2020-103. Quelques réflexions sur le thème de la vocation (1ère partie).
Vendredi 21 août 2020,
Fête de Sainte Jeanne-Françoise de Chantal (cf. > ici et > ici) ;
Anniversaire de la naissance de Saint François de Sales (cf. > ici) ;
Mémoire de Saint Privat, premier évêque du Gévaudan et martyr ;
7ème jour dans l’octave de l’Assomption.
Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,
Alors qu’approche le jour du quarantième anniversaire de mon entrée dans la vie religieuse (8 septembre 1980), je voudrais commencer aujourd’hui à votre intention la rédaction de quelques réflexions sur le thème de « la vocation ».
Cette lecture ne sera peut-être pas facile à tout le monde, parce qu’elle exigera une attention soutenue et la recherche d’une compréhension exacte, et non approximative, de mes propos, auxquels toutefois je vais m’efforcer de donner le maximum de concision et de clarté.
J’ai pleinement conscience que les sujets abordés ci-dessous – et dans les prochains jours ou semaines dans d’autres publications que j’ai en vue et qui en constitueront une suite – demandent de fournir un véritable effort intellectuel, et renvoient à un minimum de notions religieuses qui ne sont malheureusement plus très répandues en nos temps d’inculture généralisée, en nos temps de graves déficiences de l’enseignement religieux, en nos temps où règnent de manière tyrannique des habitudes de « prêt-à-penser » imposées par des médias fondamentalement antichrétiens.
Que personne donc ne se sente obligé d’aller plus avant dans cette lecture s’il n’est pas prêt à lui accorder cette attention soutenue et cet effort intellectuel.
Commençons donc par « dégrossir » des notions :
1) Il ne faut pas confondre « vocation » avec « attrait personnel » pour la vie religieuse ou le sacerdoce :
J’ai souvent – beaucoup trop souvent – l’impression, quand il s’agit de vocation, que beaucoup de catholiques, laïcs, mais aussi ecclésiastiques (ce qui peut paraître un comble), n’en ont finalement que des notions plutôt confuses, puisque lorsqu’on leur pose la question : « qu’est ce que la vocation ? », ils ne sont en effet pas capables d’apporter une réponse claire.
L’une des raisons de ce manque de clarté réside habituellement en ce qu’il est assez courant de faire une confusion entre ce qu’est véritablement la « vocation sacerdotale » et l’ « attrait du sacerdoce », ou bien entre la « vocation religieuse » et l’ « attrait pour la vie religieuse ».
Je m’explique : la vocation n’est pas un sentiment (et encore moins une sensation) ; elle n’est pas une impression subjective ; elle ne consiste pas en un état plus ou moins « mystique » accompagné de phénomènes irrationnels, incontrôlables ou incontrôlés…
Il peut certes arriver qu’un certain « attrait », que des « sentiments » ou que des « grâces mystiques » se produisent, pour faciliter l’éveil d’une vocation ou pour soutenir sa maturation ; mais « l’attrait personnel », les « sentiments » ou les « grâces mystiques » ne sont que des éléments périphériques, accessoires, très secondaires, et non essentiels.
La vocation de Saint Matthieu
(Le Caravage – église Saint-Louis des Français, Rome)
2) La vocation consiste, dans son essence, en un appel officiel de l’Eglise :
En latin, le mot « vocatio, -onis » signifie : appel, invitation, convocation, voire assignation en justice. Le verbe latin « voco, -as, -are » duquel dérive le nom « vocatio » a pour premier sens « appeler » ; son radical est le mot « vox, vocis » qui désigne la voix. C’est dire que dans son sens originel, le mot « vocatio » ne désigne pas un appel intérieur, mais un appel extérieur, exprimé par la voix, qui frappe les oreilles, et qui par les sens remonte à l’intelligence : « Nihil est in intellectu quod non sit prius in sensu – Rien n’est dans l’intellect qui n’ait d’abord été dans les sens », selon la bonne vieille formule de Saint Thomas d’Aquin (in « Quaestiones disputatae – De veritate »).
Dans le domaine religieux, dans la doctrine catholique, le sens du mot « vocation » est tout à fait conforme à cette étymologie.
En effet, la vocation ce n’est pas une émotion personnelle, ce n’est pas une pieuse inclination, ce n’est pas un « sentiment spirituel » qui se produit dans le cœur ou dans l’âme d’un sujet.
Non ! En toute rigueur, par essence, la vocation c’est l’appel officiel, l’appel personnel précis adressé par l’Eglise à une personne.
Nul ne s’attribue à lui-même la vocation. Nul n’est le juge de sa propre vocation. Nul n’est le garant de sa propre vocation.
C’est Notre-Seigneur Jésus-Christ qui discerne et qui appelle, et Il le fait par Son Eglise. Rappelons-nous la belle et magistrale définition de notre incomparable Bossuet : « L’Eglise, c’est Jésus-Christ répandu et continué ».
Ainsi donc l’appel officiel de l’Eglise a un caractère hiérarchique et public, et il a lieu au cours d’une cérémonie liturgique.
Normalement, il est adressé à quelqu’un dont on juge, après un examen attentif et rigoureux, qu’il a les capacités réelles à accomplir une « mission » que l’Eglise lui confiera, ou à vivre les exigences propres à un état de vie.
Lorsque l’Eglise appelle un sujet, elle ne se préoccupe pas de ses « inclinations », de ses « sentiments », de ses « états d’âme » (fussent-ils spirituels) ou des « grâces mystiques particulières » qu’il pourrait avoir reçues ; elle demande seulement, en requérant des témoignages, si ce sujet est digne, et s’il a les qualités et les capacités requises pour l’état sacerdotal – ou l’état religieux – auquel elle l’appelle.
