2016-35. Du saint abbé Blachère, curé de Saint-Andéol de Fourchades.

- 6 mai -

Anniversaire du rappel à Dieu
de
l’abbé Noël-André Blachère

(6 mai 1741)

Saint-Andéol de Fourchades

Saint-Andéol de Fourchades :
l’église et les quelques maisons qui l’entourent dans le grandiose panorama des sucs volcaniques des hautes Boutières.

       A trois lieues à peine de notre Mesnil-Marie se trouve l’église de Saint-Andéol de Fourchades et je ne peux laisser s’achever cette journée du 6 mai sans vous y emmener faire un tour.

   Très ancienne paroisse des hautes Boutières, jadis très étendue (elle a été scindée en deux paroisses au milieu du XIXe siècle, puis en deux communes en 1904), dont la population dépassa 1100 habitants à la fin du XIXe siècle, Saint-Andéol de Fourchades est aujourd’hui un tout petit village qui compte à peine 60 habitants.
Le « chef-lieu », où se trouvent la mairie et l’église, compte moins de dix maisons (la population se trouve en effet répartie dans de nombreux hameaux) et la plupart d’entre elles sont des constructions du XIXe siècle.
Avant la révolution, il n’existait sans doute pas plus de trois maisons autour de l’église.

   Saint-Andéol de Fourchades fut une très ancienne seigneurie – antérieure à l’an mil – dont la juridiction s’étendait bien au-delà des limites actuelles de la commune.

St-Andéol de Fourchades au milieu du XXe siècle

Saint-Andéol de Fourchades : le « chef-lieu » au milieu du XXe siècle

   L’église actuelle, dont les murs sont encore en grande partie du XVe siècle, a été pratiquement reconstruite au XIXe siècle.
Au milieu du XXe siècle, elle est restée fermée une quinzaine d’années car les voûtes menaçaient de s’effondrer, et ce ne fut pas une petite victoire de la municipalité et du comité paroissial d’alors de réunir les sommes nécessaires et de s’employer aux travaux indispensables pour la consolider afin d’en permettre la réouverture.
Malheureusement les aménagements intérieurs « post-conciliaires » n’ont pas laissé subsister grand’chose de ce qui faisait le charme des petites églises de nos villages, si bien que lorsqu’on en franchit le seuil aujourd’hui on est frappé par son absolu manque de caractère et d’harmonie…

   Mais l’on ne vient pas à Saint-Andéol de Fourchades pour l’esthétique intérieure de son église : au-delà des très regrettables misères que les hommes sont capables d’infliger aux lieux, il y a des éléments invisibles sur lesquels ils n’ont heureusement pas de prise.
En l’occurrence, ce qui attire les âmes à Saint-Andéol de Fourchades c’est, malgré la mort et malgré les siècles qui passent, la sainteté d’un prêtre qui est resté ici comme vicaire puis curé pendant quelque quarante-six ans, depuis 1695 jusqu’à sa mort en 1741.
C’était un temps où les évêques n’avaient pas encore adopté la ridicule manie de changer leurs curés de paroisse tous les 6 ans…

   Ce saint prêtre – « saint Blachère » comme l’appellent encore de nombreuses personnes – est l’abbé Noël-André Blachère : né le jour de Noël 25 décembre 1663, au hameau de Laval, paroisse de Sanilhac, près de Largentière, dans les Cévennes vivaroises.
Il était issu d’une honnête et pieuse famille paysanne.

   Sa vie ne nous est connue que de manière fragmentaire par les traditions consignées dans un opuscule, publié en 1877, réédité en 1997.
La plupart des documents le concernant ont malheureusement disparu, soit au moment de la révolution, soit dans deux incendies successifs qui ont ravagé le presbytère de Saint-Andéol de Fourchades à la fin du XIXe siècle.

Eglise de St-Andéol de F. photo ancienne

Saint-Andéol de Fourchades : photo de l’église avec le presbytère sur sa droite (milieu du XXe siècle).

   Attiré par le sacerdoce dès avant son adolescence, Noël-André Blachère, dont les parents soutinrent la vocation, fut élève au collège des jésuites d’Aubenas.
Il fut ensuite admis au séminaire de Viviers (un des premiers en France à avoir été confié aux prêtres de Saint-Sulpice) et élevé à la grâce insigne du sacerdoce par Monseigneur Louis-François de la Baume de Suze (1602-1690), le grand évêque de Viviers au XVIIe siècle, protagoniste d’un magnifique renouveau spirituel de ce diocèse pendant ses soixante-et-onze ans d’épiscopat ; il est – rappelons-le – l’évêque qui missionna Saint Jean-François Régis

   Après quelques années de vicariat à Baix, village vivarois de la vallée du Rhône, l’abbé Blachère fut nommé curé de Juvinas – paroisse de moyenne montagne au nord de Vals-les-Bains – , puis, à l’âge de 32 ans, envoyé comme curé à Saint-Andéol-de-Fourchades, poste qu’il occupa jusqu’à la fin de ses jours.

   A la vérité, lorsque l’abbé Blachère arriva à Saint-Andéol de Fourchades, il y avait déjà un curé-prieur dans cette paroisse qui devait compter alors quelque 500 âmes : l’abbé de Tautilhac ; mais ce prêtre était âgé et infirme.
L’abbé Noël Blachère lui servit de vicaire « avec droit de succession » pendant quelques mois, avant que le prieur ne se retire dans le manoir familial, à une lieue et demi de là, sur la paroisse de Saint-Martial.

