2024-14. Du fabuleux « concile cadavérique » et des réflexions qu’il inspire à Son Altesse Félinissime le Prince Tolbiac.

Jeudi 18 janvier 2024,
Fête de la Chaire de Saint Pierre à Rome (cf. > ici) ;
Mémoire de Saint Paul, apôtre ;
Mémoire de Sainte Prisque, vierge et martyre.

Armoiries de Sa Sainteté le Pape Benoît XVI

Blason de feu le pape Benoît XVI sur un ornement brodé

       Damnatio memoriae
Vers la fin du mois de décembre dernier, quelques jours avant que l’occupant du trône pontifical – pour un peu de temps encore – ne fasse officiellement (mais était-ce sincèrement ?) l’éloge de feu le Pape Benoît XVI dont c’était le premier anniversaire du rappel à Dieu, on apprenait aussi que le dit « occupant » venait de donner l’ordre aux responsables des sacristies pontificales de faire découdre de tous les ornements et parements liturgiques les armoiries du dit Benoît XVI.
Cela ne s’était jamais vu : habituellement, les pontifes se succèdent et ils continuent à utiliser les ornements de leurs prédécesseurs sans faire d’histoires ; c’est même un puissant témoignage de la continuité et de la permanence de la Sainte Eglise.

   Un tel oukase n’était pas sans rappeler « les heures les plus sombres de notre histoire », celles de la grande révolution, lorsque les « patriotes » s’acharnèrent, par un vandalisme rarement vu, à faire disparaître les blasons, les armoiries et tous les symboles de plus de dix siècles de civilisation glorieuse, en les martelant, brisant, brûlant et anéantissant par tous les moyens dont la bêtise humaine est coutumière.   

   Dans le même temps, et nous l’avons vérifié nous-mêmes sur le site Internet du Saint-Siège, les photographies des voyages ou cérémonies du même Benoît XVI, disparaissaient des pages qui le concernent sur le site officiel de notre Mère la Sainte Eglise Romaine.

   Nous le savons bien, il y a sur cette terre peu de choses qui soient capables de pousser aussi loin la méchanceté et la bassesse que ce que l’on appelle « les haines cléricales », surtout lorsqu’elles s’accompagnent des discours mielleux et convenus prêchant la tolérance, la fraternité universelle, l’accueil inconditionnel de tous, et autres poncifs qui se sont multipliés depuis le concile vaticandeux.
Nous le savions par de multiples constats et témoignages accumulés au cours des dernières décennies. Nous en avons un exemple supplémentaire sous nos yeux attristés.

   Ce qui nous console toujours, en revanche, c’est la certitude que les jugements des hommes, fussent-ils d’Eglise, ne sont pas ceux de Dieu, avec la ferme assurance que Celui-ci saura tirer vengeance, pour l’éternité, des mauvais clercs, des mauvais hiérarques et des mauvais pontifes : les haines, quelque pontificales qu’elles puissent être, n’entreront pas au paradis !

typographie mortuaire - blogue

   Ces considérations, dont nous devisions sereinement au coin du feu, ont amené mon papa-moine à me parler d’un événement plus que millénaire, qui est resté dans l’histoire de l’Eglise sous le nom de « concile cadavérique ».
En cette fête de la Chaire de Saint Pierre à Rome, et justement en raison de cette occurrence, il m’a paru tout-à-fait opportun de vous en rappeler les faits, qui ont un côté véritablement charmant et croquignolet.

   En janvier 897, le pape Etienne VI (un vrai pape qui figure sur la liste officielle des pontifes romains, et qui était donc « infaillible ») convoqua un synode d’évêques italiens, qui, en vérité, n’étaient pas très enthousiastes, mais qui obtempérèrent compte-tenu des menaces de représailles qui leur avaient été adressées s’ils ne répondaient pas à l’aimable et infaillible invitation d’Etienne VI.
Ce dernier était d’origine romaine, et accessoirement fils de prêtre : il avait succédé en mai 896 au pape Formose (pape de 891 à 896), lequel l’avait auparavant élu et consacré évêque d’Anagni.

   Cela se passe dans un contexte historique particulier : les grandes familles romaines essayaient de dominer le pontife, de faire élire l’un des leurs sur le siège de Pierre, ou d’imposer un homme de paille qui servirait leurs intérêts ou leur politique.
Cela durera des siècles : c’est là l’origine de la légende de la « papesse Jeanne » ; c’est la raison pour laquelle tant de papes fuirent Rome et s’installèrent dans des villes ou des châteaux extérieurs à leur cité épiscopale, à l’intérieur de leurs Etats ;  c’est la cause de leur installation en Avignon (qui n’était pas une ville française, mais une ville qu’ils avaient achetée en bonne et due forme pour l’adjoindre au Comtat Venaissin qui lui aussi faisait pleinement partie des Etats de l’Eglise et n’était donc pas
 une terre étrangère d’exil) ; c’est le motif déclenchant du grand schisme d’Occident après l’élection d’Urbain VI accomplie sous la contrainte et les menaces … etc.

   Cela dure encore d’une certaine manière, puisqu’il y a des « familles de pensée » – parfois bien plus redoutables que les familles naturelles – qui pèsent toujours sur l’élection pontificale (la « maffia de Saint-Gall » par exemple), et qui imposent leur candidat pour des motifs idéologiques…

   Bref ! Etienne VI était le pape acquis à un parti dont il voulut faire triompher la politique, tandis que Formose, son prédécesseur, n’avait pas été de ce camp-là, n’avait pas servi cette politique-là.

