2024-92. De Saint Léon IX, pape, dont on célèbre la fête le 19 avril.

19 avril,
Fête de Saint Léon IX, pape et confesseur. 

Sarcophage d'Etichon-Adalric au Mont-Sainte-Odile - blogue

Sarcophage du duc Etichon-Adalric (+ 690), père de Sainte Odile de Hohenbourg,
au Mont-Sainte-Odile :
Etichon est l’ancêtre que revendiquent plusieurs Maisons souveraines
et les comtes d’Eguisheim-Dabo

   Les Etichonides sont une importante famille de la noblesse franque qui s’implanta en Alsace et étendit ses possessions aux pourtours de cette province à partir du milieu du VIIème siècle. Cette dynastie tient son nom du duc Etichon (né vers 635 – mort le 20 février 690), appelé aussi Adalric, bien qu’il ne fut pas le premier de sa lignée : mais il est vrai que l’on ne sait pas grand chose de ses deux prédécesseurs.
Etichon-Adalric d’Alsace est le père de Sainte Odile (vers 660 – 720), fondatrice et abbesse du monastère de Hohenbourg (aujourd’hui Mont-Saint-Odile).

   Les Maisons de Habsbourg, de Bade, de Lorraine et de Flandres, revendiquent d’appartenir à la descendance d’Etichon, de même que la famille des comtes de Nordgau de laquelle est issu Hugues IV de Nordgau (né vers 970 ? – mort en 1048) – père du futur Saint Léon IX -, cousin germain de l’empereur Conrad II le Salique (vers 990 – 1039) lequel fut le premier des empereurs de la dynastie franconienne – également appelée dynastie Salienne ou Salique – qui se trouve à la tête du Saint Empire romain germanique de 1027 à 1125 (empereurs Conrad II le Salique, Henri III le Noir, Henri IV et Henri V).

   Hugues IV de Nordgau épousa Heilwige de Dabo (née vers 980 – morte en 1046), dans les veines de laquelle coulait du sang de Saint Charlemagne. Elle apporta à son époux le comté de Dabo (Dasbourg ou Dagsburg). De leur union naquirent au moins huit enfants, et le troisième de leurs fils, né le 21 juin 1002, prénommé Brunon ou Bruno au saint baptême, accèdera au Souverain pontificat en 1049, et prendra alors le nom de Léon IX.

   Avec Saint Léon IX, une fois de plus, nous nous trouvons donc avec un éminent représentant de la sainteté issue des dynasties mérovingienne et carolingienne.

Rocher et chapelle de Dabo - blogue

Rocher et chapelle de Dabo (664 m d’altitude), au sommet du Schlossberg :
le rocher de Dabo est dans l’actuel département de la Moselle à 2 km du département du Bas-Rhin.
Dagobert y eut un pavillon de chasse ; un château y fut érigé au Xème siècle (détruit en 1679).
C’est l’un des lieux possibles de la naissance de Saint Léon IX
auquel est dédiée la chapelle édifiée au XIXème siècle. 

   Trois lieux revendiquent d’être le pays de naissance de Brunon (ou Bruno) d’Eguisheim : Dabo (jadis Dagsburg) et Abreschviller deux petites cités qui se trouvent dans l’actuel département de la Moselle, c’est-à-dire sur les terres provenant de sa famille maternelle ; ou Eguisheim, dans l’actuel département du Haut-Rhin, c’est-à-dire sur les terres paternelles.
La polémique qui existe à ce sujet n’a pas d’autre intérêt que de savoir si Saint Léon IX était lorrain ou alsacien, mais c’est une problématique purement moderne qui n’a pas de consistance aux yeux des mentalités de l’époque : Brunon, était le
 rejeton d’une famille de la haute noblesse franque possessionnée sur ce qui deviendra bien plus tard l’Alsace et la Lorraine dans leurs configurations actuelles ! En ce temps-là on raisonnait en termes de fiefs, et Brunon n’était, par le sang, ni alsacien ni lorrain au sens où nous l’entendons aujourd’hui. 

