2023-142. Du « Carême de la Nativité » parfois appelé aussi « Carême de Saint Martin ».

8 novembre,
Octave de la Toussaint (cf. > ici, > ici, et > ici) ;
Mémoire des Quatre Saints Couronnés ;
Après les complies, commencement du Carême de la Nativité.

François-Marius Granet - moines priant dans une crypte - palais de l'ermitage St-Petersbourg

François-Marius Granet (1775-1849) :
moines priant dans une crypte

     Comme Pâques, la fête de la Nativité de Notre-Seigneur Jésus-Christ est précédée d’un temps de préparation plus ou moins long, mais, à la différence du Carême, qui est d’institution apostolique ainsi que l’enseignent les Pères de l’Eglise (ce à quoi cependant ne croient plus une majorité de nos contemporains, hélas !), ce temps est d’institution ecclésiastique. Il a été établi après que la fête de la Nativité de Notre-Seigneur a été fixée au 25 décembre dans l’Eglise de Rome, au cours du IIIème siècle ou au début du IVème.
Dans l’état actuel de nos connaissances, les premières mentions écrites d’un jeûne préparatoire à Noël se trouvent

1) d’une part dans ce que Saint Grégoire de Tours rapporte de Saint Perpétue (ou Perpet), sixième évêque de Tours (+ 8 avril 491) qui décrète dans son diocèse un certain nombre de périodes de jeûne, dont « depuis la mort de Saint Martin jusqu’à la Nativité du Seigneur, trois jeûnes par semaine » (Histoire des Francs, Livre X, 31) ;

2) et, d’autre part, dans le neuvième canon du premier concile de Mâcon (novembre 581) qui ordonne de jeûner tous les lundis, mercredis et vendredis depuis la Saint-Martin jusqu’à Noël.

   Précisons au passage que cela ne signifie pas que ces mesures disciplinaires ont été instituées à ces dates-là : il peut en effet très bien s’agir de rappels d’une discipline déjà établie mais qui tendait à être oubliée ou atténuée ; ou bien encore cet usage existait-il antérieurement dans certains lieux (par exemple dans les monastères) et Saint Perpétue puis le premier concile de Mâcon aurait décidé de les généraliser à tous les fidèles.

   Dans tous les cas, il semble que nous nous trouvions dans une discipline propre aux Eglises des Gaules, puisque, à Rome, comme le montrent les Homélies de Saint Grégoire 1er dit le Grand (il est élu en 590 et meurt en 604 : c’est donc dans le temps de son pontificat que se tint le premier concile de Mâcon), ce temps de préparation avant la Nativité existe, il dure quatre semaines, mais il ne comprend pas la pratique du jeûne.

   Au passage, notons que ces quatre semaines de préparation à Noël dont témoignent les Homélies de Saint Grégoire le Grand, et qui dans le rite romain ont reçu le nom d’Avent, [appellation qui a largement prévalu de nos jours, dérivée du mot latin Adventus qui signifie venue, avènement], vont donner lieu à deux usages légèrement divergents :
- certains, en interprétant Saint Grégoire de manière restrictive, s’en tiendront à quatre dimanches,
- alors que d’autres, à Rome aussi, ainsi qu’en témoigne le Sacramentaire Gélasien (vers 750), pratiquent un Avent avec cinq dimanches puisque sinon, lorsque Noël tombe un lundi, l’Avent se trouve réduit à seulement trois semaines.
C’est pourtant le premier usage qui a fini par prévaloir dans la liturgie romaine.

   La liturgie ambrosienne, elle, compte six dimanches de préparation à Noël, tandis que dans les Eglises orientales on ne trouve pas de pratique uniforme : c’est un jeûne qui commence pour les uns le 15 novembre, tandis que d’autres le commencent le 6 décembre… ou seulement quelques jours avant Noël !

