2021-78. « Notre Église est l’Église des saints ! »
25 décembre 2021,
Nativité de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,
Voici le texte du prône que nous avons eu le bonheur d’entendre lors de la Messe solennelle de ce saint jour de Noël, dans notre Chapitre de Saint Remi : j’ai pensé qu’il vous serait agréable et utile de pouvoir, vous aussi, le lire et le méditer, durant les jours de l’octave de la Nativité, puisque, pour nous, catholiques, la fête de la Nativité ne s’arrête pas au soir du 25 décembre, mais dure huit jours.
Passons donc généreusement du temps à méditer et à prier devant la Crèche, et mettons en pratique dans nos vies les leçons – inépuisables – que nous pouvons en retirer !
Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur
Saint Augustin offrant son cœur à l’Enfant Jésus
(François Perrin [1590-1650], 1634 – Musée d’art et d’histoire de Saint-Denis)
Prône pour la fête de la Nativité de Notre-Seigneur
- 25 décembre 2021 -
prononcé par Monsieur le Prévôt du Chapitre de Saint Remi
à la Messe solennelle du saint jour de Noël
Alors que cette fête demeure l’une des plus fréquentées en France-même, relevons que, si notre Chapitre ne travaille pas à proprement parler pour une paroisse, nous ne nous désintéressons aucunement du salut des âmes ; bien au contraire, en prenant nos distances, et presque de l’élan, nous les embrassons toutes. Car si travailler à sauver une âme est déjà une grande œuvre, qu’en sera-t-il de la conversion de toute un royaume ?
Mais au milieu des persécutions contre la liturgie traditionnelle et du délitement de notre Patrie, l’on nous reproche de ne pas nous affairer. Et comment mieux travailler et coopérer à la résistance et au redressement de l’Église catholique comme de l’État chrétien, sinon en étant bien fidèle à son devoir d’état ? Et celui d’un chanoine est d’être bien à sa place au chœur, portant la prière d’un peuple qui ne prie plus publiquement qu’à moins de 2% selon les sondages, de soigner la liturgie et de s’unir de cœur comme d’esprit aux paroles prononcées, tenant lieu ici-bas de Cour du Roi des rois, « car l’on ne se moque pas de Dieu » (Ga VI, 7). De son temps, la patronne des missions n’eut rien ne plus à cœur que de s’enfermer dans son couvent de Lisieux, d’y supporter ses sœurs et consœurs, d’y être malade et d’y mourir à 24 ans. Sa châsse est aujourd’hui portée en triomphe dans toutes les parties du monde. La petite Bernadette, après avoir eu l’insigne honneur de recevoir les apparitions de la Vierge Immaculée, se voit non pas chargée de mission pour prêcher des conférences comme le voudrait tout Catholique connecté du XXIe siècle, mais exfiltrer en Nivernais pour apprendre à obéir et à pâtir, car « beaucoup d’humiliations font un peu d’humilité ». Plus facile à dire qu’à appliquer, et surtout qu’à aimer : car nous en sommes encore bien loin, mais là était finalement la seconde mission de Sœur Marie-Bernarde, la première étant non pas de convaincre mais d’avertir M. son curé, Mgr Peyremale.
En ce jour de naissance de la France, en lequel la Sacrée Pénitencerie Apostolique accorde aux membres et fidèles de l’Ordre de saint Remi l’indulgence plénière, nous nous glorifions de contribuer à la fidélité du royaume très-chrétien à sa vocation. Et tandis que beaucoup de nos amis combattent activement, nous devons, tels les chapelains de sainte Jeanne d’Arc à deux pas du champ de bataille, chanter solennellement Office divin et Messe : le soin du Service divin est de bien plus grande importance que le maniement des armes, ferrées ou électroniques. Nous devons remplir autour du Christ Roi et de Son lieutenant le rôle que son frère le grand-prêtre Aaron et son beau-frère ou neveu Hour jouèrent auprès de Moïse : en lui soutenant les bras tout le temps de la bataille contre les Amalécites. Grâce à nous en quelque sorte, osons-le, la France ne peut pas baisser les bras !
