le proclama céleste patron et protecteur des alpinistes, des voyageurs alpins et de tous les habitants des Alpes ; depuis, les skieurs se sont aussi placés sous son patronage, et le diocèse aux armées en a également fait le saint patron des troupes de montagne.
Et, bien sûr, nous n’oublierons pas de mentionner la célèbre race de chiens endurants au froid et à la fatigue, spécialement éduqués pour les secours en montagne, auxquels son nom a été donné, du fait que les chanoines des hospices fondés par lui les élèvent.

Chanoine du Grand-Saint-Bernard élevant les chiens sauveteurs

Les cartes postales des années 1930-1970 ont donné une large popularité
à la représentation des chanoines du Grand-Saint-Bernard avec leurs chiens sauveteurs

   A quelle époque vécut Saint Bernard de Menthon ?
Tous les biographes et historiens ne sont pas unanimes, loin s’en faut : certains (dont Monseigneur Paul Guérin dans « Les Petits Bollandistes ») le situent au Xème siècle et le font naître en 923, d’autres le font vivre au siècle suivant et le font naître en 1008, année qui est mentionnée par les premiers comme celle de sa mort ; les seconds placent sa mort plutôt en 1081 ou en 1086… Mais on trouve encore quelques variantes.

   Et que penser de ce manuscrit du XVème siècle qui place sa naissance en 923 et sa mort en 1084, ce qui aurait fait mourir Bernard à l’âge plus que vénérable – mais pas très vraisemblable – de cent-soixante-et-un ans ???!!!

   En l’état actuel de la science, il semble toutefois plus conforme à la vérité historique de placer la vie de Saint Bernard de Menthon au XIème siècle. 

Château de Menthon-Saint-Bernard - état actuel

Château de Menthon-Saint-Bernard (état actuel)
où la tradition place la naissance de Saint Bernard

   Que Bernard soit né dans une famille noble et qu’il ait reçu une excellente éducation ne fait aucun doute.
Selon la tradition, Bernard serait né au château de Menthon, dans le premier tiers du XIème siècle. Au terme d’études soignées, le jeune homme, très pieux, qui aurait été porté à prononcer un vœu de chasteté parfaite dont il n’avait pas parlé à ses parents, se serait vu, par ces derniers, contraint d’épouser une noble héritière : époque où il n’était pas envisagé que jeunes gens et jeunes filles pussent avoir autre chose à faire qu’à consentir à ce qui avait été décidé, parfois très longtemps à l’avance, par des contrats notariés très précis et circonstanciés, pour les intérêts de leurs lignées et de leurs domaines.
N’osant affronter ses parents ni leur « avouer » (comme s’il se fût agi d’un péché !) sa vocation, Bernard, dont on avait bien remarqué qu’il n’était pas très empressé à faire sa cour à la jeune fille qu’on lui destinait pour épouse, se serait enfui nuitamment, après s’être particulièrement recommandé à Saint Nicolas de Myre, pour lequel il avait une grande dévotion, et ce saint aurait favorisé sa fuite par une fenêtre, quoique pourvue de barres de fer.

   Le jeune fugitif serait ainsi arrivé à Aoste, où l’archidiacre du chapitre cathédral (qui était alors un chapitre régulier) le prit sous sa protection, en fit en quelque sorte son fils spirituel, lui fit achever ses études ecclésiastiques, lui permit d’être ordonné prêtre et intégré au chapitre, si bien que, à la mort du dit archidiacre, Bernard – dont la conduite faisait l’édification du chapitre, de la curie diocésaine et de toute la ville -, fut naturellement choisi pour lui succéder.

Saint Bernard de Menthon dans une enluminure gothique

Saint Bernard de Menthon dans une enluminure gothique

   En raison de sa science, de sa vertu et de la qualité de sa prédication, il est de plus en plus appelé à l’extérieur d’Aoste, et même du diocèse, pour instruire et édifier les fidèles : sa parole et ses exemples, qu’accompagnent des miracles, suscitent de nombreuses conversions, ce qui contribue à le rendre très populaire.

   Pour sécuriser le franchissement des Alpes pour les pèlerins et voyageurs, aux alentours de l’année 1050, Bernard fonde un « hospice » au sommet du Mont-Joux (Mons-Jovis : le lieu porte le nom de Jupiter qui y avait eu un temple, et où subsistaient de fortes superstitions païennes) : le premier abri est, en fait, minuscule (environ 1,50 m sur 3) permettant juste de passer la nuit sur le col à l’abri des intempéries avec la seule chaleur des corps blottis les uns contre les autres pour se réchauffer !
Mais bientôt un véritable bâtiment d’hospitalité voit le jour, édifié avec les pierres prises dans les vestiges du temple de Jupiter et aux bâtiments d’un monastère abandonné qui était légèrement en contrebas : l’hospice et sa chapelle sont placés sous le vocable de Saint Nicolas, pour lequel, ainsi que nous l’avons dit, il avait une grande dévotion. Il affecte à ce nouvel établissement les revenus de l’ancien monastère et y établit une petite communauté de chanoines réguliers, dirigée par un prévôt.
Il fait édifier ensuite un établissement du même type au col appelé Colonne-Joux (parce qu’il y avait eu une colonne « sacrée » dédiée à Jupiter).
Ainsi furent fondés les établissements canoniaux et hospitaliers des cols qui sont depuis celui du Grand-Saint-Bernard et du Petit-Saint-Bernard.

