2022-49. Sermon de notre Bienheureux Père Saint Augustin sur le corps de Jésus-Christ, Temple véritable dont le temple de Jérusalem et les quarante-six années de la construction étaient la figure.

Samedi de la Passion.

       Avant d’entrer solennellement dans la Semaine Sainte, voici un sermon de notre Bienheureux Père Saint Augustin qui est appelé « neuvième sermon sur la fête de Pâques » dans lequel le grand Docteur d’Hippone commente pour les fidèles un passage de la controverse qui opposa Notre-Seigneur aux Juifs, controverse qui fera l’objet de l’une des accusations lancées contre Lui devant le Sanhédrin, ainsi que nous l’entendrons dans le chant de la Passion le Vendredi Saint : La destruction du temple et son relèvement en trois jours. Dans ce sermon, qui peut sembler curieux à bien des esprits contemporains, Saint Augustin, qui sait que Dieu a « disposé toutes choses avec mesure, nombre et poids » (cf. Sagesse XI, 20), se livre à une explication spirituelle fondée sur la numérologie sacrée.

Jésus dans la maison du grand prêtre Anne - José de Madrazo 1803

Jésus sur le point d’être souffleté dans la maison du grand prêtre Anne
[Tableau de José Sotero de Madrazo y Agudo (1781-1859) - Musée du Prado, Madrid]

§ 1. Le corps de Jésus-Christ est un temple.

   Dans l’Evangile selon Saint Jean, nous lisons que les Juifs, jaloux de toutes les merveilles opérées par le Sauveur, Lui posèrent cette question : « Quel signe nous donnez-Vous du pouvoir que Vous avez de faire ces choses ? » Le Seigneur leur répondit : « Détruisez ce temple et Je le relèverai en trois jours ». Et ils dirent : « Quarante-six ans ont été employés à la construction de ce temple, et vous le relèverez en trois jours ? » (Jean II, 18-19).
Ne l’oubliez pas, mes frères, les Juifs étaient charnels, et ils jugeaient charnellement de toutes choses. Jésus parlait spirituellement ; mais comme eux vivaient charnellement, ils comprenaient charnellement.
Or, qui peut comprendre de quel temple parlait le Sauveur ? Le pouvaient-ils, eux qui nourrissaient contre Lui des pensées et des desseins criminels ?
Mais nous n’avons pas à nous inquiéter sur ce point, car l’Évangile nous apprend de quel temple parlait le Sauveur. En effet, Jésus venait de dire : « Détruisez ce temple et Je le rebâtirai en trois jours ». Les Juifs répondirent : « Quarante-six ans ont été employés à la construction de ce temple, et Vous le rebâtirez en trois jours ? » L’Évangéliste continue : « Or, Jésus parlait du temple de Son corps » (Jean II, 21). Telle est la pensée du Sauveur dans toute sa simplicité. D’un autre côté, il est connu de tous que Jésus, après avoir été mis à mort par les Juifs, ressuscita le troisième jour.
Les Juifs peuvent bien dire qu’ils n’en savent rien, parce qu’ils sont hors de l’Église ; mais à nous ce fait est parfaitement connu, parce que nous savons en qui nous croyons. En effet, par cette solennité que nous célébrons aujourd’hui chaque année nous rappelons le souvenir anniversaire de la destruction de ce même temple et de sa réédification. Toutefois on peut nous demander s’il n’y a pas quelque mystère dans ces paroles : « Quarante-six ans ont été employés à la construction de ce temple ». Il y aurait beaucoup d’observations à présenter sur cette pensée, mais nous nous contenterons de quelques remarques courtes et faciles à saisir.

§ 2. Ce temple a été rebâti par le Père comme par le Fils : la résurrection est l’œuvre des deux ensemble.