   Cadet de famille, Brunon était destiné à l’Eglise, et dès l’âge de cinq ans, considéré comme capable d’étudier, il fut confié à l’école cathédrale de Toul, sous l’autorité de l’évêque Bertholde (+ 1018) puis de son successeur Hermann (+ 1026) : deux prélats d’origine germanique, aussi intègres que zélés, défenseurs des droits et privilèges de leur Eglise, jouant aussi un rôle politique de premier ordre dans l’Empire.

   Très jeune, Brunon fut pourvu d’un canonicat à la cathédrale de Toul, et on sait qu’à l’âge de 23 ans (1025) il était diacre.
A la mort de l’évêque Hermann (1er avril 1026), Brunon est choisi par le clergé pour lui succéder alors qu’il n’a pas encore atteint l’âge de 24 ans. Cette élection est soutenue par l’empereur Conrad II le Salique, son cousin.

Carte du diocèse de Toul - blogue

Carte de l’ancien diocèse de Toul

   Avant de parler de l’épiscopat de Brunon, nous mentionnerons une anecdote.

   On rapporte que durant son enfance (sans davantage de précision), pendant son sommeil, il fut mordu ou piqué au visage par quelque bête venimeuse. Il en tomba très malade, pendant deux mois, au point que l’on craignit pour sa vie. Mais, nous dit le chroniqueur : « Un jour, alors qu’il reposait sur le dos tout éveillé, il lui sembla voir une échelle lumineuse s’élever de son lit, traverser la fenêtre qui lui faisait face, et atteindre le ciel. Un vieillard en habit monastique, d’un éclat éblouissant et d’une blancheur de cheveux vénérable, en descendit, portant dans la main droite une croix resplendissante au bout d’une longue hampe. Lorsqu’il vint près du malade, il tint l’échelle de la main gauche et, de la main droite, apposa d’abord la croix sur ses lèvres, puis en marqua ses plaies et ramena derrière l’oreille tout le pus que le venin avait produit ; s’en retournant bientôt comme il était venu, il le laissa sur la voie de la guérison ».
L’abcès creva ; Brunon guérit, et il affirma « qu’au cours de cette extase, il avait immédiatement identifié à son visage et à son habit, le bienheureux Père des moines, Benoît, dont l’éclat dépasse celui de la lumière ».

   C’est probablement l’une des raisons (pas l’unique) pour lesquelles, au cours de son épiscopat et de son pontificat, Brunon fut particulièrement attentif à protéger les moines bénédictins, et soutint les réformes monastiques qui tendaient à rendre les abbayes plus ferventes.

Intérieur de la chapelle Saint Léon IX à Dabo

Intérieur de la chapelle Saint Léon IX à Dabo

   Brunon devient donc évêque de Toul en mai 1026. Il va le rester jusqu’en 1052, car, lorsqu’il sera élu pape, à la fin de l’année 1048, il voudra conserver l’évêché de Toul en sus de celui de Rome, contrairement à l’usage, et ne s’en démettra qu’un peu plus de deux années après son élévation au Souverain Pontificat.

   Ses vingt-six années d’épiscopat sont marquées par une énergique volonté de réforme du clergé, de ses mœurs et de sa discipline. Ce n’est pas pour rien que les historiens de l’Eglise considèrent que la « réforme grégorienne » (du nom de Grégoire VII, qui sera le quatrième successeur de Saint Léon IX) a, en réalité, commencé avec Saint Léon IX.
Son épiscopat à Toul est déjà la mise en œuvre de ce qu’il va promouvoir lorsqu’il sera élu sur le trône de Saint Pierre. 

