2024-95. De l’anniversaire du baptême de notre Bienheureux Père Saint Augustin.
- 24 avril 387 -
Baptême de
notre Bienheureux Père Saint Augustin
Cathédrale Saint-Pierre et Saint-Paul de Troyes :
le baptême de Saint Augustin par Saint Ambroise
[groupe sculpté (calcaire) - fin du XVIème siècle, classé MH]
C’est au cours de la Vigile Pascale, à Milan dans la nuit du 24 au 25 avril de l’an 387 (il était donc dans sa trente-troisième année, puisque né le 13 novembre 354), que le futur Saint Augustin reçut le saint baptême des mains de Saint Ambroise (cf. > ici), au terme de longues années d’errances intellectuelles et psychologiques, de recherches et de maturations spirituelles.
L’épisode déterminant de la reddition à la grâce, dans le jardin, eut lieu en 384 : à compter de ce moment, Augustin a dû 1) attendre la fin de l’année scolaire pour mettre fin à sa carrière de professeur, 2) mettre fin à la liaison qu’il entretenait depuis environ quatorze ans avec cette compagne qu’il aimait profondément, qui lui avait donné un fils – maintenant adolescent -, mais qu’il lui était impossible d’épouser (voir la note en bas de page), et 3) faire part à Saint Ambroise de sa ferme détermination de se préparer au saint baptême.
Depuis le commencement de l’automne 386 jusqu’à la fin de l’hiver en mars 387, se place la longue retraite à Cassiciacum, que nous avons déjà évoquée (cf. > ici) et dont nous avons en même temps souligné l’importance déterminante non seulement pour la suite de la vie d’Augustin, mais encore pour celle de millions de fils et de filles spirituels, puisqu’on peut dire que c’est de l’expérience de Cassiciacum qu’est née concrètement la vie religieuse augustinienne.
Dans la première quinzaine de mars 387, Augustin et ses proches rentrèrent à Milan : le grand carême allait commencer et, tout au long de cette sainte quarantaine, Augustin, son fils Adéodat et son inséparable Alype (cf. > ici) allaient assister aux derniers enseignements préparatoires et franchir les étapes rituelles de l’initiation qui les amènerait aux portes du baptistère.
Voici comment Monsieur Jean-Joseph-François Poujoulat (1808-1880) résume l’événement dans sa remarquable « Histoire de Saint Augustin » (1844), ouvrage toujours digne d’intérêt pour aborder la vie du grand docteur de la grâce :
« En ce temps-là, comme cela se voit aujourd’hui encore à Rome, on baptisait à Pâques. La solennité pascale de l’année 387 devait rester à jamais célèbre par le baptême du plus profond docteur de notre foi. La cérémonie eut lieu dans la nuit du 24 au 25 avril, au baptistère de saint Jean, situé auprès de l’église métropolitaine. Adéodat et Alype furent faits chrétiens en même temps qu’Augustin : saint Ambroise lui-même les purifia dans les eaux salutaires. Un instinct religieux, un pressentiment sacré avertissait-il le grand évêque de Milan que cet Augustin, prosterné à ses pieds, serait la plus grande lumière de l’Église ? Rien ne nous l’apprend ; mais saint Ambroise, baptisant Augustin, nous parait offrir une des plus belles scènes de l’histoire… »
[Jean-Joseph-François Poujoulat, « Histoire de Saint Augustin, sa vie, ses œuvres, son siècle, influence de son génie », tome I chap. VI]
Saint Augustin lui-même, dans les Confessions ne parle de son baptême que d’une manière allusive et laconique :
« Le temps étant venu de m’enrôler sous vos enseignes, nous revînmes de la campagne à Milan. Alype voulut renaître en vous avec moi ; il avait déjà revêtu l’humilité nécessaire à la communion de vos sacrements ; intrépide dompteur de son corps, jusqu’à fouler pieds nus ce sol couvert de glaces ; prodige d’austérité. Nous nous associâmes l’enfant Adéodat, ce fils charnel de mon péché, nature que vous aviez comblée… »
[« Confessions » Livre IX, chap. VI § 14]
La suite du paragraphe en effet n’est qu’un développement concernant Adéodat, ses qualités et sa mort prématurée, puis Saint Augustin enchaîne en expliquant comment les chants de la liturgie l’émouvaient, et, à ce propos, il raconte comment l’usage de chanter à l’église était né, à Milan, l’année précédente, à l’occasion des affrontements de Saint Ambroise avec l’impératrice-mère, Justine, qui était arienne.