François-Marius Granet - interieur du chœur des Capucins de la place Barberini à Rome - 1818 - palais de l'Ermitage St-Petersbourg

François-Marius Granet (1775-1849) :
intérieur du chœur du couvent des Capucins de la place Barberini à Rome (1818)

   Sous le règne de Saint Charlemagne, à la fin du VIIIème et au début du IXème siècles donc, plusieurs textes montrent que cette quarantaine – le plus souvent nommée Carême de Saint Martin – est toujours largement observée.
Cependant, au XIIIème siècle, le jeûne de l’Avent n’est plus pratiqué de manière unanime : lorsque Guillaume V Durand de Mende (vers 1230 – 1296) affirme que le jeûne de l’Avent est « encore généralement observé », il sous-entend que ce n’est plus absolument général.
En 1297, la bulle de canonisation de Saint Louis mentionne le zèle avec lequel le saint Roi observait ce jeûne. Cela semble signifier que la pratique du jeûne préparatoire à Noël n’est plus observé que par les chrétiens d’une grande piété.
Enfin, lorsque le Bienheureux Urbain V accède au souverain pontificat, en 1362, il se contente d’obliger les gens de sa cour à l’abstinence mais il n’y est plus question de jeûne… 

   Au Mesnil-Marie, toujours désireux de conserver et de revivifier les belles traditions et les antiques usages des Eglises des Gaules, nous commençons le jeûne du Carême de la Nativité, ou Carême de Saint Martin, après les complies de l’octave de la Toussaint, au soir du 8 novembre donc (le 8 novembre est le dies natalis de Saint Martin, sa fête liturgique est célébrée trois jours plus tard, le 11, qui est le jour de ses funérailles).
C’est donc un temps de jeûne qui est en quelque sorte dissocié du strict temps liturgique de l’Avent, lequel ne commence qu’au dimanche le plus proche de la fête de l’apôtre Saint André.

   En commençant à la fin de la journée du 8 novembre, nous obtenons un nombre total de 46 jours complets jusqu’à la célébration de la Nativité, c’est-à-dire le même nombre de jours que le Grand Carême de Pâques.
Nous y observons la même discipline alimentaire que lors de celui-ci, c’est-à-dire que
- tous les jours – sauf le 8 décembre où le poisson est autorisé -, sont des jours d’abstinence (tous les mets d’origine animale sont proscrits) ;
- tous les jours – sauf les dimanches (qui sont au nombre de 7) et sauf pour les fêtes de la Toussaint de l’Ordre de Saint Augustin (13 novembre), de la Présentation de Notre-Dame (21 novembre), de Saint André (30 novembre), de Saint Nicolas (6 décembre) et de Saint Thomas (21 décembre) -, sont jours de jeûne (soit « jeûne commun », soit « grand jeûne », selon les règles que nous avons précisées > ici).

   Je confesse éprouver une très grande joie intérieure ainsi qu’une profonde et sereine allégresse à l’observance du jeûne et de l’abstinence dans une période où cette épouvantable société de surconsommation et d’hédonisme étale sans pudeur des tonnes de confiseries et de mets raffinés, sucrés et salés, dont la plupart des gens, même parmi les catholiques, s’empiffrent sans vergogne pendant toute la période préparatoire à Noël.
Les calendriers de l’Avent eux-mêmes ne sont-il pas devenus les prétextes pour une gourmandise quotidienne au lieu de distiller les saintes et vivifiantes paroles de la foi et de l’espérance surnaturelles ?

   « Et comme il est arrivé aux jours de Noé, ainsi en sera-t-il aussi dans les jours du Fils de l’Homme. Ils mangeaient et buvaient ; ils se mariaient et mariaient leurs enfants, jusqu’au jour où Noé entra dans l’arche ; et le déluge vint et il les perdit tous ! Et comme il est arrivé encore aux jours de Lot : ils mangeaient et buvaient, ils achetaient et vendaient, ils plantaient et bâtissaient ; mais le jour où Lot sortit de Sodome, Dieu fit pleuvoir le feu et le soufre du ciel, et il les perdit tous.
Ainsi en sera-t-il le jour où le Fils de l’Homme sera révélé »
(Luc. XVII, 26-30).

Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur.

John Martin - destruction de Sodome et Gomorrhe - 1852

John Martin (1789-1854) : la destruction de Sodome et Gomorrhe (1852)

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1 Commentaire Commenter.

  1. le 17 novembre 2023 à 12 h 47 min Theo F. écrit:

    Le 8 novembre n’est pas le « dies natalis » de St Martin, mais le jour de sa mort.
    T.F. (Pays-Bas)

    Réponse :

    L’expression « dies natalis », dans le langage ecclésiastique depuis la plus haute antiquité, désigne le jour de la mort terrestre d’un saint, puisque c’est le jour de sa naissance (sens littéral de l’expression latine « dies natalis ») dans la vie éternelle.

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