2020-12. Où, à l’occasion de la fête de Saint Antoine le Grand, nous sommes invités à découvrir le monastère implanté au lieu où vécut le « Père de tous les moines ».
17 janvier,
Fête de Saint Antoine le Grand (cf. > ici, > ici et > ici) ;
Mémoire de Saint Théodose 1er le Grand, empereur (cf. > ici) ;
Mémoire de Sainte Roseline de Villeneuve, vierge (cf. > ici) ;
Anniversaire de l’apparition de Notre-Dame à Pontmain (cf. > ici et > ici).
Saint Antoine le Grand (à gauche) et Saint Paul ermite (à droite)
Détail d’une icône copte de 1777 (musée copte du Caire)
Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,
Si, fréquentant ce blogue depuis un certain temps, vous ne vous êtes pas encore rendus compte que, au Mesnil-Marie, nous avons une immense vénération et un amour très fort pour Saint Antoine le Grand, « père de tous les moines d’Orient et d’Occident », j’en conclurai que vous ne savez peut-être pas lire !!!
Je vous ai entretenus (cf. > ici) de Saint Paul, premier ermite, dont nous célébrons la fête le 15 janvier. Deux jours après, c’est la fête de Saint Antoine le Grand.
Après vous avoir « emmenés » l’année dernière à l’abbatiale de Saint-Antoine en Dauphiné (cf. > ici) où sont conservées les reliques du « Père des moines », j’ai le plaisir de vous faire voyager aujourd’hui jusqu’en Egypte, jusqu’au Monastère Saint-Antoine, construit dès après la mort du Saint à proximité de son ermitage.
Ce « voyage » est possible grâce à Benjamin Blanchard, cofondateur et directeur général de SOS Chrétiens d’Orient, dont l’amitié nous a valu les magnifiques clichés qui vont suivre, et grâce à Jérôme Cochet, chef de mission en Egypte pour cette association (que nous recommandons chaleureusement), rédacteur du texte que nous publions ci-dessous : qu’ils soient l’un et l’autre très vivement remerciés !
Ainsi que vous le verrez en lisant cette présentation du Monastère Saint-Antoine, ce lieu historique de la première communauté de moines, qui a fait l’objet de huit années de restauration (2002-2010), est aussi le lieu d’un intense renouveau spirituel. Ce nous est une grande joie que de l’apprendre.
Dieu est admirable en tous Ses saints. Mais Il l’est d’une manière très spéciale en Saint Antoine le Grand dont la postérité spirituelle ne se dément pas depuis plus de seize siècles et demi !
Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur
Monastère de Saint-Antoine le Grand,
le phénix originel du monachisme chrétien.
A trois heures de route du Caire, la capitale-mégalopole de l’Egypte avec ses 23 millions d’habitants, le silence demeure roi en plein désert de la Mer Rouge.
Entre la ville tentaculaire et les plages bariolées d’hôtels et de résidences de villégiatures, se dresse à flanc de montagne un éden de murailles, de jardins, de clochers et d’églises millénaires. L’immensité aride du désert joue bien sûr sur l’isolement du lieu, mais plus encore les prières continuelles et mystiques ont rendu le Monastère de Saint-Antoine le Grand, un lieu incontournable pour toute la chrétienté !
Ici, dans le père de tous les monastères du monde chrétien, la quiétude et la beauté du lieu sont saisissantes dans une terre pourtant si inhospitalière : le thermomètre indique cinquante degrés à l’ombre l’été et peut descendre en dessous du 0 en hiver ; aucune végétation ne pousse hormis dans l’enceinte du monastère dans le potager et dans les jardins des moines.
C’est toutefois ici qu’Antoine le Grand, également connu comme Antoine l’Ermite ou Antoine d’Égypte s’isola au début du IVème siècle et devint le premier ermite, ou plutôt le second après Paul de Thèbes, un autre copte (voir la note en bas de page) de Haute-Egypte qui partit hors du monde pour contempler, comprendre, prier et adorer Dieu.
Si Antoine est vu comme le premier ermite moine dans la tradition chrétienne, c’est parce qu’à la mort de Paul, Antoine sur les conseils de ce dernier, commença à organiser la vie des premiers ermites qui étaient venus le rejoindre. Par ses conseils oraux, ses prières et surtout ses écrits sur des parchemins et des papyrus, il développa sans le savoir les premières règles du monachisme chrétien.