3) Quels sont les critères et les dispositions pris en compte par l’Eglise pour « donner la vocation » à une personne ?
Cette dignité, ces capacités et ces qualités requises pour être le sujet d’une vocation, ce sont la pratique des vertus morales, les aptitudes naturelles et spirituelles à accomplir les devoirs inhérents à cet état de vie, ainsi qu’une solide et rigoureuse formation doctrinale et spirituelle.
Voilà pourquoi, avant d’appeler un sujet au sacerdoce, dans sa sagesse multiséculaire, la Sainte Eglise impose une préparation à ceux qui ont manifesté des dispositions ou présenté une forme d’attrait pour le sacerdoce ou la vie religieuse : c’est le rôle du séminaire ou de la maison de formation d’un institut religieux. Les longues années de formation qui y sont dispensées permettent, en principe, un discernement, l’acquisition du bagage de vertus et les études indispensables pour envisager sérieusement l’état de vie sacerdotal ou religieux.
Ainsi, en réalité, l’entrée au séminaire ou au noviciat ne constitue pas la reconnaissance d’une vocation, mais marque seulement que l’Eglise prend en compte « l’attrait » pour le sacerdoce ou la vie religieuse, qu’elle va en étudier le sérieux et le bien fondé, qu’elle va l’éprouver, et qu’elle va donner à cette possible vocation les moyens d’aboutir, en la plaçant (normalement) dans les conditions les plus adaptées à son épanouissement.
Le nom de « séminaire » donné aux établissements dédiés à la formation de futurs prêtres est particulièrement éloquent : il vient du mot latin « semen, -inis » qui désigne la graine, la semence.
Un séminaire n’est ni plus ni moins qu’une pépinière ou une serre dans laquelle des semis sont placés dans les meilleures conditions de croissance et de maturation. Il s’y fera un tri, une sélection : certaines jeunes pousses s’y révéleront inaptes à devenir de bons plans et devront alors absolument être rejetées.
Au terme de ces années de formation spirituelle et doctrinale, l’Eglise se prononce : de là l’importance d’avoir dans un séminaire ou un noviciat des responsables dotés d’un bon jugement, d’une grande sagesse, d’un solide discernement, d’une vertu éprouvée, d’une vigilance sourcilleuse… Ce sont leurs avis qui seront particulièrement pris en compte par les hiérarques (évêques, ordinaires, supérieurs religieux…) auxquels appartiennent en propre la grâce et la mission d’appeler au sacerdoce ou à la vie religieuse.
Un séminariste ou un novice ne peuvent être sûrs qu’ils ont la vocation que le jour où officiellement, ils sont appelés aux Ordres Sacrés ou aux Vœux de religion : tant qu’ils n’ont pas reçu cet appel officiel, émanant de la hiérarchie ecclésiastique, ils ne peuvent certifier : « j’ai la vocation » ; en rigueur ils sont juste en droit de dire : « j’éprouve l’attrait pour le sacerdoce (ou la vie religieuse) et je me prépare à y être appelé par l’Eglise, si elle juge que j’en possède les dispositions requises ».
Certes, le discernement et l’appel officiel de l’Eglise, peuvent sanctionner, et en quelque sorte consacrer, un attrait spirituel dans l’âme de la personne appelée ; mais cela n’est pas obligé. L’existence de cet attrait n’est pas indispensable.
L’histoire de l’Eglise nous le montre par maints exemples : un homme qui n’avait pas songé au sacerdoce et qui n’éprouvait pas d’inclination particulière à devenir prêtre, peut très bien être appelé par l’Eglise à le devenir. Indépendamment du « ressenti » du sujet, la vocation est certaine à partir du moment où les responsables ecclésiastiques – qui ont grâce d’état pour cela et qui agissent pleinement selon ces grâces d’état – l’appellent officiellement, en conformité avec les règles canoniques et dans les cadres prévus par l’Eglise.
Que l’on se souvienne par exemple de la vocation de Saint Ambroise, lui qui lorsqu’il fut officiellement appelé par l’Eglise n’était même pas baptisé, et qui n’avait aucun attrait pour le sacerdoce. C’est au point que, pour tenter de dissuader ceux qui au nom de l’Eglise l’appelaient aux Saints Ordres (et qui donc lui « donnaient la vocation »), il fit même entrer des prostituées dans sa maison : force lui fut faite néanmoins de se rendre à la grâce et d’accepter la vocation certaine, la vocation divine qu’il recevait de l’appel de l’Eglise bien qu’il n’y eût même pas songé auparavant !
à suivre > ici.
Vous pouvez laisser une réponse.
C’est d’une clarté éloquente, très compréhensive. Merci pour ces réflexions lucides sur la vocation.
La vocation « Nul ne se l’attribue » dites-vous avec raison.
Il y a peu, lors de notre entretien, j’ai perçu que la grâce (c’est le mot qui me vient d’emblée) est le DON offert à qui le mérite.
Cet aboutissement m’a beaucoup impressionné, vous devez comprendre que toute philosophie est inutile.
Très, très cordialement à vous.
Jean
Voilà un article qui remédie au subjectivisme, ce que vous dites de la vocation s’applique à la foi, la charité ne consiste pas en de multiples sensations mais en une volonté ferme d’accomplir la volonté divine comme vous le démontrez si bien.Ce commentaire a pour but de vous supplier de m’abonner à votre blog, j’ai déjà tenté de le faire via la plate -forme mais vainement, pourriez-vous m’abonner s’il vous plaît? Vos publications me passionnent!