2023-23. De Sainte Hadeloge de Kitzingen, fille de Charles Martel.
2 février,
Fête de la Purification de Notre-Dame (cf. aussi > ici) ;
Chandeleur (cf. > ici, et > ici) ;
Mémoire de Sainte Hadeloge de Kitzingen, vierge et abbesse.
En sus de la fête de la Purification de Notre-Dame, au 2 février est également assignée celle de Sainte Hadeloge de Kitzingen, une sainte qui a retenu toute notre attention, parce que cette princesse franque est aujourd’hui bien oubliée en France, alors qu’elle est issue de l’une de ses plus nobles lignées : celle qui deviendra bientôt la dynastie carolingienne.
Statue de Sainte Hadeloge dans le parc de Schwanberg
En Français on l’appelle Hadeloge, ou Hadéloge ou bien Adéloge, qui sont des transcriptions du prénom franc Adelheid qui avait été rendu en latin par Adeloga ou Hadelauga.
Elle était l’une des filles de Charles Martel (vers 688 – 22 octobre 741), duc des Francs et Maire du palais, le célèbre fils de Pépin de Herstal dont les peuples, encore en notre siècle de perte de repères et d’ignorance crasse, ont cependant gardé la mémoire à cause de sa victoire sur les mahométans à Poitiers (19 octobre 732).
Sa mère était Kunehilde (appelée aussi Swanahilde ou Sonichilde) de Bavière (vers 695 – après 741), issue de la haute lignée des Agilolfinges qui régnèrent sur la Bavière (et sur le royaume lombard) du VIe au VIIIe siècle.
Sainte Hadeloge était donc demi-sœur de Pépin le Bref et tante de Saint Charlemagne.
Elevée au château de Schwanberg, en Basse-Franconie (Bavière), Hadeloge fut remarquée tant pour ses capacités intellectuelles que pour son admirable beauté.
Sa charité et sa gentillesse faisaient qu’elle était très aimée des populations à l’entour, mais elle cherchait à plaire à Dieu plutôt qu’aux hommes, et aspirait à vivre pour le seul Roi du Ciel, résistant aux pressions de son père qui voulait lui faire épouser quelque noble parti.
On rapporte qu’elle priait ainsi : « Puissiez-Vous, ô Seigneur Jésus-Christ, garder mon cœur immaculé, de peur que je ne devienne une honte. Si Vous, Fils du Roi suprême, Vous êtes satisfait de la virginité intacte de mon corps, envoyez-moi Votre ange pour me garder, afin que je puisse préserver ma virginité corporelle. Changez l’esprit de mon père pour qu’il ne me livre pas à ce monde mauvais et aux enfants des ténèbres pour en être flétrie. Car je craindrais d’être oublié par Vous et livrée à la damnation éternelle, si je me donnais à l’amour charnel et si j’étais aimée avec une inclination sensuelle ! ».
Cherchant à imiter la Bienheureuse Vierge Marie, elle la priait aussi quotidiennement pour lui demander sa protection : « Sainte Marie, Mère de Dieu, Vierge des vierges, Mère et Reine des âmes chastes, gardez-moi dans la virginité que je vous ai promise ! Soyez ma protectrice, de peur que je ne m’abandonne à ce monde et que je ne sois séparée des vierges qui quittent la corruption du monde et qui vous suivent dans l’union la plus intime et la plus bénie avec le Christ, l’Époux éternel ».
Son humilité, sa persévérance dans la prière, sa constance et sa fermeté lui valurent une assistance spéciale de l’Esprit-Saint qui l’entoura de Sa protection et lui donna la force pour les combats qu’elle devait soutenir.
Schwanberg aujourd’hui
Charles Martel était très en colère contre la décision de sa fille. Toutefois chaque fois qu’il se trouvait en sa présence, il était vaincu par sa douceur toute céleste et se trouvait écartelé, car des courtisans malveillants ne manquaient pas d’exciter son irritation, qui se tourna également contre l’aumônier qui assurait la direction spirituelle de la jeune fille.
Un jour, il les chassa tous les deux.
Le chapelain, qui était lui-même de famille noble et riche, résolut alors d’utiliser ses biens à l’acquisition de terres et à la fondation d’un monastère. Pour sa construction, ils choisirent des terrains proches du Main, à environ trois lieues à l’ouest de Schwanberg.
Une célèbre légende raconte la fondation de ce monastère d’une manière assez poétique : du haut du Schwanberg, Hadeloge aurait jeté son voile dans le vent en disant qu’elle construirait son monastère à l’endroit où le voile tomberait au sol. Le voile, volant vers l’ouest, serait tombé sur la rive droite du Main où un berger nommé Kitz (Kuccingus) l’aurait retrouvé. C’est donc en ce lieu, qu’elle aurait nommé Kitzingen en l’honneur du chercheur de voile, qu’elle s’établit.
