2024-78. Celui qui tient dans Sa main le monde tout entier ne peut être enfermé dans un sépulcre.
Mercredi de Pâques.
En cette octave pascale, poursuivons, si vous le voulez bien, notre approfondissement de toutes les richesses spirituelles des sermons de Saint Augustin sur la fête de Pâques que l’on trouve dans le supplément aux œuvres complètes de notre Bienheureux Père : après avoir publié les trois premiers, voici en toute logique le quatrième !
Ici, Saint Augustin enchaîne, apparemment sans lien immédiatement logique, des considérations sur la capacité du Christ ressuscité à entrer dans un lieu clos à la manière dont Il S’est incarné et Il est né, sur les preuves de la Résurrection que donnent Ses ennemis sans le vouloir, puis sur les paroles prononcées par les anges à l’adresse des saintes femmes venues au tombeau et celles de Notre-Seigneur Lui-même à Marie-Magdeleine…
Mais en tout cela, c’est à nourrir notre foi et à affermir nos convictions que Saint Augustin s’attache, nous donnant des trésors de vie spirituelle à méditer.
Apparition des anges aux saintes femmes (anonyme flamand XVIIème siècle)
Celui qui tient dans Sa main le monde tout entier
ne peut être enfermé dans un sépulcre.
§ 1. On peut mettre en corrélation le mystère de l’Incarnation et celui de la Résurrection : Notre-Seigneur Jésus-Christ est sorti du sein de Marie comme Il pénètre au milieu des apôtres, alors que les portes sont fermées.
« Le Verbe S’est fait chair, et Il a habité parmi nous » (Jean I, 11) .
« Le Verbe S’est fait chair » : et comment S’est-Il fait chair ? Nous l’ignorons. Dieu nous atteste cette vérité, mais elle est pour nous un mystère. Je sais que « le Verbe S’est fait chair », et j’ignore comment Il S’est fait chair. Vous vous étonnez de cette ignorance ? Elle est le partage de toute créature : « car le mystère qui a été caché dans tous les siècles a été révélé dans notre siècle » (Coloss. I, 19).
Quelqu’un me dira peut-être : puisque ce mystère a été révélé, comment pouvez-vous dire encore que vous l’ignorez ?
Dieu nous a révélé ce qui a été fait, mais le comment reste pour nous un mystère. Isaïe s’écriait : « Qui racontera sa génération ? » (Is. LIII, 8). Et cependant lui-même avait dit précédemment : « Voici qu’une vierge concevra dans son sein et enfantera » (Ibid. VII, 14). Ces dernières paroles nous attestent ce qui a été fait, tandis que les premières : « Qui racontera sa génération ? » nous prouvent que si nous savons qu’Il est né, nous ne savons pas comment Il est né.
La sainte et bienheureuse Marie est à la fois mère et vierge, vierge avant l’enfantement, vierge après l’enfantement.
Je me demande avec étonnement comment un enfant vierge a pu naître d’une vierge, et comment, après avoir enfanté, cette mère a pu rester vierge.
Vous voulez savoir comment Jésus est né d’une vierge et comment, après Lui avoir donné naissance, Sa mère est restée vierge ? Les portes étaient fermées et Jésus est entré. Personne ne doute que les portes n’aient été fermées ; et Celui qui est entré les portes étant fermées, n’était pas un fantôme, n’était pas un esprit, c’était un corps véritable. Que dit-Il, en effet ? « Regardez et voyez qu’un esprit n’a ni chair ni os, comme vous voyez que J’en ai » (Luc XXIV, 39). Il avait la chair, Il avait les os, et les portes étaient fermées. Comment, les portes étant fermées, de la chair et des os sont-ils entrés ? Les portes sont fermées et Il entre. Nous Le voyons entré, mais comment est-Il entré ? Toutes les portes sont fermées, aucun lieu ne Lui fournit d’entrée, on ne voit point par où Il est entré, et cependant Il est entré, car Le voilà dans l’intérieur de la salle, au milieu de Ses disciples.
Vous ne savez pas comment Il est entré, et sur ce comment vous vous en remettez à la toute-puissance de Dieu. Remettez-vous-en donc à la puissance de Dieu, quand on vous dit que le Sauveur est né d’une vierge, et que Sa mère est restée vierge avant et après l’enfantement.
A l’occasion de la construction du temple, nous lisons dans le livre d’Ezéchiel : « Cette porte orientale, qui regarde l’Orient, sera toujours fermée, et personne n’entrera par elle » (Ezéch. XLIV, 2-3), à l’exception du pontife. La porte est fermée, et personne n’entre par cette porte, si ce n’est le pontife.
§ 2. La conduite même de Ses ennemis est une excellente preuve de Sa Résurrection.
Le tombeau du Sauveur avait été creusé dans un rocher très dur qui n’offrait aucun interstice, et il est écrit que ce sépulcre était tout neuf et n’avait pas encore servi.
