2023-151. « A quoi servent les moines ? »

17 novembre,
Fête de Saint Grégoire de Tours, premier historien de la France chrétienne, évêque et confesseur ;
Mémoire de Saint Aignan, évêque d’Orléans et confesseur ;
Mémoire de Saint Grégoire le Thaumaturge, évêque de Néocésarée et confesseur ;
Anniversaire de l’exécution, à Lyon, de Dominique Allier, chef chouan (+ 17 nov. 1798 – cf. ici) ;
Pieuse mémoire du Rd. Père Michel André, prêtre résistant au modernisme (+ 17 nov. 2000 – cf. ici) ;
Pieuse mémoire de Dom Marie-Grégoire Girard osb, ermite (+ 17 nov. 2013 – cf > ici).

   Nous dédions ce texte au Révérend et cher Père Marie-Grégoire, le lumineux ermite de Saint-Andéol en Quint, rappelé à Dieu le 17 [ou le 18] novembre 2013 (cf. > ici), avec lequel les pieux entretiens sur la montagne ont toujours été la source de fruits spirituels incommensurables.

Moine en contemplation dans la montagne

Croix fleurdelysée (sinople)

A quoi servent les moines ?

       « A quoi servent les moines ? On parle du « vide » de leur existence… Ils sont vides à la façon des pores dans l’organisme : c’est par ce vide que le monde respire Dieu. Dans ce monde qui ne croit qu’à ce qu’il voit, ils représentent la transparence divine. « Les êtres d’espèce céleste, disait déjà Marc-Aurèle, passent inaperçus des hommes ». Mais dans cet effacement est la suprême efficacité. La vie des âmes est suspendue à la prière invisible comme la vie des corps à l’impalpable rayonnement du soleil.

   Dans un siècle en proie à l’agitation, ils représentent l’immobilité de l’acte pur. [...] Ils nous montrent ce « point fixe » qu’appelait Pascal, ce centre immuable qui donne une orbite au changement et un but à l’histoire, et sans lequel le devenir n’est qu’un glissement vers le néant.

   Devant notre idolâtrie du social, ils attestent la primauté de la solitude de l’homme unie à la solitude de Dieu. Simone Weil disait que « le social est l’alibi de la charité ». En effet, les relations horizontales entre les hommes sont illusoires quand elles ne s’articulent plus sur la relation verticale avec Dieu. Sans la pluie qui tombe du ciel, les travaux terrestres d’adduction et de distribution d’eau n’ont pas de sens. Les moines, en se consacrant à Dieu, en L’aimant, aiment tout en Lui, puisque Dieu est tout. Et leur amour de Dieu apporte aux hommes, non pas ces biens caducs et mêlés de mal que le temps mesure et dévore, mais le bien pur qui descend du ciel et que le temps ne peut ni nous donner ni nous ravir.

   Devant notre fièvre de possession et de conquête, ils nous rappellent que « zéro est le chiffre le plus voisin de l’infini » et ils affirment la sainteté de la pauvreté, à l’exemple de leur Dieu, le Pauvre suprême « qui n’a rien, étant tout ». Dans ce dénuement, ils trouvent la seule vraie richesse, car ils possèdent en Dieu, non pas l’apparence éphémère, mais la réalité immortelle de toute chose. « Dieu est à moi et toutes les choses créées ! » chantait Saint Jean de la Croix.

   Oui, certes, les moines sont à leur place dans notre temps puisqu’ils lui apportent ce qui lui manque le plus : l’imitation des mœurs divines. Dans une époque ivre et esclave de ses conquêtes où le déploiement illimité de nos moyens de connaissance et d’action nous donne une fausse idée de l’infini, où nous sommes sans cesse tentés de confondre Dieu avec son œuvre, voire avec l’œuvre des hommes, ils nous rappellent par leur exemple l’irréductible distance qui sépare l’univers de la nature de l’univers de la grâce. Contre une religion trop « cosmique » qui tend à diluer Dieu dans sa création, ils témoignent que Dieu est au-delà du monde ; et contre une religion trop « progressiste » dont la tentation est d’identifier Dieu à l’histoire, ils attestent que Dieu est au-delà du temps. Leur vocation ne s’oppose pas aux progrès humains ni aux nouvelles formes d’apostolat : ils maintiennent seulement cet équilibre intérieur sans lequel les plus belles victoires de l’esprit deviennent les pires défaites de l’âme. Car « que sert à l’homme de gagner l’univers »…

   Les moines ne sont pas les hommes de demain. Mais pas davantage les hommes d’hier. Ce sont les hommes de toujours. Si les témoins de Dieu sont dépassés, c’est que Dieu aussi est dépassé, qu’Il est mort, comme l’annonçait Nietzsche dans un cri triomphant et désespéré. L’idéal du moine est étranger au monde dans l’exacte meure où l’esprit du monde est étranger à Dieu. Le Christ non plus n’était pas du monde, et le monde ne l’a pas reconnu. Les moines n’appartiennent ni au passé ni à l’avenir ; ils ne sont ni en avance ni en retard sur leur époque : ils sont à l’heure de Dieu, et il n’y a pas de saison pour l’éternité. »

Gustave Thibon,
in « Propos d’avant-hier pour après-demain », ed. Mame octobre 2023 – pp. 173-174

moine lisant dans un cloître

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1 Commentaire Commenter.

  1. le 16 novembre 2023 à 18 h 30 min Goës écrit:

    Il me semble que le moine représente l’humilité.

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