De récit de la cérémonie : point !
Encore moins de description du baptistère et de sa décoration, des ornements du pontife et de son clergé…
Quant aux sentiments et impressions du futur docteur, pourtant habituellement expert incomparable pour détailler avec brio les divers états de l’âme, il n’en dit pas un mot.
Rien !
Ce mutisme de notre Bienheureux Père n’est certainement pas un oubli, et, de ce fait, il n’est pas anodin : s’il a ainsi choisi d’enfermer dans le silence qui préside au « secret du Roi » (cf. Tob. XII, 7) le récit de son propre baptême, auquel l’ont amené tant d’événements intérieurs sur lesquels il s’est montré si disert, il faut y voir des raisons spirituelles supérieures, qu’il n’a cependant pas non plus voulu nous détailler.
D’aucuns se creuseront la tête peut-être pour s’efforcer d’établir quelques conjectures… pour moi, à l’exemple du saint homme Job, « je mettrai ma main sur ma bouche » (Job XXXIX, 34) pour contempler en silence et demeurer dans une muette adoration des desseins de Dieu et de Son action dans les âmes de ceux qui, L’ayant cherché, ont fini par Le trouver et par établir en Lui leur demeure.
La tradition liturgique augustinienne célèbre une fête de la conversion de notre Bienheureux Père Saint Augustin, qui commémore à la fois sa conversion et son baptême, mais pas à cette date du 24 avril : elle a été intentionnellement établie au 5 mai, c’est-à-dire au lendemain de la fête de Sainte Monique, marquant ainsi que cette dernière a non seulement donné la vie du corps au grand docteur de l’Occident, mais qu’elle l’a également enfanté à la vie de la grâce par ses prières, ses larmes et ses pénitences.
Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur.
Cathédrale Saint-Pierre et Saint-Paul de Troyes :
le baptême de Saint Augustin par Saint Ambroise (détail)
Note :
La compagne de Saint Augustin, mère d’Adéodat : contrairement à ce que racontent de manière absolument erronée de très mauvais connaisseurs de la vie de Saint Augustin, d’autant plus prompts à parler qu’ils sont plus ignorants, celui-ci, avant sa conversion, n’a pas été un « homme à femmes » vautré dans les turpitudes d’une luxure papillonnant sans frein.
Augustin avait à peine vingt ans lorsqu’il se mit en ménage avec une jeune femme qu’il aima très profondément, dont il eut un fils – Adéodat -, et à laquelle il fut véritablement fidèle. Nous ne connaissons pas le nom de cette femme : Saint Augustin ne l’a jamais écrit. En revanche, ce qui est bien écrit, c’est l’attachement sincère qu’il avait pour elle et la douleur vive qu’il éprouva à en être séparé : « Quand on eut arraché de mon flanc [...] la femme qui partageait mon lit, le cœur qui lui était attaché en fut profondément blessé et saigna longtemps ». Au moment de sa conversion, Augustin n’était pas opposé à l’idée de se marier, mais il est aussi écrit que cette compagne était un « obstacle aux noces » (sic).
Nous serions, nous, avec nos mentalités modernes – et de « bons chrétiens » modernes – tentés de dire qu’il n’avait qu’à l’épouser, et qu’ainsi tout aurait été en règle devant Dieu aussi bien que devant les hommes. Mais en cette fin d’Antiquité, il n’était pas possible d’agir comme on le ferait de nos jours. Les historiens ont retourné les choses dans tous les sens, et l’hypothèse la plus plausible est qu’il y avait un empêchement social, légal, infranchissable : la mère d’Adéodat était vraisemblablement de condition très modeste, et la loi civile interdisait les mariages de plein droit entre un citoyen romain et une femme de condition subalterne. Voilà pourquoi, malgré la souffrance engendrée par cette situation, Augustin et sa très aimée concubine durent se séparer.
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Il est vrai qu’il est très difficile de se séparer d’un être cher…
Merci, cher frère, pour cet apport sur Saint Augustin, et cette remise en forme de la vérité de sa vie dans sa démarche de conversion, obtenue par sa sainte mère.