2023-44. De Sainte Gertrude de Nivelles, vierge et abbesse, céleste protectrice des chats.
17 mars,
Fête de Saint Patrick, évêque et confesseur ;
Mémoire de Saint Joseph d’Arimathie ;
Mémoire de Sainte Gertrude de Nivelles (cf. aussi > ici).
Sainte Gertrude de Nivelles
(statue dans la collégiale de Nivelles)
remarquez le rat à ses pieds…
Fille de Saint Pépin de Landen, ancêtre des Carolingiens, et de Sainte Itte (ou Yduberge), princesse d’Aquitaine, Gertrude – désormais Sainte Gertrude de Nivelles – naquit entre le 18 mars 625 et le 16 mars 626.
Son père, maire du palais d’Austrasie jusqu’en 629 puis proche du Roi Dagobert Ier, envisagea, sur la suggestion de ce dernier, de la marier au fils d’un duc d’Austrasie, « poussé par une ambition séculière et afin de sceller une amitié entre les deux familles », précise la Vie de Sainte Gertrude rédigée vers 670. Consultée au sujet de cette promesse d’alliance, la jeune fille refusa catégoriquement ce brillant parti et manifesta avec une grande fermeté son intention de vouer sa vie à Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Élevée par sa mère, comme le voulait la coutume, elle la suivit dans sa retraite de veuve après la mort de Pépin, survenue le 21 février 640.
La mère et la fille s’installèrent alors à Nivelles, l’un des domaines familiaux situé en Brabant, pour y mener une vie pieuse.
Encouragée par l’évêque missionnaire Saint Amand de Maastricht, Itte décida, vers 648, de fonder un monastère sur son domaine et d’y prendre elle-même le voile. Des aristocrates austrasiens tentèrent de s’opposer à ce projet, et voulurent encore une fois contraindre Gertrude au mariage.
Pour écarter définitivement les prétendants et couper court aux convoitises dont sa fille faisait l’objet, Itte manifesta publiquement la vocation de cette dernière à la vie religieuse en lui coupant elle-même la chevelure en forme de couronne : ce détail fut remarqué, et il est en effet remarquable, car la couronne c’est la manière dont on pratique la tonsure des moines, et, aux dires de plusieurs historiens, nous avons ici la seule mention d’une telle manière de faire dans toutes les vies de saintes de cette époque. Gertrude, selon la belle expression de Mgr Guérin, « s’estima plus glorieuse que si elle eût porté sur sa tête tous les diadèmes des royaumes et des empires » (Petits Bollandistes, notice sur la vie de Sainte Gertrude au 17 mars).
Sainte Gertrude de Nivelles
(détail d’un vitrail de la basilique Notre-Dame de Tongres)
Itte et Gertrude furent assez rapidement rejointes par un nombre assez remarquable de filles (en particulier de la noblesse franque) qui prirent elles aussi le voile : ces moniales prirent le nom de chanoinesses.
Sainte Itte confia à Gertrude la charge abbatiale : « Ainsi, la mère obéit à sa fille, et la fille commanda à sa mère » (Mgr Guérin).
La Bienheureuse Itte rendit son âme à Dieu le 8 mai 652.
Afin de ne pas être accaparée par la gestion matérielle du monastère et soustraite à la contemplation, Sainte Gertrude « confia le soin des affaires temporelles du dehors à des chanoines, et celles du dedans à quelques une de ses sœurs, et ne se réserva d’autorité que sur le spirituel pour la conduite de ses filles » (ibid.).
Elle s’appliqua avec tellement d’application à la lecture de l’Ecriture Sainte qu’ « elle la savait presque toute par cœur ; et ce qui est plus admirable, elle en pénétrait le sens et les mystères pour les expliquer aux autres. Ce n’est pas difficile à croire, vu les communications intérieures et divines qu’elle recevait du Saint-Esprit durant ses prières » (ibid.)
Très mortifiée, pratiquant avec assiduité jeûnes et veilles, et multipliant les austérités, Sainte Gertrude fut une grande abbesse, riche de vertus.
En l’an 659, vers le commencement du Carême, elle connut par une révélation que l’heure de la rencontre avec son Epoux céleste était proche : elle se démit alors de sa charge et nomma l’une de ses nièces, âgée de vingt ans, pour lui succéder comme abbesse : Sainte Wilfetrude.
Cette annonce de sa mort fut aussi communiquée à d’autres saintes âmes avec lesquelles elle était liée d’amitié.
Image de dévotion représentant Sainte Gertrude de Nivelles
gravée par Jérôme Wierix (1553-1619)
D’après sa Vita, elle demanda elle-même l’extrême-onction et le saint viatique, puis, selon ce qu’elle avait annoncé, elle rendit son âme à Dieu au moment de la Messe capitulaire où le prêtre récitait la secrète (à la fin de l’offertoire). C’était le deuxième dimanche de Carême 17 mars 659, jour de la Saint Patrick. Elle était âgée de 33 ans.