Ainsi et de manière chronologique, le monachisme s’est donc tout d’abord développé en Egypte dès le début du IVème siècle sous la forme érémitique avec saint Paul de Thèbes (234-347), la forme anachorétique avec saint Antoine le Grand (251-356) et la forme cénobitique avec saint Pacôme (276-439), disciple de saint Antoine le Grand et qui, le premier, institua la règle monastique laquelle, traduite par saint Jérôme, servit de base à saint Benoît pour les premières fondations monastiques en Europe. Rappelons aussi que c’est saint Athanase d’Alexandrie qui importa le premier le monachisme au sein de la ville de Rome ou encore que les premiers monastères d’Irlande furent fondés par sept moines venus d’Egypte…
L’âge d’or du monastère Saint-Antoine se situe entre 1230 et 1300, car c’est durant ce laps de temps que l’on y copie ou compose le plus de manuscrits en copte, grec, syriaque et arabe et que l’on consigne et retranscrit fidèlement les paroles et les papyrus anciens laissés par saint Antoine, saint Pacôme, saint Athanase ou encore saint Evagre.
En parallèle du cheminement monastique, l’Egypte, pays des pharaons subit la conquête arabo-musulmane dès le VIIème siècle. Relativement épargné, le monastère résiste à plusieurs attaques sporadiques de bandes armées mais connaît une période de déclin puis d’abandon total entre le XIVème et le XVIème siècles, suite aux pillages successifs puis aux massacres sans pitié des moines et à l’occupation des lieux par les troupes islamiques.
De nos jours, ce sont 120 moines et quelques 30 novices qui continuent de vivre selon l’exemple de saint Antoine. Accueillant pèlerins et visiteurs, ils travaillent à faire de ce lieu un havre de paix et de prières verdoyant et cela malgré toutes les périodes de déclin et de massacres.
Si nous faisons un petit retour en arrière, nous pouvons constater que le renouveau actuel prend racine au cours du XXème siècle : la communauté copte s’est peu à peu investie dans la vie politique du pays. En effet, en s’engageant de manière précoce dans l’indépendance de l’Egypte, les chrétiens d’Egypte ont pu obtenir une reconnaissance sociale et politique, tandis que dans le même temps, d’autres ont préféré participer à un renouveau spirituel global. Complété par la découverte de l’histoire copte en Europe et grâce à l’intérêt porté par l’archéologie égyptienne, les coptes ont entamé dès les années 20-30 leur renaissance identitaire. Cependant, la communauté copte n’a jamais été pleinement reconnue en Egypte : elle fait l’objet de discriminations et d’attaques régulières et, même si certains de ses membres ont acquis une relative célébrité, elle demeure peu représentée politiquement.
Dans les années 50-60, qui marquent l’apogée du renouveau spirituel pour la religion copte, une renaissance globale s’effectue sous les patriarcats des papes saint Cyril VI puis Chenouda III ; cela a une influence sur la vie quotidienne des coptes mais aussi sur l’art et l’architecture ecclésiastiques : la période est marquée par un retour aux origines.
En 1968, la Vierge Marie apparait au Caire pour plusieurs jours dans le quartier populaire de Zeitoun. Les apparitions sont reconnues par l’Eglise copte et l’Eglise catholique mais aussi par les musulmans d’Egypte… elles seront le point d’orgue de la renaissance copte. Les monastères du désert sont à nouveau habités et de nombreux coptes se font moines et prêtres. Ainsi, tandis qu’une partie de la communauté copte s’implique dans la vie publique du pays, une autre rejoint les anciens monastères et mène une vie ascétique dans le désert. Rappelons en effet que pour la majorité des coptes, la vie monacale est considérée comme moralement et spirituellement supérieure à toute autre vie. Mais ce mode de vie n’est pas le seul effet du renouveau religieux : les coptes redécouvrent d’anciennes traditions chrétiennes : le culte des saints antiques est renforcé par la découverte de reliques (en mai 1968, notamment, une partie des reliques de saint Marc sont rendues par l’Eglise romaine et de Venise sont déposées dans la crypte de la nouvelle cathédrale Saint-Marc d’Abbassiya au Caire), les monastères sont rénovés, embellis et agrandis pour accueillir les nouveaux moines, des cours de langue copte, d’iconographie et d’études bibliques sont crées par centaines à travers le pays pour former cette nouvelle génération de consacrés et de laïcs coptes…
Bénéficiant de ce renouveau et de cette renaissance, le monastère Saint-Antoine va dès les premiers temps attirer de nombreux nouveaux moines. De 10 moines dans les années 50, on en dénombre le double une décennie plus tard et donc plus de 120 de nos jours.
