2020-82. Du feu de la Saint-Jean, et des hymnes de la Nativité de Saint Jean-Baptiste traduits et mis en vers français par Pierre Corneille.
23 juin,
Vigile de la Nativité de Saint Jean-Baptiste.
Selon la tradition, au soir du 23 juin, au moment où la nuit commence à tomber, le clergé sort de l’église en procession et s’avance jusqu’au bûcher qu’on a préparé pour le feu de la Saint-Jean : le rituel romain conserve la bénédiction particulière que la Sainte Eglise accorde à ce grand feu de joie, qu’on allume en chantant la fameuse hymne « Ut queant laxis » des vêpres de cette fête.
Dans l’ancienne France, à Paris, outre les feux des paroisses et des quartiers, un grand bûcher était dressé devant l’église Saint-Jean en Grève (située entre l’hôtel de ville et l’église des Saints Gervais et Protais, elle a été démolie entre 1797 et 1800) et c’était généralement le Roi lui-même, lorsqu’il résidait au Louvre, qui venait l’allumer.
Dans les provinces, c’était souvent le seigneur du lieu auquel, après la bénédiction, revenait l’honneur de porter la flamme au bûcher dressé devant l’église du village.
Je me suis promis, tant que je vivrais et que j’en aurais la possibilité matérielle, d’allumer un feu chaque année au soir du 23 juin au moment où les ténèbres s’étendent sur la terre, en suivant le rituel multiséculaire, en application de la phrase du Saint Evangile : « Jean était la lampe ardente et luisante, et un moment vous avez voulu vous réjouir à sa lumière » (Jean V, 35), même si je suis tout seul et que je n’édifie pas un grand bûcher qui brûlera toute la nuit.
C’était le cas hier soir : en raison de la sécheresse et du vent, afin de prévenir tout risque d’incendie, j’ai préparé mon mini feu de la Saint-Jean dans une cuvette métallique, à quelques coudées de la porte de l’oratoire.
A votre intention (et pour le plaisir de mes propres yeux aussi), j’ai pris de nombreuses photos du ballet des flammes qui, comme Saint Jean-Baptiste, n’étaient « pas la Lumière mais (étaient là) pour rendre témoignage à la Lumière (…) : la vraie Lumière qui illumine tout homme venant en ce monde » (cf. Jean I, 8-9).
Voici quelques uns de ces clichés, entre lesquels j’intercale la magnifique traduction versifiée des hymnes liturgiques de cette fête réalisée par Pierre Corneille (1606-1684).
Hymne des vêpres :
Redonne l’innocence à nos lèvres coupables,
Et nous inspire des ardeurs,
Digne et saint Précurseur, qui nous rendent capables
De chanter tes grandeurs.
Un ange tout exprès envoyé vers ton père,
Du ciel en ta faveur ouvert,
lui prescrivit ton nom, prédit ton ministère,
Et ta vie au désert.
Lui, qui n’osa donner une entière croyance
Aux promesses du roi des rois,
En demeura muet jusques à ta naissance,
Qui lui rendit la voix.
Prisonnier dans un flanc, tu reconnus ton maître
Enfermé dans un autre flanc,
Et le fis, tout caché, hautement reconnaître
Aux auteurs de ton sang.
Gloire soit à jamais au Père inconcevable !
Gloire au Verbe-Chair en tout lieu !
Gloire à leur Esprit Saint, ainsi qu’eux ineffable,
Avec eux un seul Dieu !
Hymne des matines :
Tu portes au désert tes plus tendres années,
Et tu fuis tout commerce humain,
Tant tu trembles de voir tes vertus profanées
Par le moindre mot dit en vain.
Ceint d’un cuir de brebis, ton corps pour couverture
Prend un rude poil de chameau,
La langouste et le miel pour toute nourriture,
Et pour tout breuvage un peu d’eau.
Vous n’avez que prévu, que prédit le Messie,
Prophètes, en termes couverts :
Lui seul montre du doigt la figure éclaircie
Dans le Sauveur de l’univers.
Aussi d’aucune femme on n’a jamais vu naître
De mérites plus achevés ;
Et le ciel le choisit pour baptiser son Maître,
Et laver qui nous a lavés.
Gloire soit à jamais au Père inconcevable !
Gloire au Verbe-Chair en tout lieu !
Gloire à leur Esprit Saint, ainsi qu’eux ineffable,
Qui n’est avec eux qu’un seul Dieu !
Hymne des laudes :
Ô trop et trop heureux, toi qui vécus sans tache !
Que ton haut mérite surprend,
Martyr, qu’à ton désert ton innocence attache,
Toi, des prophètes le plus grand !
Les uns de trente fleurs parent une couronne
Qui les empêche de vieillir ;
D’autres en ont le double, et la tienne te donne
Jusqu’à cent fruits à recueillir.
Amollis donc, grand saint, de nos cœurs indociles
La dureté par tes vertus ;
Aplanis les sentiers âpres et difficiles,
Redresse les chemins tortus.
Purge si bien nos cœurs de toute indigne envie,
Que l’Auteur, le Sauveur de tous,
Quand Il voudra jeter les yeux sur notre vie,
Aime à descendre et vivre en nous.
Ô grand Dieu, qui n’entends au ciel que des louanges
A la gloire de Ton saint Nom,
Si nous joignons d’ici nos voix aux voix des anges,
C’est pour Te demander pardon.
Autres textes en rapport avec la fête de la Nativité de Saint Jean-Baptiste :
- Un commentaire du Maître-Chat Lully > ici
– Homélie de Saint Augustin : « La Voix apparaît la première et bientôt le Verbe suivra » > ici
– Homélie de Saint Augustin : « La Voix et la Parole » > ici

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Merci pour ce bel hymne traduit. C’est beau !
Quelle belle Fête autrefois dans nos village que celle du feu de la Saint Jean .
Merci de nous avoir partagé ce feu de la Saint-Jean, devenu aujourd’hui une fête des comités d’animation dans les villages pour réjouir la population.
Hum, que voila une étude profonde à bien mener, pour nous rappeler symboliques et cycles de la nature !
En lisant Maitre Chat, j’ai eu juste une « léchouille » d’une réalité qui m’a alléchée !
Un si bref aperçu, ….que j’en demande encore !
Que notre religion est belle, et bonne !
De beaux clichés de feu.
Bonne fête de la Saint Jean, frère Maximilien-Marie !