2024-43. Quelques graves avertissements de l’Abbé Huvelin à propos de la tiédeur.
Lundi de la 1ère semaine de Carême.
Voici d’autres extraits des entretiens spirituels de Carême que l’abbé Henri Huvelin (1830-1910) donna lors de la récollection du 11 mars 1885, à la paroisse Saint-Eugène de Paris, dont nous avons déjà publié une citation il y a peu (cf. > ici).
Dans les passages que nous publions ci-dessous, l’abbé Huvelin délivre de judicieux avertissements afin de nous mettre en garde contre la tiédeur, cette maladie de l’âme qu’il qualifie de « la plus redoutable des menaces ».
Six jours seulement après le mercredi des Cendres, ces mises en garde ne sont pas inutiles tant nos résolutions manquent souvent de constance, et tant nos habitudes, la routine reviennent si vite paralyser nos desseins de générosité et de ferveur.
Faisons donc grands cas des avertissements de ce grand connaisseur des âmes, dont l’œil était si exercé à débusquer les menaces de la vie spirituelle…
La tiédeur
1) La plus grande des menaces : la tiédeur.
« La tiédeur… Bien petit mot pour la plus redoutable des menaces et pour un état particulièrement dangereux [...].
La tiédeur est l’état de l’âme qui se laisse aller au péché véniel, à l’infidélité [...] mais qui néanmoins reste tranquille tout en résistant à Dieu.
Des âmes arrivent au confessionnal avec le poids de fautes très lourdes [...] mais elles ont la volonté de sortir de cette mauvaise voie. D’autres âmes ont, en apparence, moins à se reprocher. Aussi facilement que de l’eau, elles boivent ce qu’il leur plaît de nommer ‘fautes vénielles’. A force de résister à la Grâce, celle-ci ne devient plus qu’un petit souffle imperceptible. Voilà justement l’état dangereux : celui dont on ne souffre pas ! [...]
L’âme tiède n’ira pas jusqu’au péché mortel, elle s’arrêtera ; mais elle se complait dans les infidélités et demeure dans cet état parce que, avant tout, elle craint de se gêner.
Par petitesse, mauvaise volonté ou lâcheté, absence d’ambition ou d’idée de grandeur, elle s’habitue à sa médiocrité… Elle méprisera ou négligera ce qu’elle traite de ‘petites choses’, comme si elle se plaçait au-dessus d’elles ; mais ces choses ‘petites’ forment l’ensemble des mérites de la vie ! [...]
De telles âmes ne s’inquiètent pas. Elles voient le mal qu’elles n’ont pas commis, mais ignorent celui qu’elles font et se targuent de n’être jamais tombées dans la faute mortelle. Elles ne cherchent pas à sortir de leur dangereuse quiétude.
Leur acte de contrition est aussi machinal que leur confession. Elles n’ont aucun regret et ne prennent aucune résolution [...].
Il y a là quelque chose d’infiniment douloureux. Je ne parle de ce mal qu’avec la plus profonde tristesse. »
2) Les causes de la tiédeur :
« La tiédeur provient de différentes causes :
… de la lâcheté d’une âme qui redoute plus l’effort et la peine que la déplaisance à Dieu.
… d’une disposition à se disperser.
On vit hors de chez soi. On recherche de tristes ressources dans les choses, parce que la pensée de Dieu est pénible et que l’on veut y échapper [...].
On recherche certaines familiarités, certaines conversations frivoles. On perd le goût de la piété, on évite les personnes pieuses. On traite de haut certains devoirs comme s’ils étaient à l’usage des enfants et non à celui d’une âme qui commence à grandir [...].
En un mot, la tiédeur vient du besoin de s’affranchir de ce qui commence à ennuyer, d’un travail trop lourd… Oui, l’âme tiède fuit la gêne, essaie de se faire une vie plus facile [...]. Elle s’enferme dans une existence sans gêne.
L’Evangile, ce n’est pas cela ! Dieu merci ! Le sentier est plus rude, mais aussi l’horizon plus étendu ! »
3) Débusquer sa propre tiédeur :
« La tiédeur se reconnaît facilement. J’entends tous les jours : ‘Ma prière m’ennuie. Je ne la fais plus’. Voilà une âme tiède ! [...]
Si Jésus passait [...] et disait : ‘Que voulez-vous que Je fasse ?’ Cette âme ne saurait que répondre. Au moment de prier elle subit l’ennuyeuse nécessité de la prière quotidienne et ne sait rien dire à Dieu. Voilà bien la tiédeur ! [...]
Une âme me dirait : ‘J’essaie, je me reprends à plusieurs fois… quand je renonce à prier je suis triste de n’avoir rien su, rien pu dire’ ; alors ce ne serait plus de la tiédeur : le simple regret qui exprime une douleur serait le commencement d’une excellente prière ! [...]
D’autres affirment : ‘Je n’ai rien fait que de très petites fautes’. [...] Elles comptent pour rien les résistances à la Grâce et toute la multitude des fautes d’omission, l’absence de tout effort, de toute pensée… Elles oublient les petites émotions malsaines recherchées, l’entraînement des sens auquel elles ont obéi… les pensées auxquelles elles n’ont pas résisté.
Elles ont joué aux abords du mal et, parce qu’elles n’ont pas été jusqu’au bout, elles comptent pour rien ce qu’elles ont fait ! [...]
Certaines vies ne comptent aucun acte bienveillant, salutaire ; aucune gêne de soi-même : ces âmes-là ignorent la bonté… et elles jugent n’avoir rien fait de répréhensible parce qu’elles n’ont pas fait directement un grand mal ! [...]
Les âmes qui vivent de pensées futiles, d’entrainement, de laisser-aller, perdent tant d’occasions de faire le bien ! Elles refusent si souvent la Grâce de Dieu [...].
Le seul moyen de les réveiller de cette torpeur sera la chute qui fait du bruit, entraînant tant de choses avec elles.
Dieu peut permettre cette chute humiliante pour réveiller l’âme qui s’endort, plutôt que de la laisser aller dans ses illusions. »
(Récollection prêchée à la paroisse Saint-Eugène le 11 mars 1885)
« Faites-moi miséricorde, ô Jésus, et ramenez mon cœur à Vous
dans la contrition et la ferveur ! »
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Nous louerons le nom du Seigneur la nuit et le jour,
Pour toujours, pour tous les jours !
Béni soit le nom du Seigneur pour son amour inconditionnel.
Seigneur, fortifiez mon âme pour sortir de la tiédeur et ne jamais y retourner!