2023-175. De la trisaïeule de Charlemagne qui fonda 7 églises : la vie de sainte Begge d’Andenne (615-693).
17 décembre,
Dans l’Ordre de Saint Augustin, l’ordination de Saint Eusèbe, évêque de Verceil, dont la naissance au ciel est mentionnée au 1er août et dont nous célébrons aujourd’hui la mémoire ;
Au diocèse de Viviers, la commémoraison de Saint Lazare le ressuscité, hôte de NSJC, premier évêque de Marseille et martyr ;
La commémoraison de Sainte Begge d’Andenne, veuve ;
La commémoraison de la férie de l’Avent.
Dans notre quête des saints liés à notre auguste famille royale, ce 17 décembre nous conduit à présenter Sainte Begge d’Andenne, qui n’est pas oubliée des catholiques de l’actuel Royaume de Belgique, alors qu’elle est malheureusement ignorée de la majorité des Français !
Nous devons à Monsieur Patrick Martin, jeune historien namurois qui nous honore de son amitié, l’article suivant, qui fut publié dans le numéro du mois de ce mois de décembre de « Pour qu’Il règne » (revue du district du Bénélux de la Fraternité St-Pie X) et qu’il nous a fort aimablement autorisés à reproduire dans les pages de notre modeste blogue. Qu’il en soit très chaleureusement remercié !
Sainte Begge brodée sur l’orfroi d’une ornement rouge
exposé au trésor musée diocésain de Namur
[courtoisie de Patrick Martin]
De la trisaïeule de Charlemagne qui fonda 7 églises :
la vie de sainte Begge d’Andenne (615-693).
Sainte Begge est la fondatrice de la ville d’Andenne (Province de Namur) et, pour certains, à l’origine de l’institution des béguinages à laquelle elle donna son nom. Sa mémoire liturgique est mentionnée dans le Martyrologe romain au 17 décembre. Le mois de décembre est donc l’occasion de revenir sur la vie et les mérites de cette grande sainte qui fut un modèle de vertus chrétiennes dans son statut d’épouse, de mère, de famille, de veuve et… de religieuse !
La plus ancienne Vie de sainte Begge qui nous est connue date de la fin du XIe siècle et fut rédigée par un certain Goderan, moine de l’abbaye de Lobbes [1]. Nous savons que Begge naquit vers 615 et était la fille de Pépin de Landen, Maire du Palais d’Austrasie, et de Itte d’Aquitaine. Elle était donc également la sœur de sainte Gertrude de Nivelles, dont nous avons parlé dans un article précédent (cf. > ici). Goderan ouvre son récit par le mariage entre Begge et Ansegisel, un noble originaire de Metz qui succéda au père de Begge dans ses fonctions de gouverneur de nos régions [2]. De leur union, naquirent plusieurs enfants dont Pépin le Jeune, ou de Herstal, le père de Charles Martel, ce qui fait donc de sainte Begge la trisaïeule de l’empereur Charlemagne [3]. Les leçons des matines de la fête de sainte Begge ne sont pas sans éloge sur la postérité de notre sainte et de la prestigieuse lignée de rois et d’empereurs dont elle est l’origine : “Begge se montra la mère de laquelle sortit une noble descendance et des rois plus nobles encore, ainsi que les autres princes de tout l’univers chrétien qui contribuèrent à l’augmentation de la foi et au grand éclat du peuple belge. En effet, Dieu, conféra à cette sainte, avec une incomparable gloire, le privilège d’une semence bénie dont les membres, à partir de la bienheureuse Begge, se multiplièrent, formant une lignée innombrable de saints de toute condition et dans tous les ordres religieux” [4].
