2021-14. « Que mangez-vous pendant le carême ? »
Dimanche de la Quinquagésime.
« Voici que nous montons à Jérusalem et que va s’accomplir pour le Fils de l’homme tout ce qui a été écrit par les prophètes.
En effet, il sera livré aux Gentils, sera bafoué, sera outragé, et sera couvert de crachats ;
et, après l’avoir flagellé, on le fera mourir, et il ressuscitera le troisième jour » (Luc XVIII, 31-33).
William Bouguereau : la Flagellation -1880
(cathédrale Saint-Louis de La Rochelle)
Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,
« L’observance du Carême est le lien de notre milice ; c’est par elle que nous nous distinguons des ennemis de la Croix de Jésus-Christ ; par elle que nous détournons les fléaux de la divine colère ; par elle que, protégés du secours céleste durant le jour, nous nous fortifions contre les princes des ténèbres. Si cette observance vient à se relâcher, c’est au détriment de la gloire de Dieu, au déshonneur de la religion catholique, au péril des âmes chrétiennes ; et l’on ne doit pas douter que cette négligence ne devienne la source de malheurs pour les peuples, de désastres dans les affaires publiques et d’infortunes pour les particuliers » (S.S. le Pape Benoît XIV – constitution apostolique « Non ambigimus » – 1741).
J’avais déjà eu l’occasion de vous livrer cette belle et importante citation qui nous place en face de nos responsabilités pour ce qui concerne notre observance du saint carême, et sur les conséquences de notre générosité ou de notre manque de générosité dans la pratique de la pénitence qui est pour tous un précepte certain de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui nous a avertis sans détour : « Si vous ne faites pas pénitence, vous périrez tous ! » (cf. Luc XIII, 5).
Le refus de la pénitence ou la négligence à s’adonner à la pénitence entraînent en effet de grands malheurs dès ici-bas dans la vie personnelle et la vie sociale, et pour l’au-delà le plus grand malheur qui puisse être : la damnation éternelle !
J’ai déjà eu l’occasion de le dire et de le redire (au point que certains commencent à penser que je rabâche), les obligations qui découlent de la discipline actuelle, imposées par le droit canonique en vigueur, sont absolument minimalistes. Cela ne signifie pas pour autant qu’un chrétien qui veut vraiment marcher dans les pas de Notre-Seigneur doive et puisse se contenter du minimum !
C’est dans cette perspective qu’ont été publié dans les pages de ce blogue 1) le petit catéchisme sur le carême et la pénitence (cf. > ici) et 2) un rappel de la discipline antique du carême telle que la prescrivent toujours la plupart des Eglises d’Orient (cf. > ici).
Je puis témoigner devant Dieu et devant les hommes que l’observance de la discipline antique du jeûne et de l’abstinence n’est pas un fardeau insupportable, mais qu’au contraire elle est source d’une grande liberté intérieure et qu’elle a très souvent pour conséquence une immense joie surnaturelle.
Je dois néanmoins ajouter quelques précisions sur lesquelles il n’est jamais inutile d’insister :
1) les trois éléments essentiels du carême sont : la prière, le jeûne et l’aumône.
Tous les trois sont à pratiquer. On ne peut en privilégier un aux dépens des deux autres, ou deux aux dépens du troisième. La pratique d’un bon carême se fonde sur les trois.
2) l’aumône n’est pas prise sur notre superflu ou prélevée sur des choses qui ne nous feront pas défaut, mais sur ce qui nous est l’occasion d’un vrai sacrifice. Les « économies » que nous réalisons sur la nourriture en particulier (puisque notre nourriture en carême est moins abondante et moins riche) nous permettent de donner davantage à ceux qui sont dans le besoin ; c’est le sens des paroles de la Sainte Ecriture : « Partage ton pain avec l’affamé ». Partager, c’est bien prendre une part de ce qui est à nous pour le donner à celui qui se trouve dans la nécessité : notre part s’en trouve véritablement diminuée.
Il n’est pas normal d’être nourri à satiété pendant le carême ; il est même normal d’y ressentir la faim !
3) le jeûne a pour but de nous rendre plus disponibles à Dieu et au prochain.
Il ressort de là qu’il serait tout-à-fait contraire à son esprit que de passer autant, voire davantage, de temps en cuisine, au prétexte de préparer des « recettes de carême » qui correspondraient matériellement aux règles de l’abstinence (par la privation de tous les mets d’origine animale), mais qui seraient confectionnées dans le but de flatter le goût et de rechercher des saveurs agréables : une telle manière de faire serait en effet un pur pharisaïsme !
Le jeûne (et le véritable esprit du jeûne) doit nous dégager de la préoccupation excessive de la nourriture et des satisfactions physiques qu’elle apporte : l’allègement dans lequel consiste le jeûne n’est pas seulement une question de quantité de nourriture mais aussi un allègement de sa qualité et un allègement du temps que nous lui consacrons tant pour la préparer que pour la consommer.