Au moment de sa mort, un parfum céleste envahit sa cellule, et elle apparut à Sainte Modeste, abbesse de Rombach, dans les Vosges.
Gertrude avait donné des ordres stricts pour ses funérailles. Elle fut donc, selon son désir, ensevelie dans son cilice, sans drap ni suaire, affirmant : « Les ornements superflus des tombeaux ne sont utiles ni aux vivants ni aux morts ! »
Le culte de Sainte Gertrude commença dès après sa mort ; puis il se diffusa rapidement dans tout le Brabant, puis au-delà.
Deux récits, rédigés l’un vers 691 et l’autre après 783, rapportent les nombreux miracles qui se sont déjà accomplis au contact de ses reliques : guérisons, résurrection d’un enfant mort noyé, extinction d’incendie… etc.
L’abbaye de Nivelles est à l’origine de la ville, qui s’est développée autour d’elle et devint au XIIIème siècle une ville fortifiée.
Châsse de Sainte Gertrude de Nivelles
œuvre de Félix Roulin
dans laquelle se trouvent depuis 1982 les reliques de la sainte abbesse :
elle remplace la châsse de 1296 en grande partie détruite en 1940
Ses reliques furent placées dans une première châsse, carolingienne, dont on sait qu’elle fut portée par l’empereur Henri III du Saint-Empire germanique. En 1296, elles furent transférées dans une magnifique châsse gothique d’or, d’argent et de pierreries, dont on ne peut plus admirer que des restes dans la collégiale, car celle-ci fut en partie détruite par le feu, en mai 1940, lors d’un bombardement.
Les reliques se trouvent toujours dans la collégiale : en 1982, elles ont été déposées dans la nouvelle châsse, œuvre du sculpteur-bronzier Felix Roulin, qui a aussi réalisé la châsse de Sainte Aldegonde, pour Maubeuge.
Nivelles devint une abbaye noble, peut-être dès le IXème siècle : il fallait quatre quartiers de noblesse du côté paternel et autant du côté maternel pour y être admise comme chanoinesse.
Depuis l’organisation voulue par Sainte Gertrude, c’était devenue une abbaye capitulaire « double », composée d’une quarantaine de chanoinesses et d’une trentaine de chanoines ; ils ne vivaient évidemment pas dans les mêmes bâtiments : les chanoines avaient leurs propres bâtiments claustraux et leur lieu de culte (Saint-Paul), mais pour certaines grandes fêtes ils venaient chanter l’office avec les chanoinesses. L’abbesse était la supérieure des deux communautés.
Appelé « Chef de Sainte Gertrude »
ce reliquaire qui renferme, depuis 2006, quelques parcelles d’ossements de Sainte Gertrude de Nivelles,
est l’œuvre du dinandier-ciseleur Marcel Nulens :
il a été réalisé à partir de deux lingots d’or donnés par une nivelloise à la suite de la destruction de la châsse en mai 1940,
afin de donner à Sainte Gertrude un reliquaire plus digne que le coffret de bois dans lequel durent alors être placés les ossements.
Sainte Gertrude est invoquée comme patronne des voyageurs à partir du XIème siècle. Puis, à partir du XVème siècle, elle est prise pour céleste protectrice par les jardiniers qui l’invoquent contre l’invasion des rongeurs. C’est pourquoi elle est souvent représentée avec sa crosse, entourée de rats ou de souris (qui parfois montent – presque en procession – sur la hampe), et, comme nous l’avons déjà expliqué (cf. > ici), c’est ainsi qu’elle est devenue la sainte patronne des chats, prédateurs naturels des rats, souris, mulots et autres petits nuisibles.
Comme Sainte Burgondofare (communément dite Sainte Fare) à Faremoutiers, Sainte Aldegonde à Maubeuge ou Sainte Clotsinde à Marchiennes, pour n’en citer que trois parmi un grand nombre d’autres, Sainte Gertrude témoigne de cet engouement des familles aristocratiques franques pour les fondations monastiques qui permit, dès la fin du VIème siècle, un profond enracinement du christianisme et son rayonnement.
Malheureusement supprimé par la grande révolution (1798), le chapitre de Nivelles ne s’est pas relevé : la collégiale, initialement dédiée à Saint Pierre, puis à Sainte Gertrude, est aujourd’hui l’église paroissiale primaire de la ville.
Sainte Gertrude de Nivelles sur une console sculptée
Utrecht
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Belle histoire.
Très belle histoire.
Merci !