Et alors que l’eau salutaire coulait sur la peau du front de Clovis le Grand, s’accomplissaient pour les Francs les paroles de saint Paul entendues mardi en la fête de saint Thomas : « Désormais vous n’êtes donc plus des étrangers et des gens du dehors ; mais vous êtes concitoyens des Saints, et membres de la famille de Dieu, puisque vous avez été édifiés sur le fondement des Apôtres et des Prophètes, le Christ Jésus étant Lui-même la pierre angulaire. En Lui, tout l’édifice, bien coordonné, grandit pour être un temple saint dans le Seigneur. En Lui, vous aussi, vous entrez dans sa structure, pour être une habitation de Dieu par l’Esprit-Saint » (Eph. II, 19-22).
En cette fête de la Nativité du Seigneur fait pour nous petit Enfant, citons encore, puisqu’il repose à quelques kilomètres d’ici, Georges Bernanos dans son Jeanne relapse et sainte (1934), comme le cher Père Thomas nous le conseille en ces jours d’épreuve :
« Notre Église est l’Église des saints. Pour être un saint, quel évêque ne donnerait son anneau, sa mitre, sa crosse, quel cardinal sa pourpre, quel pontife sa robe blanche, ses camériers, ses suisses et tout son temporel ? Qui ne voudrait avoir la force de courir cette admirable aventure ? Car la sainteté est une aventure, elle est même la seule aventure. Qui l’a une fois compris est entré au cœur de la foi catholique, a senti tressaillir dans sa chair mortelle une autre terreur que celle de la mort, une espérance surhumaine.
Notre Église est l’Église des saints. Mais qui se met en peine des saints ? On voudrait qu’ils fussent des vieillards pleins d’expérience et de politique, et la plupart sont des enfants. Or l’enfance est seule contre tous. Les malins haussent les épaules, sourient : quel saint eut beaucoup à se louer des gens d’Église ? Hé! Que font ici les gens d’Église ! Pourquoi veut-on qu’ait accès aux plus héroïques des hommes tel ou tel qui s’assure que le royaume du ciel s’emporte comme un siège à l’Académie, en ménageant tout le monde ? Dieu n’a pas fait l’Église pour la prospérité des saints, mais pour qu’elle transmît leur mémoire, pour que ne fût pas perdu, avec le divin miracle, un torrent d’honneur et de poésie. Qu’une autre Église montre ses saints ! La nôtre est l’Église des saints. A qui donneriez-vous à garder ce troupeau d’anges ? La seule histoire, avec sa méthode sommaire, son réalisme étroit et dur, les eût brisés. Notre tradition catholique les emporte, sans les blesser, dans son rythme universel. […] Souhaiterait-on qu[e les Saints] eussent tous été, de leur vivant, mis en châsse ? assaillis d’épithètes ampoulées, salués à genoux, encensés ? De telles gentillesses sont bonnes pour les chanoines. [dixit]
Ils vécurent – les Saints –, ils souffrirent comme nous. Ils furent tentés comme nous. Ils eurent leur pleine charge et plus d’un, sans la lâcher, se coucha dessous pour mourir, [nous donnant] la leçon de l’héroïsme et de l’honneur. Mais qui ne rougirait de s’arrêter si tôt, de les laisser poursuivre seuls leur route immense ? Qui voudrait perdre sa vie à ruminer le problème du mal, plutôt que de se jeter en avant ? Qui refusera de libérer la terre ?
Notre Église est l’Église des saints. Tout ce grand appareil de sagesse, de force, de souple discipline, de magnificence et de majesté n’est rien de lui-même, si la charité ne l’anime. Mais la médiocrité n’y cherche qu’une assurance solide contre les risques du divin. Qu’importe ! Le moindre petit garçon de nos catéchismes sait que la bénédiction de tous les homme d’Église ensemble n’apportera jamais la paix qu’aux âmes déjà prêtes à la recevoir, aux âmes de bonne volonté. Aucun rite ne dispense d’aimer.
Notre Église est l’Église des saints. Nulle part ailleurs on ne voudrait imaginer seulement telle aventure, et si humaine, d’une petite héroïne qui passe un jour tranquillement du bûcher de l’inquisiteur en Paradis, au nez de cent cinquante théologiens. ‘Si nous sommes arrivés à ce point, écrivaient au pape les juges de Jeanne, que les devineresses vaticinant faussement au nom de Dieu, comme certaine femelle prise dans les limites du diocèse de Beauvais, soient mieux accueillies par la légèreté populaire que les pasteurs et les docteurs, c’en est fait, la religion va périr, la foi s’écroule, l’Église est foulée aux pieds, l’iniquité de Satan dominera le monde !’ [l’on croirait entendre Caïphe et son Sanhédrin !], et voilà qu’un peu moins de cinq cents ans plus tard l’effigie de la devineresse est exposée à Saint-Pierre de Rome, il est vrai peinte en guerrière, sans tabard ni robe fendue !, et à cent pieds au-dessous d’elle, Jeanne aura pu voir un minuscule homme blanc, prosterné, qui était le pape lui-même.