Notez que l’on trouve sur Internet (en particulier sur plusieurs sites orthodoxes, puisqu’ils ont gardé la discipline originelle du carême) des recettes de carême que l’on peut confectionner sans aucun produit d’origine animale et sans huile d’olive : chacun peut librement s’en inspirer certes, mais – je me répète – le but du carême n’est justement pas de passer du temps à expérimenter de nouvelles recettes et de se préoccuper de nourriture…
Concrètement, parce qu’un certain nombre de personnes désireuses de mettre en pratique la discipline antique du carême m’ont demandé « Mon Frère, pour nous aider à nous faire une idée de ce que nous pourrions faire, dites-nous comment vous faites ? Que mangez-vous et de quelle manière pendant le carême ? », voici donc ce que je fais moi-même. Je ne prétends pas que cela puisse convenir à tous (en particulier à ceux dont le devoir d’état demande d’accomplir des travaux de force) :
A – Pour les jours de « jeûne ordinaire » (c’est-à-dire tous les jours du carême sauf le mercredi des cendres, les vendredis et les vigiles) :
1) un fruit, pris en début de repas (alternativement pommes, bananes, kiwis, agrumes…),
2) un plat qui sera tantôt des crudités (endives, ou carottes râpées, ou concombres, ou chou râpé, ou betteraves, ou pousses de haricots mungo…), ou bien un plat chaud (haricots verts, ratatouille ou autres bocaux de préparations de l’été précédent), ou bien encore une salade de légumineux (lentilles, pois-chiches) ou une salade de pommes de terre ; à toutes ces salades on peut ajouter, selon les cas, soit des graines (de sésame, de lin, de courges…) soit des raisins de Corinthe.
3) pour terminer, si l’on tient à prendre un dessert (mais ce n’est pas obligé), un yahourt de soja peut très bien faire l’affaire, ou un peu de confiture sur une tranche de tartine de seigle (je ne consomme pas de pain) ;
4) en boisson de l’eau claire, ou bien un grand bol de thé ou de tisane avec une cuiller de miel.
B – Les jours de « grand jeûne » (mercredi des cendres, tous les vendredis, et les vigiles), le repas se compose uniquement de 60 grammes de riz (ou de quinoa), sur lequel on peut verser un peut de sauce végétale.
C – Tous les soirs :
une écuelle de soupe.
Vous le voyez, toutes ces choses sont très vite réalisées, sont peu onéreuses, et permettent d’établir un « roulement » que l’on reproduit de semaine en semaine sans qu’on ait à se prendre la tête avec la sempiternelle question-cauchemar des cuisiniers : « mais qu’est-ce que je vais faire à manger aujourd’hui ? »
Vous pouvez laisser une réponse.
Les personnes âgées, bien au-delà de 60 ans, affaiblies dans leur corps, sujettes à bien des maux, ne sont pas tenues au jeûne. Leur vie n’est plus qu’offrande de ce qu’elles supportent tout au long de l’année. A elles cependant de marquer ce Temps béni du Carême par bien des moyens d’absention du futile, par la charité, la générosité, n’est-ce pas ?
C’est vrai tout ce que nous dit dj, et pour y parvenir, les trois éléments du carême sont essentiels: le jeûne, la prière et l’aumône. Autrement dit « cherchez d’abord le royaume de Dieu » le reste viendra.
Merci pour tous ces bons conseils.
Tout le carême est ordonné à la divine « libération », qui se nomme Rédemption : d’où le parallèle constant dans la spiritualité entre les 40 jours du carême et les 40 ans des Hébreux dans le désert, qui les ont fait passer de l’esclavage d’Egypte à la Terre Promise (l’Exultet de la Sainte Nuit de Pâques chantera encore cette comparaison) et à la lutte contre le péché et la tyrannie de notre « égo ».
Le jeûne a sa part importante dans cette remise en ordre. La privation des sources de divertissement est une forme de « jeûne » mais les anciens ne l’appelaient pas ainsi : la discipline antique du carême exigeait la cessation des spectacles et divertissements. En temps de Chrétienté, les théâtres, bals et salles de spectacle étaient fermés comme les boucheries. Il y a un caractère de « retraite » des frivolités et des distractions, comme vous le faites remarquer : cela ressort de l’exemple même du Christ Notre-Seigneur qui, avant le grand combat contre le démon, se retire au désert… Il y a une vraie spiritualité du désert inhérente au carême.
Merci pour votre article.
Le jeûne pour moi, c’est aussi se libérer de son ego, de son péché, de son confort,(ordinateur, musique, télévision, voiture…) pour dégager du temps pour « les autres », (conjoint, enfants, voisins…), et pour le « Tout-Autre » (Dieu).
L’effort porte sur moi (jeûne), pour les autres (partage, aumône,…) et pour Dieu (prière, retraite spirituelle, etc…).
Le carême est une période pour s’améliorer, se rapprocher de Dieu, préparer Pâques.
Dernière publication sur Vie intérieure : La théorie du " genre "... (2/2)