2023-102. Gustave Thibon, l’enraciné.
2 septembre 2023,
120ème anniversaire de la naissance de Gustave Thibon.
Il m’est impossible de ne pas marquer le cent-vingtième anniversaire de la naissance de Gustave Thibon, à Saint-Marcel d’Ardèche le 2 septembre 1903. Ce m’est un devoir de reconnaissance, en même temps qu’une nouvelle occasion de témoigner de tout ce que j’ai reçu de lui, ou pour être plus exact : reçu de Dieu par son entremise.
Mais puisque nous parlons de naissance, parlons aussi de racines.
Gustave Thibon était un être enraciné, et lui-même a maintes fois témoigné de l’importance fondamentale de l’enracinement de l’homme, que ce soit dans ses écrits ou dans ses prises de parole.
Pour célébrer cet anniversaire, citons seulement quelques très belles lignes de Christian Chabanis dans un chapitre intitulé « Les racines humaines », de l’ouvrage consacré à Thibon qu’il avait publié en 1967.
« Si la destinée de Gustave Thibon s’enracine dans le métaphysique et défie par là toutes les autres explications que l’on peut en donner, elle s’enracine aussi, par une grâce infiniment précieuse en un siècle où disparaissent les racines humaines, où l’homme tend à ne relever ni de la grâce ni de la nature mais de quelque organisme administratif, elle s’enracine dans une terre. Non pas une terre quelconque : la campagne des dimanches et des jours de fête, la vague campagne, mais une terre qui est sa terre et qu’il n’a pas choisie, qu’il a seulement acceptée sans réserve. Qu’il a acceptée avec ses lois qui sont celles de l’homme incarné. Il n’est pas question de découvrir ici quelque rêverie de promeneur solitaire, mais l’accord profond avec une réalité qu’il porte en lui autant qu’elle le porte et qui ne cesse de nourrir sa vie comme sa réflexion.
Il y a cet homme tourné vers l’infini et dont la patrie n’est qu’en haut. Mais l’homme d’ici-bas, si l’on peut dire, est l’homme d’une terre qu’un savoureux accent méridional désigne aussitôt. Jacques Madaule a dit de Thibon qu’il parlait, qu’il écrivait comme un paysan laboure, et c’est vrai. Il appuie de toute sa force sur le soc qui ouvre un sillon, il s’appuie de toute sa force sur le sol. Le monde présent autour de lui, en lui, dès qu’il regarde le monde, c’est une race, une langue, un héritage qu’il traite avec amour. Son univers n’est pas infirme, sinon de cette infirmité radicale de la caverne qui attend la lumière. Et cette incarnation lui donne le sens le plus vrai de la situation humaine, de ses possibilités et de ses limites. Comment ne pas oublier de quel pas marche l’homme dans un monde soumis à la vitesse, et que notre vie est faite pour aller de ce pas ? « Les grandes pensées viennent en marchant », disait Gœthe ; en courant les pensées folles. Or nous courons. Mais celui, comme Thibon, qui marche chaque jour, n’oublie guère le pas de l’homme et de sa vie. Si nous insistons sur les racines terrestres de Thibon, c’est qu’elles seules permettent de comprendre, sinon d’expliciter, cette jonction spontanée qui étonnait Gabriel Marcel « entre l’expérience immédiate, celle des travaux journaliers, et la spéculation la plus haute, la vie mystique elle-même ».
Christian Chabanis,
in « Gustave Thibon », éd. Beauchesne 1967 – chap. 2 pp. 17-18
La chapelle Saint-Sulpice, au milieu des vignes, à Saint-Marcel d’Ardèche
Vous pouvez laisser une réponse.
Vive le Paysan philosophe !
Il écrivait comme un paysan laboure, et c’est vrai.
Un beau message.