L’explosion des vocations sacerdotales et monastiques remplit séminaires et monastères et dure à présent sur trois générations. Les monastères quasi abandonnés où végétaient cinq à six moines il y a un demi-siècle en comptent maintenant en moyenne cent, cent cinquante ou même trois cents pour les plus imposants.
Partout, on agrandit avec de nouvelles ailes de cellules, de nouvelles églises et chapelles ou encore de nouveaux lieux d’accueils pour les pèlerins et autres personnes de passage. On relève des monastères en ruines depuis des siècles. Dans une Eglise où la hiérarchie épiscopale se compose uniquement de moines, il était vital et primordial d’assister à ce renouveau identitaire et spirituel, et sous l’impulsion donnée par le pape Chenouda III, les efforts soutenus quant à la formation des nouveaux moines portent désormais leurs fruits, l’Egypte, terres sacrée du christianisme et de l’humanité est toujours bénie, prête à accueillir de nouvelles vocations et de nouveaux prêtres.
Jérôme Cochet,
chef de mission en Egypte de SOS Chrétiens d’Orient
Jérôme Cochet, rédacteur de cet article (au second rang le 3ème en partant de la droite), chef de mission en Egypte, avec des jeunes bénévoles de SOS Chrétiens d’Orient
Note :
Le mot « copte » tire son origine de l’arabe « qibt », un mot lui-même issu d’une forme abrégée et altérée du grec « Aïgyptios » qui signifie « égyptien ». Les Coptes sont donc appelés « les Egyptiens ». Cette particularité linguistique s’est opérée lors du passage de l’Egypte sous la domination arabe en 641 : les Arabes se servaient de ce mot pour se distinguer, dans leur langue, des autochtones nouvellement conquis.
Toutefois, les envahisseurs Arabes étant de confession musulmane et les Coptes chrétiens, le mot « copte » a fini par désigner les Chrétiens égyptiens. D’un sens ethnique, le mot « copte » est donc progressivement passé à un sens religieux.
Par extension, le terme a été appliqué à tout ce qui ressortait de la vie religieuse des chrétiens d’Egypte. Aujourd’hui, même s’il est difficile d’avoir des statistiques fiables, on peut estimer que les Coptes représentent à peu près 15 à 20 % de la population égyptienne qui compte en 2019 plus de 100 millions d’habitants.
Vous pouvez laisser une réponse.
Magnifique article. Un très grand merci. Notre Monastère Syro-Orthodoxe de la Bienheureuse Vierge Marie Mère de Miséricorde a bénéficié de ce renouveau de l’iconographie Copte puisque toutes les fresques et la majorité des icônes ont été réalisées par Armia Etachka, chef d’atelier du Patriarcat Copte Orthodoxe d’Alexandrie.
Avec l’amour de Saint Augustin, je découvre que l’amour de Saint Antoine « père » de toutes les formes de vie Monastique nous unit. « Un seul coeur et une seule âme tendus vers Dieu »
J’en rends grâces à Dieu.
Votre serviteur et frère en Christ.
+ Métropolite Mor Philipose
Je partage l’admiration pour cette Eglise Copte, la beauté de cette région où se trouve ce monastère.
Belle région, belle architecture… Que les coptes puissent vivre en paix !
Magnifique récit (de la part d’une copte).
Soutien à SOS Chrétiens d’Orient, merci pour ce que vous faites. Dieu vous garde.
Merci pour ce beau récit.
Bonne fin de semaine Frère Maximilien-Marie
Votre coup de projecteur sur les coptes a été apprécié.
Prions pour la pérennité de cette réimplantation.
Merci pour ce brillant exposé.
Lire votre blog m’a beaucoup appris car votre narration est limpide et agréable.
Encore grand merci.