2024-107. « En vivant de cette sorte et en aimant de cette manière, vous posséderez Dieu en Le contemplant et vous aurez en Lui une vie sans fin, d’heureux jours sans nuit, une paix sans trouble.»

 Octave de l’Ascension de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Gustave Doré 1879 L'Ascension - Paris Petit Palais - blogue

L’Ascension (1879) : huile sur toile de Gustave Doré -1832-1883)
[Petit palais - Paris]

   Le sermon de notre Bienheureux Père Saint Augustin qui suit porte le numéro 16 dans la première série des « Sermons détachés sur plusieurs passages de l’Ecriture » dans l’édition des œuvres complètes ["Oeuvres complètes de saint Augustin, traduites pour la première fois en français sous la direction de M. l'abbé Raulx, tome VIème, Bar-Le-Duc, 1866] : son sujet s’accorde avec les conséquences de l’Ascension de Notre-Seigneur, puisque ce mystère nous incite à contempler le ciel éternel où Il est monté nous préparer une place, et à vivre d’une ferme espérance en le désirant, sans nous laisser distraire par les biens éphémères de la vie terrestre.

   Saint Augustin commente ici à ses auditeurs trois versets du Psaume XXXIII : « Quel est l’homme qui veut la vie et soupire après les jours de bonheur ? Préserve ta langue du mal, et tes lèvres de toute parole de tromperie. Evite le mal et fais le bien : cherche la paix et t’y attache » (Versets 13, 14 et 15).
Chacun saura, en lisant attentivement ce discours plein de sollicitude pour notre salut, et en le méditant, en tirer des conséquences pratiques pour sa propre vie.

Gustave Doré 1879 L'Ascension - Paris Petit Palais - détail 2

La vie promise

§ 1 – Saint Augustin commente les versets du Psaume XXXIII dans lesquels le Saint-Esprit, auteur des Saintes Ecritures, promet aux hommes la vie, et il interroge : s’agit-il de la vie d’ici bas ? Non, car elle est trop courte ; et plutôt que de le voir prolongée, il faut souhaiter qu’elle soi bonne.

   L’Esprit de Dieu appelle le genre humain en nous prescrivant ce que nous devons faire, et en nous promettant ce que nous devons espérer. Mais d’abord Il nous enflamme d’ardeur pour la récompense, afin de nous porter à obéir plutôt par amour du bien que par crainte du mal : « Quel est, dit-Il, l’homme qui veut la vie et soupire après les jours de bonheur ? » (Ps. XXXIII, 13).
Il demande quel est cet homme, comme s’il était possible de découvrir qui ne l’est pas. Quel est effectivement celui qui ne veut pas la vie et qui ne soupire point après les jours de bonheur ?
Écoute donc ce qui suit, ô toi qui veux et recherches cette vie et ces jours ; ô homme, ou plutôt, tous les hommes, écoutez ce qui suit : « Préserve ta langue du mal, et tes lèvres de  toute parole de tromperie. Évite le mal et fais le bien ; cherche la paix et t’y attache » (Ps. XXXIII, 13-15). Les premiers mots contiennent le précepte ; les derniers la récompense. Ce qui nous est prescrit, c’est de préserver notre langue du mal, et nos lèvres des paroles de tromperie, c’est d’éviter le mal, de faire le bien et de chercher la paix ce qui nous est promis, c’est de nous attacher à cette paix.
Quelle est-elle, sinon la paix que ne possède point le monde ? Quelle est-elle, sinon la paix que, ne possède point cette vie, cette vie qui n’en est pas une en comparaison de l’autre ? Car ce n’est pas de celle-ci qu’on dirait : « Quel est l’homme qui veut la vie ? » et on n’engagerait point à la conserver ou à la prolonger par l’observation de certains préceptes, comme s’il était un seul homme pour ne le pas désirer. Puisqu’elle ne peut durer toujours, on souhaite au moins qu’elle dure longtemps ; et si on la veut bonne autant qu’on la veut longue, elle peut être un moyen d’arriver à l’autre.
Et qu’est-ce que la longueur de la vie présente, puisqu’un jour il n’en restera plus rien ? Non, il ne restera plus lien de ce qui était long ; car cette longueur n’était pas immuable ; en s’étendant elle n’augmentait pas ; elle ne croissait pas en se développant, car elle ne marchait qu’en s’éloignant.

