2024-108. Du Bienheureux Vladimir Ghika.
16 mai,
Dans l’Ordre de Saint Augustin, fête de Saint Possidius de Calame, évêque et confesseur ;
Et aussi fête du Bienheureux Vladimir Ghika.
Monseigneur Vladimir Ghika (1873-1954)
Né à Constantinople le 25 décembre 1873, Vladimir Ghika était le cinquième enfant du Prince Jean Ghika – général et ambassadeur roumain auprès de « la Sublime Porte » -, et de son épouse, née Alexandrine Moret de Blaremberg (vieille famille française). Il appartenait à la dynastie princière Ghika qui régna sur la Moldavie et la Valachie du XVIIème au XIXème siècles. Son grand-père était le souverain Grigore V Ghika.
Il fut baptisé et confirmé dans l’Eglise orthodoxe.
Il vint en France âgé de cinq ans, en 1878, et, après le cursus fondamental, suivit des études de droit à Toulouse, où il obtint une licence, puis à Paris où, avec son frère, il intégra l’Institut d’Etudes Politiques.
Il envisagea dès lors de devenir prêtre, et, après des études à Rome, à l’Angelicum, où il obtint en 1898 une licence en philosophie et un doctorat en théologie, et après de longues réflexions, en 1902, il entra officiellement dans l’Eglise catholique.
Il partit pour la Roumanie, où, il introduisit les Filles de la Charité de Saint Vincent de Paul qui fondèrent un dispensaire, puis il créa, en 1913, un lazaret pour les malades du choléra, se dépensant avec prédilection pour les plus pauvres et les plus nécessiteux…
Pendant la Première guerre mondiale, il continua ses activités charitables dans les hôpitaux auprès des blessés, des victimes de catastrophes naturelles, ou des tuberculeux, principalement à Rome et à Paris.
A la fin des conflits, il développa une importante activité diplomatique et œuvra au rétablissement des relations diplomatiques entre la France et le Saint-Siège, rompues depuis les lois dites « de Séparation » de 1905. Il se dépensa également, dans les années 1920 à 1922, pour la renaissance de l’université de Louvain dont la bibliothèque avait été entièrement détruite pendant la guerre. En remerciement, le cardinal Mercier, Primat de Belgique, lui proposa d’inaugurer une chaire consacrée à la Roumanie : il y donna plusieurs conférences.
Le 7 octobre 1923, Vladimir fut ordonné prêtre par le cardinal Dubois, archevêque de Paris, dans la chapelle des Lazaristes, rue de Sèvres. Et le pape Pie XI lui concéda l’autorisation, tout-à-fait exceptionnelle, de célébrer dans tous les rites catholiques légitimes d’Occident et d’Orient (et pas seulement les liturgies latine et byzantine comme on le trouve parfois écrit) : par ses origines, son éducation, sa culture, ce « jeune prêtre de 50 ans » constituait naturellement un trait d’union entre les chrétiens d’Orient et d’Occident, entre l’Eglise Romaine et l’Orthodoxie, et il était dévoré par le désir du retour à l’unité !
Prêtre de l’archidiocèse de Paris, l’abbé Vladimir Ghika fut d’abord nommé à l’église dite « des étrangers », 33 rue de Sèvres (c’est aujourd’hui l’église Saint-Ignace).
Vue aérienne (carte postale Yvon) de l’abbaye Notre-Dame d’Auberive
au début de la seconde moitié du XXème siècle
C’est là que lui sera adressée, en 1924, une jeune femme dont l’histoire serait à écrire, Suzanne-Marie Durand : elle avait eu le chanoine Antoine Crozier - « l’ami stigmatisé du Père de Foucauld » comme le nomme l’une de ses biographies – (voir > ici, > ici, > ici, et > ici) comme directeur spirituel dans sa première jeunesse, et j’ai moi-même eu l’immense grâce de la rencontrer dans sa vieillesse alors que j’étais tout jeune religieux.
Avec Suzanne-Marie Durand et quelques autres jeunes filles désireuses de se consacrer à Dieu sous sa direction, puis quelques éléments masculins, le « Père Ghika » tentera de redonner vie à l’antique abbaye d’Auberive (dans le diocèse de Langres), transformée en prison au XIXème siècle et jusqu’en 1924 : l’éphémère communauté des « Frères et Sœurs de Saint-Jean », qui s’y installa en 1927, avait pour but d’accueillir des vocations précoces et tardives – et parfois totalement atypiques -, et de soulager toute détresse.
Mais, faute de moyens, elle ne se maintiendra que quatre ans dans les murs de l’abbaye.
Evoluant avec naturel et simplicité dans tous les milieux, l’abbé Ghika côtoyait avec la même égalité d’âme et d’attitude le Souverain Pontife et les têtes couronnées, les intellectuels et les artistes, les pauvres pécheurs et les âmes privilégiées, les taudis et les palais. Il fut très proche des Maritain et des Bénédictines de la Rue Monsieur, et se trouva de fait en contact avec quantité de figures intellectuelles du renouveau catholique de l’entre-deux-guerres. Entre 1927 et 1939, il fut l’aumônier du Centre d’Etudes Religieuses, fondé en 1925 par Jean Daujat.