Le monastère fut dès l’origine placé sous la Règle de Saint Benoît, et Hadeloge en fut la première abbesse, devenant un modèle pour de nombreuses vierges qui, de son vivant, et pendant plusieurs siècles ensuite, vécurent de ses exemples.
L’aumônier fit aussi construire à proximité un bâtiment pour lui-même et quelques frères. On place cette fondation en l’an 745.
Dans l’un des parcs de Kitzingen, statue moderne représentant le berger Kitz
Lorsque la fondation du monastère fut assurée, l’aumônier partit en pèlerinage à Jérusalem, où il mourut. Il serait alors apparu en songe à Charles Martel, lui reprochant la dureté avec laquelle il s’était comporté envers sa fille, et l’exhortant à faire amende honorable ; en outre, la bonne réputation du monastère s’était répandue, et Charles Martel entendait parler de la vertu rayonnante de sa fille qui en était devenue la supérieure. Il changea alors complètement d’attitude, devint un bienfaiteur de l’abbaye et répara les calomnies que sa colère avait contribué à répandre contre la jeune abbesse.
Celle-ci était infatigable dans son zèle pour le service de Dieu : elle passait de longues heures nocturnes dans la prière, observait les jeûnes avec une sévérité extraordinaire, et servait ses sœurs avec une joyeuse et prompte générosité, choisissant toujours pour elle-même les tâches les plus basses.
Eclairée par le Saint-Esprit, elle avait le don de connaître les tentations qui affligeaient ses religieuses et, souvent, elle savait d’un seul mot charitable dissiper l’épreuve de la moniale et la fortifier.
Comme en toute abbaye fidèle à la règle de saint Benoît, l’hospitalité était pratiquée avec une bienveillante sollicitude, non seulement pour les pèlerins ou hôtes de passage, mais aussi pour des pauvres et des malades en grand nombre qui étaient accueillis pour des séjours plus longs.
Qualifiée de « mère aimante des pauvres », elle était pénétrée d’une profonde et sincère compassion à la vue de toutes les détresses et souffrances, et se privait elle-même fréquemment du nécessaire pour aider les plus nécessiteux. En plus d’une occasion, sa charité fut accompagnée de miracles.
L’un des familiers du monastère, qui était parti à la chasse, fut assassiné et dépouillé de tout. Le chien qui l’accompagnait garda le cadavre de son maître pendant trois jours, mais finalement, poussé par la faim, revint au monastère, triste et agité. A son arrivée, tous comprirent qu’un drame avait dû se produire ; Sainte Hadeloge fit venir deux serviteurs et leur enjoignit de partir à la recherche du malheureux chasseur, puis elle s’adressa au chien en disant : « Au nom du Seigneur, va avec eux et montre-leur l’endroit où ils trouveront ton maître ». Le chien conduisit les deux hommes au lieu où gisait le cadavre nu, et le ramenèrent à Kitzingen pour qu’il puisse recevoir les honneurs de la sépulture chrétienne et reposer en terre bénite.
Mais la sainte abbesse ne voulait pas en demeurer là : il fallait que justice fût faite, et elle avait l’intuition que les assassins étaient du nombre des familiers de l’abbaye, qu’elle réunit tous, les exhortant à parler s’ils savaient quelque chose, voire à se dénoncer s’ils étaient coupables, afin qu’ils puissent se repentir et sauver leurs âmes. Mais, comme tous se taisaient, elle fit cette prière à voix haute : « O Dieu, qui connaissez ce qui est caché et connaissez toutes choses avant qu’elles n’arrivent, révélez donc Vous-même les coupables par un signe de Votre puissance, afin que si, cela Vous plaît, ils reçoivent le châtiment qu’ils méritent, et pour que tous ceux qui marchent dans la même voie de méchanceté puissent être ainsi dissuadés et améliorés ». Puis se tournant vers le chien de l’homme assassiné qui se tenait à côté d’elle : « Va ! Au nom du Seigneur, désigne les coupables !». Aussitôt le chien se jeta à la gorge de l’un de ceux qui étaient là et l’étrangla. Quand il fut mort, le chien se précipita sur un deuxième, qui venait de se jeter à genoux en avouant son crime, et fit de même avec lui aussi.
La nouvelle de cette vengeance de Dieu se répandit dans toute la région, dans les forêts où se cachaient beaucoup de vagabonds et de voleurs, imposant à tous une telle crainte que, dès lors, les biens et les gens du monastère furent en grande sécurité.