Statue de Saint Bernard de Menthon au col du Grand-Saint-Bernard

Statue de Saint Bernard de Menthon au col du Grand-Saint-Bernard
(une statue identique se trouve aussi au col du Petit-Saint-Bernard).
Saint Bernard est représenté en habit canonial :
il porte le rochet sur l’habit talaire et l’aumusse de fourrure sur le rochet ;
il tient en main un bourdon – bâton archidiaconal -,
et de son étole part une chaine qui tient le dragon diabolique captif.

   Toutes les représentations de Saint Bernard de Menthon, ou presque, font place à une figure de démon, le plus souvent sous l’apparence d’un dragon furieux, montrant ses crocs acérés, mais dont le corps hideux est lié et contraint par une grosse chaîne de fer qui est la continuation de l’étole que le saint tient à la main.
C’est l’image expressive, bien sûr, du combat engagé par Saint Bernard contre les puissances infernales, d’abord en lui-même par sa propre vie d’ascèse et de prière, mais aussi dans les âmes par son ministère sacerdotal et sa prédication qui ont suscité des conversions et arraché les hommes à l’empire de Satan, puis également très concrètement par sa lutte contre les subsistances du paganisme et du culte de Jupiter, car nous savons que ce sont les démons qui se font adorer sous les apparences des faux dieux.

   Lorsque Saint Bernard vint au Mont-Joux pour « assainir » les lieux où une statue de Jupiter était encore vénérée par des païens obstinés qui étaient en même temps des malandrins rançonnant les pèlerins, il est écrit qu’il procéda à la destruction de cette statue en accomplissant une sorte d’exorcisme du lieu, car de même qu’ « il y a des lieux où souffle l’Esprit » (cf. Maurice Barrès, « La colline inspirée »), il y a des lieux dans lesquels les forces démoniaques exercent une emprise particulière.
Les anciens récits décrivent donc cet « exorcisme » en ces termes : « il conjure, au nom de Jésus-Christ, le démon avec ses complices ; puis  il jette au cou de la statue son étole bénite qui, à l’instant, se change miraculeusement en une chaîne de fer, sauf les deux bouts qu’il avait à la main ; il tire alors à lui la statue qui vient se briser à ses pieds… »

Statue baroque de Saint Bernard de Menthon

Statue de la période baroque

   Saint Bernard a vécu les débuts de la querelle des investitures : il est contemporain du pape Saint Léon IX (cf. > ici), mort en 1054, avec lequel commence ce que l’on appellera plus tard la « réforme grégorienne ».
Il se rend à Pavie, où se trouve alors l’empereur Henri IV (à l’occasion de l’un des innombrables rebondissements qui l’oppose au pape Grégoire VII). On dit que Bernard rencontra l’empereur germanique pour tenter – mais en vain – de le détourner de ses projets sacrilèges.

   C’est sur le chemin du retour que, malade, Bernard s’arrêta au monastère bénédictin de Saint Laurent-hors-les-murs, à Novare.
Comme nous l’avons dit au début, c’est là qu’il rend le dernier soupir, le 12 juin et qu’il est enseveli le 15, en 1081 ou en 1086.

   Le 15 juin 1424, le crâne fut prélevé pour être placé dans un buste reliquaire : on comptait alors neuf dents à la mâchoire supérieure. Il n’en reste aujourd’hui que quatre, ce qui signifie que les cinq autres ont été distribuées : il s’en trouve une dans la chapelle du château de Menthon et une autre à l’Hospice du Grand-Saint-Bernard.
En 1552 le couvent fut démoli pour permettre des agrandissements urbains, et les reliques de Saint Bernard de Menthon furent translatées à la cathédrale : ce fut aussi l’occasion de quelques nouveaux prélèvements. C’est ainsi qu’on trouve des fragments d’ossements à Aoste, à Turin, à Casal, à l’abbaye Saint-Maurice d’Agaune… etc., mais, en sus de la dent déjà citée, les chanoines de l’Hospice du Grand-Saint-Bernard ont du attendre le 30 juin 1965 pour obtenir quelques autres parcelles du corps de leur fondateur.

Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur

Buste reliquaire de Saint Bernard de Menthon à la cathédrale de Novara - blogue

Buste reliquaire de Saint Bernard de Menthon (1424)
à la cathédrale de Novara

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1 Commentaire Commenter.

  1. le 14 juin 2024 à 20 h 01 min Goës écrit:

    Toujours d’après le principe de charité de l’Eglise.

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