   Comme nous l’avons écrit plus haut, il soutint la réforme des abbayes, puis s’appuya sur elles pour corriger les abus du clergé, en particulier le nicolaïsme (ainsi désigne-t-on le non respect du célibat et de la continence parmi les clercs) et la simonie (l’achat des biens spirituels, et en particulier des charges et dignités ecclésiastiques).
Il favorisa les fondations monastiques et il imposa au clergé séculier un train de vie humble et pieux, donnant lui-même l’exemple avec son chapitre cathédral qu’il astreignit à une discipline quasi monastique.

Il eut également à jouer un rôle politique, par la défense militaire de son évêché, ainsi que par une mission d’ambassade auprès du Roi de France en vue de maintenir la paix entre l’Empire et le Royaume.
Malade durant toute une année, il dut, cette fois, sa guérison à Saint Blaise.

Statue de Saint Léon IX à Eguisheim - blogue

Statue de Saint Léon IX à Eguisheim

   Henri III, dit le Noir (1017-1056), fils de l’empereur Conrad II le Salique (+ 4 juin 1039), est élu roi des Romains à la mort de son père, mais devra attendre Noël 1046 pour être couronné empereur à Rome. 

   Ce deuxième empereur salique est un monarque particulièrement pieux et conscient des désordres qui désolent l’Eglise de son époque. Il soutient le mouvement réformateur de manière assez autoritaire et n’hésite pas à déposer les évêques simoniaques. Se considérant comme le chef temporel et spirituel de la Chrétienté, il se fait confier le pouvoir de nommer les papes, pour que ce ne soit pas la très puissante famille des comtes de Tusculum qui puisse imposer ses candidats.

   Cette famille d’origine sénatoriale romaine devenue très puissante, en effet, produisit nombre de papes et d’antipapes durant le XIème siècle, mettant en place un véritable système maffieux dans lequel se confondaient la papauté et les intérêts familiaux, jouant sur le fait qu’à cette époque le pape était choisi dans les rangs de la noblesse romaine.
Dans les faits, compte tenu du rôle que vont jouer certaines très puissantes femmes de ce clan et des mœurs fort peu édifiantes de certains pontifes qu’elles manipulaient à leur guise, certains historiens n’ont pas hésité à nommer cette période peu glorieuse de la papauté du nom de « pornocratie pontificale ».
C’est l’époque où, notamment, Benoît IX, élu pape alors qu’il n’était qu’un adolescent, et qui occupera le trône de Saint Pierre à trois reprises, scandalisera la Ville Sainte par ses orgies et vendra même sa charge apostolique à son oncle (Grégoire VI) pour se retirer sur les terres familiales, où il aurait vécu en ménage avec une de ses cousines…

   Pendant ce temps, Henri III tentera d’imposer des pontifes de mœurs intègres (Clément II et Damase II) dont les règnes très éphémères laisseront à penser qu’ils auraient été empoisonnés (sans qu’on puisse le prouver de manière absolue).
C’est alors que son choix se porta sur un clerc dont la moralité ne pouvait être mise en doute et qui fût suffisamment habile pour gagner la confiance des Romains : Brunon d’Eguisheim, évêque de Toul, était l’homme de la situation. En décembre 1048, il fut donc nommé pape.

   Toutefois, Brunon ne voulut pas devoir son élévation sur le trône de Saint Pierre à la seule autorité impériale : il se rendit à Rome et se présenta humblement au peuple romain en lui demandant la confirmation de son élection s’il pensait qu’il était véritablement digne de cette charge. Acclamé par le peuple et le clergé, Brunon fut alors intronisé le 12 février 1049, en prenant le nom de Léon IX, en référence à Saint Léon le Grand (cf. > ici).  