Rien de si facile à saisir que ce fait selon le sens littéral, et c’est tout d’abord du sens littéral que nous devons nous occuper. Or, d’après ce sens, le tombeau avait été taillé dans une pierre très dure, et Jésus-Christ fut déposé dans un sépulcre neuf ; de plus, une grande pierre avait été placée à l’entrée du sépulcre, et un poste de soldats était chargé de garder cette entrée du sépulcre, pour empêcher qu’on ne vînt enlever le corps ; or, toutes ces circonstances devaient faire mieux ressortir la puissance déployée par le Sauveur dans Sa Résurrection.
S’il se fût agi d’un simple tombeau, ils auraient pu dire : les disciples ont creusé la terre et emporté le corps. Si la pierre eût été petite, ils auraient pu dire : la pierre était petite et pendant que nous dormions ils l’ont enlevée. Enfin, que lisons-nous dans l’Evangile ? « Le lendemain, les scribes, les pharisiens et les prêtres vinrent trouver Pilate et lui dirent : Maître, ce séducteur a annoncé qu’Il ressusciterait ; aussi, pour empêcher que Ses disciples ne viennent, ne L’enlèvent et ne disent : Il est ressuscité, ce qui constituerait une erreur pire que la première, donnez-nous des hommes pour garder le tombeau et rendre impossible l’enlèvement du corps. Pilate leur dit : Vous avez une garde, allez et faites ce qu’il vous plaira » (Matth. XXVII 62-65). La sollicitude des Scribes et des ennemis du Sauveur confirme notre foi. Pharisiens, gardez, gardez ce tombeau ; Dieu ne peut être enfermé nulle part, Dieu ne peut être enchaîné dans un sépulcre, car c’est Lui qui a fait le ciel et la terre. Le ciel et la terre sont renfermés dans le creux de Sa main, et de trois doigts Il porte le monde ; or, Celui qui tient dans Sa main le monde tout entier ne peut être enfermé dans un sépulcre.
§ 3. La résurrection est également prouvée par le témoignage de l’Ange.
Enfin des saintes, Marie-Madeleine, Marie, mère de Jacques et de Joseph, animées d’un pieux dessein, mais victimes d’une erreur, cherchaient le Sauveur dans le tombeau. Leur bonne volonté fut louée, mais leur erreur fut réfutée.
Cet Ange qui roulait la pierre, était assis sur la pierre. Et que montrait-il ? Cette pierre sur laquelle je suis assis ne peut enchaîner mon Seigneur, puisqu’elle est foulée par Son serviteur ; par conséquent, cette pierre n’a pu enchaîner Jésus. Il dit donc aux femmes qui venaient chercher le Sauveur : « Vous cherchez Jésus, Il n’est plus ici » (Matth. XXVIII, 6). Où est-Il ? Au ciel ? Il est au-delà des cieux. Sur la terre ? Il est au-delà de la terre. Il est partout où vous voudrez ; Il est tout entier partout où vous êtes, partout où vous êtes et partout où vous puissiez être, vous qui Le cherchez, vous êtes en Celui que vous cherchez.
Ecoutez donc ce que dit l’ange aux saintes femmes : « Pourquoi cherchez-vous parmi les morts Celui qui est plein de vie ? Pourquoi cherchez-vous le Seigneur dans un tombeau ?» (Luc, XXIV, 5). Vous cherchez Jésus, vous cherchez le Seigneur, parce que si vous cherchiez seulement Jésus, vous sauriez certainement qu’Il est vivant, vous L’entendriez vous dire : « Au milieu de vous il en est Un « que vous ne connaissez pas » (Jean, I, 26). « Le royaume de Dieu est au dedans de vous » (Luc, XVII, 21). L’ange dit donc aux saintes femmes : Vous cherchez Jésus dans le tombeau, croyez qu’Il est ressuscité et que vous avez en vous-mêmes Celui que vous cherchez.
§ 4. Apparition du Sauveur ressuscité à Marie-Madeleine.
Marie-Madeleine, en apercevant le Seigneur, Le prit pour le jardinier. C’était une illusion de sa part, mais une illusion qui avait aussi sa raison d’être. Jésus n’était-Il pas véritablement le jardinier de Son paradis, des arbres du paradis ? « Elle pensait que c’était le jardinier » (Ibid. XX, 15), et elle voulut s’attacher à Ses pieds. Et que lui dit le Seigneur ? « Gardez-vous de Me toucher, car Je ne suis pas encore monté à Mon Père » (Ibid. 17). « Prenez garde de Me toucher », car vous ne méritez pas de Me toucher, vous qui Me cherchez dans le sépulcre. « Abstenez-vous de Me toucher », Moi en qui vous ne voyez que l’humanité, et dont vous ne croyez pas encore la Résurrection. « Abstenez-vous de Me toucher », car « Je ne suis pas encore monté à Mon Père » pour vous. Lorsque pour vous Je serai monté à mon Père, alors vous mériterez de Me toucher.
« Noli me tangere » (anonyme XVIIème ou XVIIIème s. – collection privée)
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