2024-77. Le tableau de la Résurrection de Notre-Seigneur peint par Charles Le Brun et ses leçons spirituelles et politiques.

Mercredi de Pâques.

Charles Le Brun - blogue

Charles Le Brun (1619-1690)

       Né à Paris le 24 février 1619 et mort en cette même ville le 12 février 1690, Charles Le Brun fut le premier peintre de Sa Majesté le Roi Louis XIV, le directeur de l’Académie royale de peinture et de sculpture – qu’il fonda en 1648 avec le Chancelier Séguier, son fidèle protecteur de toujours -, et de la Manufacture royale des Gobelins. Le Grand Roi lui a commandé en particulier les peintures qui ornent la Galerie des Glaces.
Toutefois il serait extrêmement réducteur de limiter l’œuvre de cet immense artiste aux décors, aussi magnifiques soient-ils, de Versailles : Charles Le Brun possède dans son catalogue une longue liste d’œuvres religieuses pour lesquelles nous avons beaucoup d’admiration.
Le tableau que nous allons brièvement présenter aujourd’hui en fait partie, et c’est l’un de ceux que nous aimons très spécialement : la Résurrection de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Paris église du Saint-Sépulcre

L’église du Saint-Sépulcre de Paris (détruite en 1791)

Historique du tableau :

   Il existait à Paris une église du Saint-Sépulcre : c’était l’église de l’Ordre canonial régulier du Saint-Sépulcre, attenante à un cloître et à un hôpital. Dans cette église se trouvaient en même temps les chapelles d’une vingtaine de confréries ou corporations, dont celle des merciers.
Ne cherchez pas aujourd’hui l’église du Saint-Sépulcre de Paris : saisie et vendue comme « bien national » en 1791, il n’en reste rien aujourd’hui (sort qui fut aussi celui de plus d’une centaine d’églises ou chapelles, à Paris même, pendant la grande révolution ou dans les années qui suivirent) : elle se situerait au n° 60 de la rue Saint-Denis.

   Cette corporation des merciers avait consenti un prêt de 50.000 livres à Sa Majesté dans le cadre du financement de la campagne contre les Espagnols qui eut pour heureuse conséquence le rattachement de la Franche-Comté à la Couronne de France (1674).

Louis XIV rattache définitivement la Franche-Comté à la France 1674 - Charles Le Brun - Versailles

1674 : le rattachement définitif de la Franche-Comté à la France
tableau de Charles Le Brun (château de Versailles)

   Le remboursement de la dette contractée par l’Etat envers la corporation des merciers comportait une part de mécénat pour le renouvellement de la décoration de la chapelle des merciers, dans l’église du Saint-Sépulcre, et la commande d’un grand tableau de la Résurrection pour le maître-autel de la même église, lui-même refait dans le style de l’époque par la même occasion.
Le tableau, que l’on peut placer dans la magnifique tradition des grands ex-voto royaux, fut livré en août 1676.

   Fort heureusement sauvé du vandalisme sans-culottide et patriote, il peut, depuis 1811, être admiré au musée des beaux-arts de Lyon (mais il s’en trouve aussi une copie réalisée dans l’atelier de Charles Le Brun au musée du Louvre).

Charles Le Brun - la Résurrection

Explication du tableau :

   De manière évidente, le tableau est nettement divisé en deux parties : dans la partie supérieure on admire le Christ ressuscité, entouré d’anges. Notre-Seigneur Jésus-Christ est représenté avec une plastique parfaite et rayonnante, athlétique pourrait-on dire, et même s’Il a encore aux mains, aux pieds et au côté les stigmates de la Crucifixion, Il porte surtout en Lui les signes de son triomphe sur le mal et la mort. Son humanité est transfigurée, glorifiée : c’est l’image de la beauté et de la jeunesse éternelles qui seront le partage des élus.

   Le linceul, qui symbolise la mort, coupe la composition dans toute la largeur du tableau : il est tenu par deux anges comme une sorte de palladium, protecteur de la royauté très chrétienne. Cette dernière est symbolisée par la figure de Saint Louis, debout à droite, présentant au divin Rédempteur son descendant et successeur, le Roi Louis XIV, agenouillé, en armure et manteau royal, qui offre son sceptre et son casque, dont le panache rouge (couleur de gloire) se détache sur le blanc du linceul, au cœur de la composition.
Saint Louis est certes l’idéal de la monarchie capétienne de droit divin, le modèle et le saint patron du monarque régnant, mais il est également le céleste protecteur des merciers.