Begge et son époux vivaient habituellement dans leur palais de Chèvremont, à proximité de Liège. En plus de leurs enfants, le couple adopta un nourrisson qu’Ansegisel trouva, au pied d’un chêne, au cours d’une partie de chasse. L’enfant reçut le nom de Gonduin et fut élevé avec Pépin, l’héritier… Hélas, c’est l’ingratitude et l’envie qui s’empara du cœur de l’enfant. Un soir, en l’an 673, alors que père et fils adoptif chassaient ensemble, Gonduin assassina Ansegisel et revint à Chèvremont dans le but d’épouser sainte Begge, sa mère adoptive [5]. Begge eut le temps de s’enfuir dans sa propriété de Seilles, puis de se rendre à Rome où elle confia son chagrin au pape Adéodat II. Celui-ci tenta de la consoler et lui donna plusieurs reliques dont un fragment de la vraie croix [6]. Begge ramena également de Rome un souvenir du martyre de saint Etienne et une relique des chaînes de saint Pierre [7].
Pèlerinage de Sainte Begge à Rome
[tableau de la Collégiale d'Andenne - courtoisie de Patrick Martin]
Ce séjour romain semble avoir fait naître dans le cœur de la veuve le désir de se consacrer résolument et définitivement à Dieu. De retour en Gaule, Begge se rendit à Nivelles, dans l’abbaye fondée par sa sœur Gertrude, déjà décédée à ce moment-là. Elle demanda à l’abbesse Agnès de l’aider à fonder un monastère du même type que celui de Nivelles, en bord de Meuse, près de sa villa de Seilles. Begge, accompagnée de plusieurs sœurs de Nivelles, qui furent d’anciennes compagnes de sainte Gertrude, commença la construction du nouveau monastère. Elle reçut également d’Agnès des livres saints et des reliques, parmi lesquelles un morceau du lit de sainte Gertrude, qui fut longtemps vénéré à Andenne [8]. Mais, Dieu ne semblait pas bénir cette nouvelle construction. Par trois fois, les murs, tout juste édifiés, s’écroulaient automatiquement. Begge, dans une attitude pleine de foi et de confiance en Dieu, ne s’acharne pas et décide d’attendre que Dieu lui fasse connaître sa volonté [9]. Un jour, le porcher de Begge retrouva, sur l’autre rive de la Meuse, au lieu qui deviendra l’actuelle ville d’Andenne, entourée de sept petits, une truie qu’il avait perdu trois jours plus tôt et entendit alors cette parole du ciel : “C’est ici que le vœu de Begge pourra s’accomplir par la construction d’un monastère” [10]. Plus-tard, le fils de Begge, le jeune Pépin, chassant à ce même endroit et alerté par les aboiements de ses chiens, y découvrit une poule protégeant ses petits sous ailes. Les chiens aboyaient mais n’osaient s’approcher du gallinacé [11]. Par ces différents signes, Begge comprit que c’était à cet endroit que Dieu voulait que soit établi le nouveau monastère. Ce dernier signe explique notamment pourquoi sainte Begge est parfois représentée avec une poule et des poussins.
En l’espace de deux ans, notre sainte bâtit en ce lieu un monastère et sept églises, en l’honneur des sept basiliques de Rome, conformément au vœu qu’elle fit lors de son pèlerinage dans la Ville Éternelle. C’est la raison pour laquelle, en plus de la poule, sainte Begge est représentée, la plupart du temps, tenant en main une église à sept clochers. Sainte Begge dirigea peu de temps la nouvelle communauté d’Andenne. Le 17 décembre 693, deux ans seulement après la fondation de son abbaye, Begge remit son âme à Dieu entourée de la prière de ses filles. La communauté continua à se développer jusqu’à se transformer en chapitre noble de chanoinesses, comme à Nivelles, avant d’être supprimé à la révolution française. On ne sait pas exactement quand eut lieu l’élévation de ses reliques et leur transfert dans un reliquaire, on peut seulement affirmer que son culte connaît une véritable renaissance aux alentours du XIe et du XIIe siècles [12]. Sainte Begge, en plus d’être la patronne des Béguinages, est invoquée pour la guérison des hernies, des rhumatismes et des maladies infantiles [13]. Pendant longtemps de nombreuses mamans amenaient leurs enfants qui tardaient à marcher sur le tombeau de sainte Begge, encore visible dans la collégiale d’Andenne, et invitaient leurs petits à passer entre les petits personnages ornant le monument.