   Nous savons, mes frères, qu’Adam a été seul créé directement par Dieu ; nous savons qu’il représentait le genre humain tout entier ; qu’en transgressant le précepte divin il fut pour ainsi dire brisé ; qu’il se trouve pour ainsi dire subdivisé en chacun de nous, de manière à se retrouver tout entier dans la société et dans l’union réciproque de tous les hommes ; et enfin qu’il ne peut que gémir pour nous, puisqu’il se trouve renouvelé en nous par Jésus-Christ.
Le Sauveur est sorti de la race d’Adam, mais sans avoir le péché d’Adam. Il est venu sans péché, afin d’expier dans Son corps le péché d’Adam, et de ramener l’homme à Son image et à Sa ressemblance, tel qu’il avait été d’abord créé. La chair que Jésus-Christ reçut d’Adam, tel est donc le temple que les Juifs ont détruit, et que le Sauveur a réédifié en trois jours. En effet, Jésus-Christ en Sa qualité de Dieu fort, tout-puissant et égal au Père, a ressuscité Son corps.
En quel sens donc l’Apôtre dit-il : « Qui l’a ressuscité d’entre les morts ? » (Rom. IV, 24). De qui parle-t-il ? Du Père. C’est ainsi qu’il a dit de Jésus-Christ : « Il S’est fait obéissant jusqu’à la mort et jusqu’à la mort de la croix ; voilà pourquoi Dieu L’a ressuscité d’entre les morts et Lui a donné un nom au-dessus de tout nom » (Philip. II, 8, 9). Je Le ressusciterai donc ; qui donc ressuscitera ? Le Père, à qui le Christ Lui-même dit dans le psaume : « Ressuscitez-Moi, et Je leur rendrais » (Ps. XL, 11). C’est donc le Père qui a ressuscité Jésus-Christ, et non pas Jésus-Christ qui S’est ressuscité Lui-même.
Mes frères, que cette conclusion ne vous scandalise pas. Le Père, que fait-Il sans Son Verbe, que fait-Il sans Son Fils unique ? « Toutes choses ont été faites par Lui, et rien n’a été fait sans Lui » (Jean I, 3). Puisqu’Il est Dieu Lui-même, c’est donc de Lui aussi qu’il a été dit : « Dieu l’a ressuscité d’entre les morts ». De là vous devez conclure qu’Il S’est ressuscité Lui-même.
Écoutez. Que le Juif nous dise lui-même ce qu’il a entendu : « Détruisez ce temple, et je le réédifierai en trois jours ». C’est le Père qui le réédifie, mais le Fils accomplit cette oeuvre comme le Père, et le Père comme le Fils. Jésus-Christ nous dit dans l’Évangile : « Mon Père et Moi Nous ne sommes qu’un » (Jean X, 30) ; et ailleurs : « Tout ce que fait le Père, le Fils le fait également » (Jean V, 19).

§ 3. Le nombre de quarante-six ans désigne les quatre parties de la terre.

   Que signifie ce nombre de quarante-six années dont parlent les Juifs : « Quarante-six années ont été employées à la construction de ce temple ».
Je disais tout à l’heure qu’Adam se retrouve dans l’ensemble du genre humain ; je reviens sur cette pensée pour la faire mieux ressortir encore. Les quatre lettres dont nous nous servons pour écrire le mot Adam, sont précisément, dans la langue grecque, les quatre premières lettres des quatre points cardinaux qui renferment le monde tout entier : l’Orient, l’Occident, le Nord et le Midi. C’est de ces quatre points que le Seigneur a dit : « Je rassemblerai Mes élus des quatre vents du ciel » (Matth. XXIV, 31) ; David avait dit également: « Qu’ils parlent, ceux qui ont été rachetés, qu’il a rachetés de la puissance de l’ennemi, depuis l’Orient et l’Occident, le Nord et le Midi ». Or, en grec, Orient se prononce : Anathole ; Occident, Dytis ; Nord , Arctos ; et Midi, Mesembria. En prenant la première lettre de chacun de ces quatre noms on obtient : Adam ; et comme c’est de la chair d’Adam que Jésus-Christ a reçu Son propre corps, plus tard attaché à la croix, ce corps est réellement le temple dont il est dit : « Je le rebâtirai en trois jours ; et les Juifs répondirent : Quarante-six ans ont été employés à la construction de ce temple, et Vous le  rebâtirez en trois jours ? Or, Jésus parlait du temple de Son corps ».

§ 4. Ce nombre mystique se retrouve dans Adam. 