§ 2 - Il exhorte avec insistance, en soulignant l’inconséquence de ceux qui ne vivent que pour les choses d’ici-bas.

   Toi donc qui aimes une longue vie, aime plutôt une bonne vie. Si tu veux mal agir, cette vie ne sera pas un vrai bien, mais un long mal.
Mais reconnais combien tu es insensé et dépravé. Tu avoues préférer la vie à une campagne [note : au sens de « propriété à la campagne »], et tu veux plutôt une bonne campagne qu’une bonne vie ? Pour suivre ta cupidité, tes coupables convoitises et acquérir une bonne campagne, tu ne crains pas en effet de corrompre ta vie par la fraude. Si toutefois l’on te disait, si l’on te demandait : Préfères-tu perdre cette bonne campagne plutôt que cette vie mauvaise ? Tu répondrais que dans l’impossibilité de conserver l’une et l’autre, tu es plutôt disposé à perdre ta campagne.
Tu préfères à tous les biens cette vie, même mauvaise : pourquoi cet amour ne t’engage-t-il point aussi à la rendre bonne ?
Tu veux que, même mauvaise, elle soit longue : mais rends-la bonne et ne crains point qu’elle soit trop courte ! Car si tu prends soin de la bien passer, tu ne craindras pas de la voir bientôt finir : elle s’unira en effet à la vie éternelle, vie éternelle où le bonheur est sans crainte et la durée sans fin. C’est d’elle qu’il est parlé dans cette question : « Quel est l’homme qui veut la vie et soupire après les jours de bonheur ? ».
Dans la vie présente au contraire l’Apôtre nous ordonne de racheter le temps, « parce que les jours sont mauvais » (Eph. V, 16). Et qu’est-ce que racheter le temps, sinon en consacrer les moments à rechercher et mériter les biens éternels au détriment même des biens temporels ? De là cet ordre du Seigneur : « Si quelqu’un veut t’appeler en justice et t’enlever ta tunique, abandonne-lui aussi ton manteau » (Matth. V, 40). Il veut qu’en sacrifiant une chose temporelle, tu emploies pour ton repos ce que tu aurais dépensé dans le procès.

§ 3 – Pour obtenir la vie future promise par Dieu, il faut fréquemment renoncer à des biens de la vie d’ici-bas, voire à cette vie d’ici-bas elle-même.

   Ce n’est donc pas de la vie ni des jours du temps présent que parle l’Esprit-Saint quand Il dit : « Quel est l’homme qui veut la vie et soupire après les bons jours ? » C’est d’ailleurs ce que montre encore ce qui suit. En effet les recommandations indiquées ensuite comme moyens d’obtenir la vie et les jours de bonheur, sont de telle nature que, pour les observer, il faut souvent sacrifier la vie présente et les jours de la terre. Si nous voyons la vie actuelle dans ces paroles : « Quel est l’homme qui veut la vie ? », et si, pour l’obtenir, nous accomplissons les préceptes qui s’y rattachent, que ferons nous lorsqu’un homme puissant pour le mal nous menacera de la mort afin d’obtenir de nous un faux témoignage ?
Si nous faisons ce qu’ordonnent ces expressions : « Préserve ta langue du mal », si nous refusons le faux témoignage pour être fidèles à ce commandement, ne semblerons-nous pas déçus ?
Comment ! le désir de conserver la vie nous aurait portés à observer le précepte et l’observation de ce même précepte nous ferait plutôt perdre la vie ?
Entendons ici la vie éternellement heureuse, celle que le Seigneur donnera à ceux qui Lui obéissent quand ils seront au terme de celle-ci ; celle dont le Seigneur a dit : « Si tu veux parvenir à la vie, observe les commandements » (Matth. XXIX, 17) ; et quand alors on nous demandera : « Quel est l’homme qui veut la vie ? », nous répondrons que c’est nous ; et en rendant témoignage à la vérité, sous le coup même du persécuteur, nous méprisons la mort dans ce monde et nous obtenons la vie dans le ciel.