C’est par de tels prodiges, et par d’autres semblables, que Dieu manifesta la sainteté de Sa servante Hadeloge et Sa protection sur l’abbaye qu’elle avait fondée, lui assurant un grand rayonnement et une magnifique fécondité spirituelle qui contribuait à la conversion des mœurs et la croissance en vertu de tous les villages environnant.
Sainte Hadeloge avec les plans de l’abbatiale de Kitzingen
(fresque dans l’église Saint Burkhard, Wurtzbourg)
La sainte fondatrice, elle, aspirait avec confiance à rejoindre son Epoux céleste : « Par amour pour Vous, Seigneur Jésus-Christ, j’ai rejeté tout amour terrestre et tout mariage, j’ai chargé sur moi la haine insupportable de mon Père et j’ai enduré beaucoup de difficultés et de misères ; Ayez maintenant pitié de moi, et accordez-moi gracieusement d’être, avant le jour de mon départ, complètement purifiée, par une confession sincère et par la persévérance dans un amour fidèle. Accordez-moi, par grâce, qu’en sortant de ce monde, je reçoive l’honneur d’être accueillie dans le chœur béni de Vos vierges saintes ».
Jusqu’à la fin, et malgré les infirmités de l’âge, elle ne relâcha rien de sa régularité, de la ferveur de ses prières, de son service des pauvres et des nécessiteux, ainsi que dans l’édification de ses sœurs. Plusieurs malades furent ramenés à une parfaite santé grâce à ses prières.
Sainte Hadeloge reçut de Notre-Seigneur la connaissance du jour où Il viendrait la chercher.
Le jour de la Chandeleur 2 février (vraisemblablement en 770), qui tombait un dimanche, elle réunit toutes ses sœurs et leur dit : « Je vais maintenant aller vers le Christ, mes très chères sœurs ! Veillez à ce que Satan ne vienne voler les brebis que j’ai gagnées, avec l’aide du Seigneur, et, en ce lieu, demeurez unies au Seigneur dans les peines et dans le labeur. Veillez avec soin à ce que ce lieu sacré ne soit pas profané par la tromperie du diable ou par des souillures charnelles. N’oubliez pas comment j’ai marché devant vous et comment je vous ai précédées par l’exemple, afin que vous aussi vous persévériez dans les mêmes voies avec la grâce de Jésus-Christ ».
Puis elle se confessa une dernière fois, reçut le Corps du Seigneur, et recommanda ses sœurs au Christ, le Bon Pasteur, en disant : « Seigneur Jésus-Christ, qui êtes le meilleur Berger au-dessus de tous les bergers, gardez ces sœurs que Vous avez rachetées par Votre Sang précieux. Par Votre grâce, empêchez quiconque se trouve ici d’être attaqué et broyé par Satan. Je remets mon âme entre les mains de Votre amour miséricordieux, comme Vous avez remis Votre âme entre les mains de Votre Père lorsque Vous étiez sur la croix ». Et, ayant dit ces mots, elle rendit l’esprit.
Sainte Hadeloge fut mise en terre dans l’église abbatiale, au pied de l’autel de la Très Sainte Vierge Marie, et sa tombe devint rapidement un lieu de pèlerinage (on l’invoque particulièrement contre la fièvre).
Pendant tout le Moyen-Age, l’abbaye de Kitzingen fut un foyer de ferveur et de culture qui avait grande réputation : Sainte Hedwige de Silésie (1174-1243), reine de Pologne, y fut éduquée, et Sainte Elisabeth de Thuringe (1207-1231) y fut accueillie un temps.
Malheureusement, au début du XVIème siècle, au cours de la « Guerre des paysans » (Deutscher Bauernkrieg), l’abbaye fut prise et pillée. Les reliques de Sainte Hadeloge furent brûlées (1525), puis l’abbaye supprimée (1544), et les bâtiments tombèrent en ruine, jusqu’à ce que, en 1660, le prince-évêque de Wurtzbourg, Johann Philipp von Schönborn, appelât les Ursulines à Kitzingen, qui reconstruisirent le monastère dans le style baroque en vogue à cette époque. Elles y demeurèrent jusqu’en 1804, où le monastère fut dissout en application des lois de sécularisation inspirées par la France révolutionnaire. Comble de la profanation de ce lieu sanctifié par la sainte fille de Charles Martel : depuis 1817, l’église est attribuée au culte protestant…
Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur,
[d’après « BAVARIA SANCTA – Leben der Heiligen und Seligen des Bayerland ur Belehrung und Eredification für das christliche Volk » ;
par le Dr. Modestus Jocham – Freising, 1861]
L’abbaye de Kitzingen avant sa destruction en 1544

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