   D’un autre côté, ne peut-on pas montrer que le chiffre quarante-six (XLVI) compose le nom d’Adam ? Or, ce nombre est pour nous très mystérieux, non seulement parce qu’il forme le nom même d’Adam, mais encore celui de Jésus-Christ dont il indique le mode surnaturel de conception.
Examinons d’abord le nom du premier homme, Adam. En grec, l’Alpha représente dans la numération la valeur de : un ; le Bêta, la valeur de deux ; le Gamma, la valeur de trois ; et le Delta, la valeur de quatre, et ainsi de suite des autres lettres de l’alphabet, qui servent à la fois à écrire et à compter. Par exemple le Mu a la valeur de quarante (tessaraconta). Or, cherchez la valeur de ces lettres et vous trouverez Adam. Nous y trouvons l’Alpha, ou : un ; le Delta, quatre ; or quatre ajoutés à un égalent cinq ; nous retrouvons de nouveau Alpha ou un qui, ajouté à cinq, égale six ; enfin le Mu qui vaut quarante, ce qui donne quarante-six, ou le nombre d’années employées à la construction du temple.

§ 5. Il se retrouve aussi dans la naissance du second Adam.

   Et parce que Notre-Seigneur Jésus-Christ a voulu que Son corps fût formé de la race d’Adam, sans toutefois recevoir la souillure du péché originel, il suit que c’est dans cette race qu’Il a pris le temple de Son corps, en rejetant l’iniquité originelle. Or, cette chair, qu’Il tira d’Adam, fut la chair de Marie, et le corps du Seigneur fut formé du corps de Marie. Ce corps a été crucifié par les Juifs et ressuscité trois jours après par le Sauveur Lui-même. C’est ainsi que ces Juifs ont détruit ce temple qui a duré quarante-six ans à construire, tandis que Jésus-Christ l’a reconstruit en trois jours. En effet, si j’en crois les médecins, le corps humain emploie quarante-six jours à se former dans le sein maternel. Pendant les sept premiers jours ce corps n’est encore qu’une espèce de lait ; pendant les neuf jours suivants il se convertit en sang ; il se solidifie pendant les douze jours qui suivent et enfin, pendant les dix-huit jours qui succèdent, tout le corps est formé par les divers linéaments des membres. A partir de ce moment jusqu’à la naissance le corps ne fait plus que grandir et s’accroître.
Or, ces quarante-six jours, si vous les multipliez par six, c’est-à-dire par les six âges de l’homme, l’enfance, la puéritie, l’adolescence, la jeunesse, l’âge moyen et la vieillesse, on trouve le chiffre de deux cent soixante-seize, c’est-à-dire de neuf mois et six jours, qui se comptent depuis le huitième jour des calendes d’avril, jour de la conception et de la mort de Jésus-Christ jusqu’au huitième jour des calendes de janvier, jour de la naissance du Sauveur…
Ce n’est donc pas sans raison que quarante-six années sont assignées à la construction du temple, figure du corps de Jésus-Christ ; car autant d’années le temple a mises à se construire, autant de jours le corps de Jésus-Christ a mis à se former.

§ 6. Conclusion.

   Telle est l’explication de ces paroles : « Détruisez ce temple, et je le rétablirai en trois jours. Les Juifs répondirent : Quarante-six ans ont été employés à la construction du temple, et vous le rétablirez en trois jours ? Or, Jésus parlait du temple de Son corps ».
Nous bénissons le Seigneur qui daigne révéler à Ses serviteurs les mystères les plus cachés.
Que notre foi repose donc toujours sur l’humilité de notre cœur, afin que nous méritions de recevoir de Dieu la récompense du royaume céleste.

Jésus dans la maison du grand prêtre Anne - José de Madrazo 1803 - détail

Jésus sur le point d’être souffleté dans la maison du grand prêtre Anne – détail
[Tableau de José Sotero de Madrazo y Agudo (1781-1859) - Musée du Prado, Madrid]

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1 Commentaire Commenter.

  1. le 22 mars 2024 à 23 h 24 min Goës écrit:

    Excellent enseignement : je ne connaissais pas.

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