§ 4 – Saint Augustin oppose les paroles de vérité qui nous valent la vie éternelle, et les paroles trompeuses, flatteuses et menteuses, qui assurent le succès ici-bas. 

   Disons en autant des jours de bonheur. Si en vue des jours de la vie présente, jours que l’on dit heureux et qui ne le sont pas quand on y ensevelit le cœur dans la bonne chère, quand on se plonge dans la luxure, l’ivresse, et les honteux plaisirs de la débauche : si dis-je, c’est en vue de ces jours considérés comme des jours de bonheur que nous voulons observer le précepte et préserver nos lèvres des paroles de tromperie ; ne voyons-nous pas que pour les conserver il faut souvent des paroles de tromperie, et qu’on perd la vie en demeurant fidèle à la vérité ? Tromper est-il autre chose que d’avoir sur les lèvres des paroles qui diffèrent des sentiments du cœur ? C’est à cela surtout que s’attachent les flatteurs : presque toujours ils adressent de menteuses adulations pour n’être pas écartés des splendides festins et des banquets solennels, où ils ne sont plus admis si, pour l’amour de Dieu, ils disent la vérité. Ainsi, pour obtenir ces jours qu’il croient bons, ils trompent, et s’ils ne trompent pas on les leur refuse.
Il est donc d’autres jours de bonheur pour lesquels on nous invite à préserver notre langue du mal et nos lèvres des paroles de tromperie. Ces jours n’appartiennent pas à ce siècle ; ils ne sont pas du ciel qui passera, mais du ciel qui demeurera : ils ne sont pas connus de la terre des mourants, mais de la terre des vivants. Quiconque les a en vue et les aime, préserve sa langue du mal ; en vain pour l’y contraindre on le menace de la mort, ses lèvres ne font point entendre de trompeuses paroles ; en vain pour l’attirer au mal on lui montre ces jours de faux bonheur, il s’éloigne du mal, même au milieu des biens ; il fait le bien, même au milieu du mal ; il cherche la paix qui n’est pas sur la terre, et il s’y attache dans Celui qui a fait le ciel et la terre.

§ 5 – Exhortation finale à la cohérence et à la persévérance, en ne négligeant rien pour obtenir la vie éternelle.

   Ainsi donc, frères, ambitionnez la vie et cherchez les jours de bonheur là où il n’y aura point de nuit : la vie où nul jour mauvais n’est à craindre ; les jours de bonheur, où la vie jamais ne doit finir. Mais si vous tenez à cette récompense, ne vous refusez point aux œuvres dont elle est la couronne.
Vous y parviendrez en cherchant la paix.
La nuit, cherchez-la devant Dieu avec vos mains et vous ne serez pas déçus (cf. Ps. LXXVI, 3). Avec vos mains, c’est-à-dire avec vos œuvres : pendant la nuit, c’est-à-dire pendant que dure la tribulation ; devant Dieu, c’est-à-dire avec une conscience pure.
En vivant de cette sorte et en aimant de cette manière, vous posséderez Dieu en Le contemplant et vous aurez en Lui une vie sans fin, d’heureux jours sans nuit, une paix sans trouble.

Gustave Doré 1879 L'Ascension - Paris Petit Palais - détail 1

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1 Commentaire Commenter.

  1. le 16 mai 2024 à 7 h 17 min Abbé Jean-Louis D. écrit:

    Magnifique sermon de Saint Augustin traçant la voie de la perfection dans la logique de la Foi.
    A méditer et méditer encore.

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