Il contribua par ailleurs à de nombreuses conversions, possédant un don particulier pour mettre les âmes en confiance et faciliter les difficiles premières confessions…
Sa grande délicatesse de conscience lui donnait un sens si vif du péché que, en de nombreuses occasions, comme le saint Curé d’Ars, les pénitents l’entendirent pleurer dans le confessional à l’audition de leurs fautes graves.
Mais il était aussi capable, mû par de véritables inspirations, de se porter à la rencontre des âmes les plus éprouvées, les plus anxieuses, les plus révoltées, et de faire briller la lueur de l’espérance dans leurs ténèbres.
Pendant un temps, il choisit de vivre au milieu des plus misérables et partit exercer son apostolat dans un bidonville de Villejuif, où il fut notamment à l’origine de l’église Sainte-Thérèse.
C’est aussi dans ce même entre-deux-guerres que, à partir de 1927, il fut membre du Comité directeur des Congrès Eucharistiques.
Son activité sacerdotale et apostolique n’avait pas de limites : avec une bonté inlassable et inusable, disponible à tous les appels des âmes, il parcourut les cinq continents, de Villejuif à Rome, d’Auberive à Sydney, de Buenos Aires à Dublin, de Carthage à Tokyo (où il participa à la fondation du premier Carmel), de Paris aux rives du Danube…
Nous avons déjà mentionné son grand souci d’œuvrer à l’unité des Eglises d’Occident et d’Orient. Avec la place que la Providence lui avait assignée par sa naissance et pour lui permettre d’exercer une influence accrue, en 1931, Pie XI l’éleva à la dignité de protonotaire apostolique : le voilà « Monseigneur », moins pour les privilèges et l’honneur que pour lui donner davantage d’autorité dans les actions qu’il mène.
1939. Lorsque la guerre éclate, Monseigneur Ghika se trouve en Roumanie. Avec la permission de l’archevêque de Paris, le cardinal Emmanuel Suhard, il décide d’y rester. Il y poursuit son activité sans relâche auprès des réfugiés, des malades, des prisonniers, des victimes des bombardements. Il est très proche de l’Église gréco-catholique, il instruit et guide spirituellement les étudiants. Il confesse et célèbre la messe dans une prison de femmes.
Après la chute de la Royauté et l’instauration du communisme, il fait le choix de rester dans son pays auprès de ses compatriotes en souffrance. Malgré une santé précaire il continue son activité sacerdotale, et tient le Saint-Siège informé de la persécution contre les Eglises.
Le 18 novembre 1952 il est arrêté, sur l’accusation d’« espionnage au profit d’une puissance impérialiste » (le Vatican). Il subit plus de quatre-vingts interrogatoires nocturnes, est menacé, battu et torturé, puis, après un simulacre de procès, est condamné à trois ans d’incarcération dans la prison de Jilava près de Bucarest.
Ici, il prêche, raconte ses souvenirs, encourage, console… et un peu de joie illumine les visages qui l’entourent. Malgré son grand âge, il est privé de sommeil, insulté, maculé d’excréments, battu jusqu’au sang, torturé. Et cependant, pour lui, il n’y a plus de prison : il se trouve là où Dieu, dans les mystérieux desseins de Sa Providence, l’a placé, et il y acquiesce de toute son intelligence, de toute sa volonté et de tout son cœur. Alors il est libre.
Le 16 mai 1954, il meurt d’épuisement, âgé de quatre-vingts ans quatre mois et vingt et un jours.
Ses ouvrages, les biographies et témoignages de ceux qui l’ont connu, l’influence spirituelle grandissante qu’il exerce à travers ses écrits et ses exemples font qu’il est de plus en plus connu, aimé, vénéré, invoqué…
Seize ans après sa mort, en 1970, le Révérend Père Bernard Lecareux (+ 21 février 2021), alors curé de Mérigny, aux confins de la Touraine et du Poitou, fonde la Fraternité de la Transfiguration, une congrégation traditionnelle, avec ses deux branches (religieux et religieuses), afin de poursuivre l’œuvre de Monseigneur Vladimir Ghika en faveur de l’unification des chrétiens nicéens (les patriarcats orthodoxes et la papauté catholique), selon l’esprit et les directives de l’encyclique sur le véritable œcuménisme « Mortalium animos » du pape Pie XI.
La cause de béatification de Monseigneur Ghika, ouverte en 2002 par l’archevêché de Bucarest, a abouti à sa béatification, en qualité de martyr, à Bucarest, le 31 août 2013.
Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur
Litanies en l’honneur du Bienheureux Vladimir > ici
Statue du Bienheureux Vladimir Ghika à Bucarest
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Quel grand personnage !
Et nous aimerions nous aussi que l’unité des Eglises d’Occident et d’Orient se fasse.
Bienheureux Vladimir Ghika, je me confie à vous.
Comment ne me suis-je pas arrêté plus tôt sur ce personnage, d’une telle dimension spirituelle et humaine ?
Merci de nous l’avoir fait connaître ! Désormais, je le place parmi les saints que j’invoquerai chaque jour et chercherai à le connaître toujours plus à travers ses écrits.