2022-44. Chronique insolite d’une sœur poulette augustinienne un jour de tardive offensive hivernale.

Samedi 2 avril 2022,
Premier samedi du mois dédié à la réparation envers le Cœur douloureux et immaculé de Marie ;
Fête de Sainte Marie l’Egyptienne, pénitente (semidouble) ;
Mémoire de Saint François de Paule, confesseur ;
Mémoire du samedi de la 4ème semaine de carême ;
Anniversaire de la mort de Jean-Jacques Olier de Verneuil, dit « Monsieur Olier » (+ 2 avril 1657).

Bonjour les Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

    La plupart d’entre vous ne me connaissent pas : je suis l’une des jeunes poules du couvent des poules augustiniennes du Mesnil-Marie.
Oui, j’ai bien écrit « couvent des poules » puisque Frère Maximilien-Marie nous appelle souvent « nos sœurs les poules ». Je suis entrée au noviciat au mois d’août dernier avec cinq autres poulettes : nous étions alors toute petites et nous n’avons commencé à pondre que depuis ce mois de janvier.
Malheureusement, trois des nôtres ont été attaquées et dévorées par une buse, malgré les protections placées au-dessus du poulailler. Il y a une quinzaine de jours, frère Maximilien-Marie a admis au noviciat deux autres poules, un peu plus âgées que nous puisqu’elle sont dites « poules de réforme » : il ne s’agit évidemment pas de poules de confession prétendue réformée, puisqu’on ne peut admettre d’hérétiques sectatrices de Luther ou de Calvin dans un couvent de poules catholiques traditionnelles ! Elles sont dites « poules de réforme » parce qu’elles avaient jusqu’alors vécu dans un élevage de poules pondeuses, très nombreuses, vivant dans un grand hangar dont elles ne sortaient jamais, ne connaissant que la lumière des lampes électriques. Lorsqu’elles arrivent à l’âge d’environ 18 mois, on se débarrasse d’elles parce que ceux qui les exploitent jugent qu’elles ne garantissent pas la ponte d’un œuf chacune par jour : elles sont alors vendues à un prix dérisoire, soit pour être adoptées – comme c’est ici le cas -, soit pour être abattues et devenir du pâté pour animaux…
Lorsqu’elles sont arrivées au couvent des poules augustiniennes, nos deux nouvelles novices étaient un peu déplumées et plutôt farouches. Et puis tout était nouveau pour elles : elles ont découvert le soleil, le vent, l’herbe, le plaisir de gratter la terre et de goûter des larves et des vers, ainsi que la joie de gambader en petit groupe sans être serrées comme des sardines !
Evidemment, nous, les plus anciennes, nous avons dû leur inculquer les usages des poules monastiques : elles se sont très vite adaptées et, au bout d’à peine quatre jours, elles couraient comme nous à la rencontre de Frère Maximilien-Marie pour se faire caresser par lui comme nous aimons à le faire, et elles se remplument devenant très jolies.
Il y en avait bien une, au début, qui avait tendance à lui picorer les orteils, s’il venait au poulailler en sandales, mais nous lui avons fait comprendre que ce n’était pas là les manières dont une poulette augustinienne doit user envers un chanoine lorsqu’il vous apporte à « becqueter » !!!
Bref ! En ce qui me concerne, je confesse que je ne suis pas la plus disciplinée de toutes : je sors très souvent de la clôture en passant par-dessus le portillon, pour aller explorer la prairie, et Frère  Maximilien-Marie me « gronde » ; mais il le fait d’une manière si douce, en me prenant dans ses bras et en me caressant, que ça m’incite plutôt à recommencer… Du plus loin que je l’aperçois, je cours vers lui pour qu’il me caresse et me prenne dans ses bras. Il dit aussi que je suis la plus bavarde, parce que, dès que je reconnais le bruit du moteur de la « maxmobile », je saute sur le portail pour lui raconter plein de choses dès qu’il sort du véhicule…
Mais je crois que vous aussi vous avez déjà compris que j’aime bien papoter.

Ce matin, alors qu’au mois de mars nous avons connu des journées douces et ensoleillées, nous avons eu la surprise de constater que pendant la nuit la neige avait fait son retour. Il y en avait déjà un peu hier matin, mais ce n’était que quelques millimètres sur le sol, et elle avait presque entièrement fondu avant la fin de la matinée, tandis qu’aujourd’hui, selon les endroits, c’est une épaisseur de cinq à dix centimètres : une poudreuse très légère, que le vent soulève. Il paraît que sur les hauts plateaux vivarois et vellaves tout proches, ce vent se transforme en burle et qu’il peut provoquer des congères, des tourbillons… et des accidents de la circulation, car il aveugle et déroute les humains qui perdent leurs repères. Vous l’avez compris, si vous ne le saviez pas déjà, la burle des hauts plateaux vivarois est, sans aucune exagération, tout-à-fait comparable au blizzard du grand nord canadien.
Nos nouvelles novices n’avaient jamais vu de neige, et elles faisaient de drôles de tête ce matin en découvrant cette sensation nouvelle sur leurs pattes qui s’y enfonçaient : cela nous a fait glousser de rire en nous moquant un peu d’elles !

Mais je parle, je parle… Alors que, ce matin, si l’on m’a permis de « prendre la plume » (mais après tout quoi de plus naturel pour une poule ?!) c’était d’abord pour vous envoyer quelques beaux clichés du Mesnil-Marie. Il faut donc que je m’y emploie…

Voici donc ce qu’on pouvait admirer en début de matinée depuis l’entrée du hameau alors que le soleil tentait – en vain – de percer les nuages.
Quant aux températures négatives elles sont toujours la cause de formations admirables :

Le ruisseau, toutefois, n’est pas figé par la glace et ses petites cascades continuent de nous enchanter de leurs bruissements :

Frère Maximilien-Marie, en nous apportant à manger ce matin, nous a raconté que vers 3 h 30 cette nuit, alors qu’il veillait à la chapelle, intrigué par des mugissements inhabituels, il avait pointé son bec, ou plutôt – pardon ! – son nez à l’un des « fenestrous » et avait été témoin d’un extraordinaire ballet de flocons que le vent faisait tournoyer dans des figures acrobatiques qui l’ont émerveillé.
Comme il venait de terminer matines et laudes, à ce spectacle il s’est mis à reprendre en boucle, comme une sorte d’incantation jubilatoire, le verset 9 du psaume « Miserere » qu’il avait lu au bréviaire : « Lavabis me et super nivem dealbabor : Vous me laverez, et je serai d’une blancheur plus éclatante que la neige ! » Belle action de grâces pour les bienfaits de la Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ que nous allons contempler d’une manière encore plus assidue en cette quinzaine qui commence aujourd’hui ! 

Au nom de toutes mes sœurs les poulettes augustiniennes du Mesnil-Marie, je vous souhaite de bien vivre ce magnifique temps liturgique de la Passion, et d’entrer avec le maximum de générosité dans l’union amoureuse aux souffrances du divin Rédempteur, afin d’avoir part à toutes les grâces du renouveau intérieur qu’Il accorde à Pâques…

Nous autres, humbles poulettes du Seigneur, contribuons aussi à la joie pascale en vous offrant nos œufs, symboles de vie nouvelle et de joie : ces œufs que vous aurez le plaisir de déguster à nouveau – après la longue privation quadragésimale -, revêtus de la bénédiction de la Sainte Eglise qui fera ainsi d’eux des sacramentaux, véhicules de la grâce divine !