Châsse de Sainte Begge à Andenne
Les reliques de sainte Begge sont toujours conservées en la collégiale d’Andenne et sont processionnées, chaque année, le 3e dimanche de septembre. Sainte Begge est vénérée dans les diocèses de Namur, Liège et Gand. Son souvenir est encore vivace, notamment à Andenne et à Chèvremont. La châsse de sainte Begge est une superbe pièce d’orfèvrerie Renaissance liégeoise du XVIe-XVIIe siècle, tandis qu’une partie du crâne de la sainte est conservée dans un buste-reliquaire datant du XVIIe siècle [14].
Cette brève histoire de la vie de sainte Begge nous a montré une femme qui sanctifia plusieurs états de vie : celui d’épouse et de mère de famille, de veuve et de religieuse. Qu’elle puisse être, encore aujourd’hui, une source d’inspiration pour bon nombre de femmes chrétiennes, puisant ainsi dans l’exemple et à l’intercession de sainte Begge, la force de suivre le Christ à travers le chemin parfois difficile de cette vie. Terminons par cette prière parue dans une brochure consacrée au Culte de Sainte Begge à Chèvremont [15] :
“O Dieu qui avez favorisé de vos grâces votre illustre servante sainte Begge pour nous donner en elle un modèle de piété et de vertu dans les divers états de la vie et qui avez rendu glorieux son tombeau par les nombreux miracles que vous y avez opérés ; accordez-nous, nous vous en supplions, la grâce d’imiter ses vertus dans l’état où la Providence nous a placés et donnez-nous les secours que nous venons vous demander (…) en réclamant sa puissante protection, nous vous en conjurons par Notre-Seigneur Jésus-Christ. Ainsi soit-il.”
(Pater, Ave, Gloria)
Patrick Martin, historien.
Buste-reliquaire de Sainte Begge
[Collégiale d'Andenne - courtoisie de Patrick Martin]
Notes :
[1] BROUETTE (E.), Le plus ancien manuscrit de la Vita Beggae, œuvre inconnue de Goderan de Lobbes, dans Scriptorium. International review of manuscript studies. Revue internationale des études relatives aux manuscrits, t. XVI., 1962, p. 83.
[2] Officia propria dioecesis Namurcensis, pars hiemalis, in festo S. Beggae, viduae, in II nocturno, lectio IV.
[3] GAUVARD (C.), La France au Moyen Age du Ve au XVe siècle, Paris, 2004, p. 76.
[4] Officia propria…
[5] HAMBLENNE (J.-P.), Saints et saintes de Belgique au premier millénaire, Braine l’Alleud, 2003, p. 161.
[6] Ibid.
[7] GEORGE (Ph.), Reliques et arts précieux en pays mosans. Du haut Moyen Âge à l’époque contemporaine, Liège, 2002, p. 46.
[8] MISSON, Le Chapitre noble de Sainte-Begge à Andenne, 2e éd., Bruxelles-Namur, 1884, p. 5.
[9] HAMBLENNE, op. cit., p. 160.
[10] MISSON, op. cit., p. 5.
[11] Ibid., p. 6.
[12] GEORGE (Ph.), op. cit., p. 46.
[13] HAMBLENNE, op. cit., p. 161.
[14] GEORGE (Ph.), op. cit., p. 47.
[15] Le Culte de Sainte Begge à Chèvremont, Liège, 1949, p. 18 (Imprimatur : Leodii, 23-3-49. L. Creusen, vic. général.).

Vous pouvez laisser une réponse.
Le blog augmente mes connaissances !
Une bien belle vie de Sainte, et dans cet agréable pays de Belgique.
Sainte Begge d’Andenne, qui voyez tout dans la clarté de Dieu, obtenez-nous les grâces que nous vous demandons dans la nécessité de notre état de vie, afin de nous conformer pleinement à la divine volonté de Celui que vous contemplez dans cette éternité où nous vous demandons de nous conduire. Ainsi soit-il!
Une fois de plus, grâce à ce « modeste » blog, ma connaissance des saints s’augmente, et augmente ma foi dans la prodigieuse intercession de ces témoins.