Jean-Paul Laurens - le concile cadavérique - 1870 - blogue

Jean-Paul Laurens (1838-1921) : le concile cadavérique (1870 – musée d’art de Nantes)

   Etienne VI, pape infaillible animé d’une haine infaillible, ayant donc réuni son synode vengeur, fit exhumer le cadavre en décomposition de son prédécesseur Formose, pape infaillible infailliblement mort (+ 4 avril 896), le fit revêtir des ornements pontificaux et assoir sur un trône en face des évêques et prélats convoqués par l’ « occupant » du moment, afin de le juger.
On attribua magnanimement au cadavre de Formose un diacre, chargé de répondre à sa place aux accusations infaillibles d’Etienne VI.

   Les actes de ce singulier synode ont été intentionnellement détruits par la suite : nous ne possédons donc pas le détail de ce macabre procès, nous n’en connaissons que les faits extérieurs qui ont tout de même bien marqué les contemporains.

   Comme il fallait s’y attendre, bien sûr, le pape Formose fut infailliblement condamné : on le dépouilla publiquement de ses vêtements pontificaux ; on lui coupa le pouce, l’index et le majeur de la main droite (les doigts avec lesquels on bénit), et on déclara nuls et non avenus tous ses décisions et actes pontificaux (ce qui, de fait eût dû rendre nulle et non avenue la nomination et consécration épiscopale d’Etienne VI, qui, semble-t-il, ne pensa pas à cela).
En suite de quoi Etienne VI – dans sa vengeance pontificale infaillible – livra à une faction de misérables à sa solde (vous savez, ce genre de personnes vulgaires et sans scrupules qu’on appelle ensuite « le peuple », et pour lesquels l’argument infaillible suprême sera toujours l’argent), la dépouille de Formose qu’ils profanèrent et finirent par jeter dans le Tibre comme une banale idole de « Pachamama ».

   Mais le Tibre se montra plus respectueux qu’Etienne VI du corps de l’ancien pape, et le conduisit dans des filets où il fut récupéré par le « vrai peuple », qui avait été l’objet de la sollicitude et des charités de Formose, et conservait une véritable vénération pour ce pape qui avait, certes, un caractère bien trempé mais n’avait manqué ni de piété ni de droiture, ni d’humanité ni d’esprit de pénitence : son cadavre ne portait-il pas encore le cilice dont il mortifiait sa chair ?

typographie mortuaire - blogue

   A quelque temps de là, l’infaillible Etienne VI fut déposé et jeté en prison, où la divine Providence permit qu’il fut étranglé, ce qui lui valut, d’une manière tout ce qu’il y a de plus infaillible d’ailleurs, de rendre l’âme pour s’en aller comparaître devant le divin Juge.

   Le « concile cadavérique » fut déclaré nul, le pape Formose fut réhabilité, et ses actes pontificaux furent à nouveau considérés comme valides.
On l’inhuma une seconde fois dans la basilique vaticane, et la tradition populaire rapporte que, sur le passage du cortège funèbre, 
les statues des saints s’inclinèrent pour saluer sa dépouille.

   Est-il nécessaire de vous dire que j’aime vraiment beaucoup cette histoire qui illustre admirablement le fait que l’on peut avoir des papes  – de vrais papes infaillibles – qui se comportent comme d’infaillibles et criminels malandrins de première classe, dont la méchanceté infaillible va jusqu’à se « venger » des morts eux-mêmes, mais qui récolteront infailliblement le fruit de leurs iniquités !

   Soyons juste un peu patients, mes chers Amis, que je laisse maintenant méditer sur les parfois incompréhensibles mais toujours infaillibles desseins de notre Père céleste, et sur l’infallible justice du Très-Haut…

pattes de chat Tolbiac

concile cadavérique - blogue

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6 Commentaires Commenter.

  1. le 19 janvier 2024 à 13 h 32 min Maître-Chat Lully écrit:

    Lorsque nous ne trouvons pas d’images qui nous conviennent… Nous les réalisons nous-mêmes grâce à un créateur d’images.

  2. le 19 janvier 2024 à 10 h 05 min Goës écrit:

    Merci au frère Maximilien pour ce rappel.

  3. le 19 janvier 2024 à 6 h 43 min Abbé Jean-Louis D. écrit:

    Merci, cher Tolbiac, d’avoir fait remonter en surface cet étonnant synode cadavérique – que beaucoup, comme moi-même, ignoraient – en actualisant des faits, dans un parallèle saisissant avec le comportement étienniste et formosiaste.
    Comme quoi, d’une manière ou une autre, l’histoire se renouvelle.

  4. le 19 janvier 2024 à 0 h 44 min Marc-M. écrit:

    Un évènement historique que devraient méditer les sédévacantistes en tous genres…

  5. le 18 janvier 2024 à 19 h 27 min Louis écrit:

    Comme vous le soulignez, la propre nomination épiscopale d’Urbain VI eût logiquement été nulle, mais pas sa consécration épiscopale.

  6. le 18 janvier 2024 à 18 h 42 min SB écrit:

    Cher Tolbiac, ce récit est impressionnant …et, en quelque sorte, réconfortant : en effet ces lignes : « le pape Formose fut réhabilité, et ses actes pontificaux furent à nouveau considérés comme valides », font chaud au coeur, rassurent notre raison et nous permettent d’être patients et confiants.
    Merci beaucoup !

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