Notre Église est l’Église des saints. Du Pontife au gentil clergeon qui boit le vin des burettes, chacun sait qu’on ne trouve au calendrier qu’un très petit nombre d’abbés oratoires et de prélats diplomates. Seul peut en douter tel ou tel bonhomme bien pensant, à gros ventre et à chaîne d’or, qui trouve que les saints courent trop vite, et souhaiterait d’entrer au paradis à petits pas, comme au banc d’œuvre, avec le curé son compère.
Notre Église est l’Église des saints. Nous respectons les services d’intendance, la prévôté, les majors et les cartographes, mais notre cœur est avec les gens de l’avant, notre cœur est avec ceux qui se font tuer. […] Que d’autres prennent soin du spirituel, argumentent, légifèrent – dit le laïque Bernanos – : nous tenons le temporel à pleines mains, nous tenons à pleines mains le royaume temporel de Dieu. Nous tenons l’héritage des saints ».
L’Ordre de saint Remi n’a pas d’autre but que d’inciter chacun à être pleinement et seulement à sa place, à son tour de guet ou d’hebdomadier, d’avant-garde de l’armée ou de sacrificateur.
« Car […] depuis que Dieu lui-même nous visita, est-il rien en ce monde que nos saints n’aient dû reprendre, est-il rien qu’ils ne puissent donner ? ».
Alors, Monsieur Bernanos, à nonante-sept ans de distance, lesdits chanoines et leurs petits clergeons vous pardonnent bien volontiers, car – ironie du sort – ce sont aujourd’hui ces mêmes chanoines séculiers ressuscités qui, espérant contre tout espérance, audacieux comme des enfants, avec la fraîcheur du zèle des amoureux, traités de fous tel Notre-Seigneur par Hérode Antipas, veulent être vos âmes privilégiées et jeunes humanités de surcroît. Ces paroles du saint Évangile résonnent de manière toute particulière et adaptée : « Les grands prêtres et les scribes L’accusaient avec force. Hérode Le traita avec mépris ainsi que ses hommes d’armes, se moqua de Lui et, après L’avoir revêtu d’un vêtement de couleur éclatante, il Le renvoya à Pilate. En ce jour-même, Hérode et Pilate devinrent amis, eux qui auparavant étaient en inimitié entre eux » (Luc. XXIII, 10-12).
La ressemblance des faits doit nous assurer que, tel le bienheureux Noël Pinot, le chemin que nous empruntons est surnaturellement le bon – j’ai couru sur la voie de Vos Commandements ! (Ps. CXVIII) – et qu’il nous mène, comme Jehanne, à une victoire inespérée au sens propre, mais dont les retombées temporelles seront immenses, centuplées par les grâces surnaturelles.
Soyons donc les imitateurs tant des pâtres que des mages, venons en jeunes chanoines adorer, dans les bras de la Sainte Famille, le plus grand trésor de l’univers, puisque nous avons là dans la Crèche les deux Rois et la Reine de notre Ordre. Et au cours de cette Messe, unissons-nous à la Messe célébrée il y a 1525 ans en l’église cathédrale Notre-Dame de Reims : c’était là aussi le début d’une magnifique aventure, que nous nous faisons forts, avec la divine grâce, de poursuivre ad multos annos.
« Une seule chose est nécessaire ». Avec la Magdeleine et tous les fils de saint Augustin, nous avons « choisi la meilleure part : elle ne nous sera pas enlevée » (Luc. X, 42). Ainsi soit-il.
Saint Augustin offrant son cœur à l’Enfant Jésus – détail
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Noël! Noël!
Vive le Christ en sa Nativité.
Vive Saint Rémy en la nativité de la France.
Merci, mon cher Frère, pour ce texte si édifiant.
A bientôt, j’espère.
Merveilleux.
Merci cher frère.
A vous et à tous, saint et joyeux Noël et honneur à St Etienne.