2022.73. Quelques réflexions sur le thème de la vocation (4ème partie) : des délais et résistances que d’aucuns opposent parfois aux appels de la grâce…
Mardi 21 juin 2022 ;
Fête de Saint Louis de Gonzague, confesseur, céleste protecteur des jeunes gens (cf. > ici, > ici et > ici).
Je dédie très spécialement cet article à mes amis, religieux et prêtres,
qui ont soutenu des combats pour leur vocation,
et aux séminaristes dont j’ai la joie et l’honneur d’accompagner la formation.
La vocation de Saint Louis de Gonzague – Le Guerchin (1650)
Bien chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,
La fête de Saint Louis de Gonzague me paraît particulièrement idoine à poursuivre les réflexions concernant la vocation initiées à la fin août 2020 (cf. > ici).
Saint Louis de Gonzague (1568-1591), en effet, dut soutenir de rudes combats pour avoir la liberté de répondre à l’appel intérieur à une vie tout entière donnée à Dieu : fils aîné de Ferdinand 1er de Gonzague, seigneur puis marquis de Castiglione delle Stiviere, sa carrière, dans le monde et dans l’armée était en quelque sorte toute tracée sans qu’il ait son mot à dire dans l’affaire.
Mais l’appel de Dieu et de l’Eglise était venu déjouer les projets humains, et l’adolescent devra affronter les colères homériques de son père et livrer bataille pendant des années pour enfin pouvoir, après autorisation de Sa Majesté l’Empereur, renoncer à ses droits héréditaires et, avec les bénédictions de son père et de Sa Sainteté le Pape Sixte Quint, entrer au noviciat de la Compagnie de Jésus, à l’âge de 17 ans et demi.
De nos jours, comme alors, il ne manquerait pas de voix, même parmi les gens très pieux et fervents (puisque Ferdinand 1er de Gonzague envoya à son fils des religieux exemplaires et haut placés pour tenter de le dissuader d’entrer en religion), qui conseilleraient au jeune homme d’attendre, de faire montre de davantage de prudence, de passer des diplômes ou d’acheter des brevets militaires afin d’être assuré d’une situation dans le siècle pour le cas où « ça ne marcherait pas ».
En écrivant ces lignes, j’ai à l’esprit une multitude d’exemples de parents, de prêtres, d’éducateurs, voire d’évêques, qui, sous couvert de sagesse et de prudence, ont tenté – et parfois réussi – à éloigner un jeune homme ou une jeune fille de la prompte obéissance à l’appel de Dieu, appel pourtant soutenu et authentifié par des conseillers spirituels sagaces.
Et je ne passerai pas sous silence les chantages affectifs dont certains parents sont capables pour détourner un enfant de sa vocation religieuse ou sacerdotale : tantôt on fait valoir qu’on aurait souhaité que ce fils ou cette fille se montrât reconnaissant envers ses parents des efforts et des frais qu’ils ont consentis pour ses études et on affirme qu’ils sont donc en droit d’avoir une sorte de « retour » par l’acquisition d’une bonne situation professionnelle et sociale ; tantôt on se lamente sur le fait que cet enfant ne donnera pas à ses parents la joie d’avoir des petits enfants à chérir ; tantôt encore on objecte que, quand viendra la vieillesse, on aura besoin de son soutien et de sa présence et que le quatrième commandement de Dieu lui impose donc de ne pas les « abandonner » en entrant en religion… etc.
Cette sentimentalité familiale est l’un des plus pernicieux des arguments du démon pour contrer une vocation, car de tels parents sont alors de véritables instruments du démon et les alliés de ses manœuvres, couvrant des apparences de la charité leur propre manque de générosité, leur défaut d’esprit surnaturel et – disons-le tout de go – les manigances de leur égoïsme et de leur sensiblerie, pour faire avorter la vocation de leur enfant.
La responsabilité des parents et des clercs qui contrent une véritable vocation est énorme, et ils devront rendre compte au redoutable tribunal de Dieu des délais que, par leur faute, l’intéressé aura mis à réaliser sa vocation, ou même de son abandon s’ils réussissent effectivement à en détourner leur enfant !
Et le jeune homme ou la jeune fille qui a clairement entendu l’appel divin et qui a été assuré par son confesseur ou ses conseillers spirituels de l’authenticité de sa vocation, commet lui aussi une faute en n’y répondant pas promptement, en y opposant des délais inspirés par une prudence tout humaine ; il ou elle s’expose même à perdre sa vocation, puis à s’engager dans des voies professionnelles et familiales pour lesquelles il ou elle n’était pas véritablement fait avec, pour conséquence, le risque de ne pas s’y épanouir spirituellement…
Qu’on pense à ce « jeune homme riche » de l’Evangile (Matth. XIX, 16-26), qui s’en alla tout triste parce qu’il ne fut pas assez fort dans sa détermination et pas assez généreux dans son abnégation, car les « grands biens » qui étaient les siens – et qui le possédaient au point de lui faire renoncer à répondre à l’appel à un état de vie supérieur – peuvent ne pas être uniquement pécuniers, mais aussi consister en situation confortable, en satisfaction à demeurer dans son milieu familial ou social, en études, en recherche des honneurs ou des diplômes, en attachements sentimentaux… etc.