Statue de Saint Léon IX devant l'église de Dabo - blogue

Statue de Saint Léon IX érigée devant l’église de Dabo en 2002
pour célébrer le millénaire de sa naissance

   Dès Pâques 1049, le nouveau pape réunit un premier concile romain, toujours dans le but d’éradiquer la simonie et le nicolaïsme, après avoir accompli un pèlerinage au Mont-Gargan afin d’implorer la protection de l’archange Saint-Michel et au Mont-Cassin pour se recommander à Saint Benoît.
Il s’entoure de personnes de confiance acquises à la réforme de l’Eglise, parmi lesquels Saint Pierre Damien (cf. > ici), et le moine Hildebrand, qu’il s’était attaché quelques mois auparavant et qui lui succèdera un jour sous le nom de Grégoire VII.

   Nous ne détaillerons pas tout de son action et des réformes qu’il mit en place, ni des trois grands voyages qu’il entreprit afin d’imposer la restauration de la discipline et des mœurs, n’hésitant pas à excommunier ou déposer des évêques : de la fin de l’année 1049 jusqu’au carême 1053, il parcourut ainsi les territoires du Saint-Empire et de ce qui constitue aujourd’hui un grand quart nord-est de la France, déployant une énergie incroyable et une rigueur admirable, pour condamner l’hérésiarque Bérenger (écolâtre de Tours qui prétendait que la présence du Christ dans l’Eucharistie était seulement spirituelle), convoquer au total une douzaine de conciles, imposer la « Trève de Dieu » (suspension de l’activité guerrière pendant des périodes déterminées) à la Chrétienté, assainir le corps épiscopal, affranchir l’Eglise de la tutelle des laïcs…

   La fin de son pontificat fut assombrie par deux graves événements :

   1) en juin 1053, la défaite des troupes pontificales contre les mercenaires normands qui s’emparèrent du duché de Bénévent : le pape sera même prisonnier des Normands pendant neuf mois. Libéré en février 1054, il rentrera à Rome à toute extrémité, et rendra le dernier soupir le 19 avril ;

   2) pendant ce même temps, les relations avec le patriarche de Constantinople, Michel Cérulaire, se sont détériorées à l’extrême : si le fond de l’affrontement est bien la question de la primauté romaine, c’est une controverse sur le pain destiné à la Sainte Eucharistie qui va en être le déclenchement (les Latins utilisent du pain azyme, et les Byzantins du pain levé). Des protagonistes autres que le patriarche Michel Cérulaire et le légat pontifical Humbert de Moyenmoutier eussent vraisemblablement pu éviter le schisme, à la condition de le vouloir vraiment… Mais ils n’étaient ni l’un ni l’autre portés à des solutions d’apaisement : le 16 juillet 1054 – alors que le pape Léon IX était mort depuis presque trois mois, et que donc, ipso facto, Humbert de Moyenmoutier n’était plus son légat -, en réponse au patriarche Michel Cérulaire qui le renvoyait à Rome pour y chercher une nouvelle légature, Humbert déposa sur l’autel de la basilique Sainte-Sophie un texte d’excommunication du patriarche et de ses partisans. Michel Cérulaire riposta en excommuniant les légats… Les conséquences de cette rupture – hélas ! – durent encore.

   Revenu de captivité dans un état d’extrême faiblesse, Léon IX avait bénéficié d’une vision lui révélant que sa mort devait avoir lieu à Saint-Pierre du Vatican : il se prépara spirituellement, pris ses dispositions et fit même préparer son cercueil, puis il mourut au milieu de l’après-midi du 19 avril 1054, alors qu’il n’avait pas atteint ses 52 ans.
Il fut canonisé 33 ans plus tard par le pape Victor III.

vitrail de Saint Léon IX

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2 Commentaires Commenter.

  1. le 20 avril 2024 à 10 h 54 min Goës écrit:

    Merci pour ce texte qui m’apprend des choses que j’ignorais.

  2. le 19 avril 2024 à 5 h 41 min Abbé Jean-Louis D. écrit:

    Je n’en connaissais que le nom… Merci d’avoir fait connaître la vie de Saint Léon IX aux ignorants dont je suis.

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