   On peut observer qu’entre la forme cintrée du retable, en haut, et la courbe produite par le drapé du linceul, le registre supérieur s’inscrit dans un cercle, symbole d’éternité ; tandis que la forme carrée préside au registre inférieur de la composition : le carré, avec ses quatre côtés, évoque le monde terrestre, régi par les quatre éléments.
A ce monde terrestre appartiennent les soldats, bousculés à terre, effrayés par le miracle de la Résurrection, et le tombeau (figuré comme une sorte de sarcophage rectangulaire) que l’on aperçoit tout juste en arrière-plan, et qui symbolise la mort. Juste au-dessus, un ange en robe jaune, porte le couvercle de ce sarcophage : il illustre ainsi, en dépassant la limite du linceul, que la mort n’est, pour le fidèle, qu’un passage entre le monde terrestre et le monde éternel.

Charle Le Brun la Résurrection détail - blogue

   Saint Louis et Louis XIV, par leur place dans la composition, montrent, en outre, que, s’ils sont issus de l’univers temporel, ils s’élèvent néanmoins au-dessus de lui et franchissent la limite du linceul.
Magnifique représentation symbolique du rôle transcendant de la royauté chrétienne qui, ordonnée au gouvernement dans le monde terrestre, a aussi pour mission d’entraîner ses peuples vers le registre supérieur. C’est l’un des effets du Sacre, qui arrache le Roi à l’ordre profane pour l’établir dans l’ordre surnaturel et fait de lui un intermédiaire entre Dieu et les hommes.

   Dans le coin inférieur droit de la composition, Le Brun a représenté Colbert, désignant de la main les richesses du royaume, et plus précisément le symbole du remboursement du prêt des merciers au Roi, occasion du tableau. Le vase posé sur le sol possède des anses en forme de couleuvres, rappel des armes du ministre.
Tout est dans l’ordre, car l’Ancien Régime est société d’ordre (et d’ordres) : l’argent n’est pas méprisable, puisqu’il peut contribuer à la sécurité et à la gloire du Royaume, ainsi qu’à l’embellissement des sanctuaires du Vrai Dieu, mais il se trouve au bas de la composition ; il n’est qu’un moyen. Un moyen nécessaire, mais un moyen.

   L’artiste est donc parvenu, dans cette œuvre remarquable, à faire cohabiter des personnages éloignés dans le temps, puisqu’il réunit dans une unique scène les soldats romains du récit évangélique, le Christ dans le moment de Sa Résurrection, un souverain du Moyen-Age, le Roi glorieusement régnant et son principal ministre, et qu’il les ordonne, par une composition fortement symbolique, à la transmission d’une leçon spirituelle – quasi théologique – sur la Royauté sacrée.

   Au faîte de sa carrière, alors qu’il travaillait à la décoration du château de Versailles, Charles Le Brun manifestait dans cette œuvre, avec un prodigieux talent, la ferveur qu’on peut qualifier de mystique qui sous-tend l’Ancien Régime et sans laquelle il est finalement incompréhensible.

Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur.

Charle Le Brun la Résurrection détail le Christ - blogue

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2 Commentaires Commenter.

  1. le 3 avril 2024 à 8 h 57 min Goës écrit:

    Quel grand artiste que Charles le Brun !
    Mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit du travail de formation des apprentis par les corps de métiers, et de l’alliance de tous les peuples du royaume avec son monarque.

  2. le 3 avril 2024 à 5 h 08 min Abbé Jean-Louis D. écrit:

    Merci pour cette très belle et éclairante présentation de ce TABLEAU magnifique et significatif où est représentée la Résurrection du Christ établissant son Royaume sur terre, en passant par le cœur des hommes de foi et particulièrement du cœur de ceux appelés au plus haut service, le gouvernement des peuples…
    En revanche nous sommes plus douloureusement affligés, en quelque sorte, lorsque nous comparons cette réalité picturalement présentée avec le tableau du monde d’aujourd’hui!
    Revenez, Seigneur Jésus ! revenez parmi nous, comme Vous l’avez promis, pour rétablir Votre Eglise et soumettre ce monde dominé par Satan !

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