Si le Saint-Esprit a inspiré à l’Evangéliste de noter la chose pour qu’elle nous fût transmise, c’est pour que cela serve d’avertissement à tous les appelés par le Christ qui, soit par amour du monde et de ses biens, soit par faiblesse sentimentale familiale, soit par peur du sacrifice, soit par refus des exigences d’un don total, ne répondront finalement pas à l’appel amoureux de Notre-Seigneur : c’est le ratatinement de leur vie spirituelle qu’ils risquent, quand ce n’est pas sa perte totale.
Plusieurs auteurs spirituels et maîtres de la vie religieuse et sacerdotale n’ont pas hésité à écrire que celui qui ne répond pas à une authentique vocation risque fort de se damner, à moins d’une compensation héroïque par la pénitence et l’expiation.
Ce n’est pas pour rien que, il y a quelques semaines, j’ai insisté sur les « saints manqués » (cf. > ici).
Voilà pourquoi, après avoir évoqué il y a quelques mois (cf. > ici), ces véritables avortoirs de vocations que peuvent être certains séminaires ou maisons religieuses dévoyés par le modernisme, je n’hésite pas aujourd’hui à dénoncer les « interruptions volontaires de vocations » - les IVV, pour calquer la terminologie à la mode -, dont se rendent coupables certains appelés, par faiblesse, par lâcheté, par manque d’amour de Dieu et de confiance en Sa grâce toute puissante…
Ce que l’avortement est à la vie d’un enfant conçu, ces comportements de refus le sont de la même façon pour la vie spirituelle et la sainteté d’une âme.
C’est un don de vie qui est réduit à néant.
C’est une fécondité spirituelle que l’on étouffe dans l’œuf et dont on ne peut, avec notre seule intelligence humaine, calculer toutes les conséquences. Mais Dieu, Lui, le peut !
Toute vocation, religieuse ou sacerdotale, en effet, est porteuse de fécondité : un prêtre ou un religieux fidèles engendrent des âmes à la vie surnaturelle, obtiennent des conversions, entraînent des esprits vers les sommets de la vie spirituelle, leur permettent des développements de grâce et de vertu qui leur auraient été impossibles sans les prières, les sacrifices, l’abnégation, la persévérance, et l’apostolat de ces appelés qui ont répondu généreusement à l’appel du Christ et de Son Eglise !
Toute vocation avortée peut donc aussi entraîner des pertes immenses pour le Royaume de Dieu, pour le salut et la sanctification des âmes…
Lorsque Dieu appelle une âme à une vocation d’excellence, dans le sacerdoce ou la vie religieuse, c’est pour l’associer plus étroitement à Sa propre mission de Sauveur et de Sanctificateur, et c’est la marque d’une ingratitude incommensurable et d’une véritable goujaterie que de Lui répondre : « Seigneur, je Vous suivrai, mais plus tard, quand je me serai assuré une petite vie bien confortable, quand j’aurai fait passer le service de ma petite personne et de ses intérêts personnels avant ceux de Votre Règne… »
Qui, lorsqu’il est appelé à une haute carrière dans le service de l’un des puissants de cette terre, ose lui répondre de cette manière ? Et c’est pourtant – hélas ! – ce type de réponse que reçoit le Roi des rois et Seigneur des seigneurs !
Et l’on voudrait nous faire croire que ce que tout homme « raisonnable » et « sensé » selon la sagesse de ce monde taxerait de pure folie quand il s’agit des princes de la terre, deviendrait « prudence » et « sagesse » quand il s’agit du service de Dieu ?
Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur
« Le triomphe de Saint Louis de Gonzague »
par Pierre Le Gros (1698)
détail du retable de marbre de l’autel où se trouve le sarcophage contenant les reliques du jeune saint
dans l’église Saint-Ignace, à Rome.
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J’ai tout de suite pensé à Mgr Louis-Gaston de Ségur qui dut affronter la colère de son père, et même de sa mère, lorsqu’il leur annonça sa décision d’entrer au séminaire et de devenir prêtre. Mais il ne fléchit pas un seul instant et obéit à l’appel de Dieu. C’est ainsi qu’il devint l’admirable prêtre que l’on connaît. Deo Gratias !
MV