   Monsieur Blachère – c’est ainsi que l’on nommait les prêtres au grand siècle – pendant le temps de son ministère, fut un curé exemplaire dans l’accomplissement de tous ses devoirs : il fit arranger l’église et la dota de trois autels de bois avec des retables dans le goût de l’époque ; il pourvut la sacristie d’ornements convenables, et s’appliqua à rendre les cérémonies du culte les plus belles possibles et les plus exactement conformes aux prescriptions reçues du saint concile de Trente dont Monseigneur de la Baume de Suze avait introduit la discipline dans le diocèse de Viviers ; il forma des chantres et des servants d’autel ; il s’appliqua à instruire tous les fidèles dans la vérité catholique nécessaire à leur salut ; il les forma à la prière et à la pratique des vertus chrétiennes, et pour cela il promut la confession et la communion fréquentes ; il s’appliqua fidèlement à la visite des pauvres et des malades, ainsi qu’au soulagement des nécessiteux ; il développa la confrérie des pénitents et tout ce qui pouvait concourir à la ferveur et à la pratique de la charité…

   En toutes ces choses, l’abbé Blachère prêcha d’exemple et édifia sa paroisse, tant par son caractère que par ses vertus ; il ne ménagea pas sa peine et transforma sa paroisse, qui devint un modèle de ferveur et de régularité chrétienne.

St-Andéol de F. Croix de l'ancien cimetière

Saint-Andéol de Fourchades : croix qui se dressait jadis au centre du cimetière jouxtant l’église.

   Plein de miséricorde et de charité pastorale, doux et patient avec les autres, l’abbé Blachère était dur avec lui-même : il menait une vie pénitente et mortifiée.
Autant veillait-il avec un soin scrupuleux sur tout ce qui touchait au culte et à la gloire de Dieu, autant négligeait-il tout ce qui touchait à sa personne : sa nourriture était frugale, son vêtement était pauvre, et toute espèce de luxe était bannie de son presbytère, à tel point que son évêque se mit un jour en devoir de lui intimer l’ordre de prendre un plus grand soin de lui-même et de son intérieur !

   Les hautes vertus et l’exemplarité de Monsieur Blachère ne manquèrent pas de susciter des jalousies et quelques acrimonies sacerdotales chez ses confrères moins édifiants : il eut à souffrir de certains de leurs procédés peu évangéliques.

   Surtout, sa sainteté éclata à travers des dons de thaumaturge : sans doute, sa connaissance des plantes et de leurs vertus médicinales l’aida-t-elle à soigner certaines affections, mais beaucoup de guérisons qu’il opéra de son vivant ne se peuvent expliquer naturellement.
Ajoutons à cela une connaissance de certaines choses cachées qu’il ne put apprendre que par une révélation céleste.

   La tradition locale nous rapporte que la Très Sainte Vierge Marie, à laquelle il vouait évidemment une très profonde dévotion, se manifesta à lui à plusieurs reprises, et que c’est d’elle qu’il reçut les indications pour découvrir une source dans la cave du presbytère qu’il avait fait reconstruire.
Depuis presque trois siècles, l’eau de cette source a été maintes et maintes fois l’instrument de guérisons inexplicables…

   A deux cents toises environ de l’église de Saint-Andéol, au pied d’un bloc d’orgues basaltiques, un minuscule oratoire dédié à la Très Sainte Vierge perpétue le souvenir du lieu où l’abbé Blachère aimait à se retirer dans la contemplation et l’oraison, et où la Sainte Mère de Dieu l’aurait comblé de ses grâces.

St Andéol de F. oratoire de l'abbé Blachère

Saint-Andéol de Fourchades : l’oratoire du saint abbé Blachère, lieu d’une intensité spirituelle palpable.

   Monsieur Blachère s’éteignit dans sa paroisse de Saint-Andéol de Fourchades le 6 mai 1741 dans sa soixante-dix-huitième année.

   Au début de cette année 1741, en considération du fait qu’il avait mal aux jambes, l’évêque de Viviers lui avait adjoint un vicaire, Monsieur Riffard : c’était un enfant de la paroisse, qu’il avait catéchisé et instruit, et dont la vocation était redevable des exemples de son saint curé.
Le mercredi qui suivit le troisième dimanche après Pâques, 26 avril 1741, Monsieur Blachère dut s’aliter : il fut pris de vomissements et s’affaiblit rapidement, puisqu’il ne pouvait garder aucune nourriture.
Ce qui lui fut le plus douloureux sans doute fut de ne pouvoir, en raison de ses nausées, recevoir la sainte communion en viatique, lui qui avait été si fidèle à la célébration de la Sainte Messe et si dévot envers le Saint Sacrement.

Il demanda à se confesser et à recevoir l’extrême-onction, et finalement, ce samedi 6 mai 1741 - redisons-le : le samedi est le jour dédié à la Vierge Marie dans la piété catholique – , vers les sept heures du soir, il rendit sa belle âme à Dieu.

   Ses funérailles furent célébrées le lundi 8 mai parmi un grand concours de peuple et il fut inhumé dans l’église.
A partir de ce moment, sa tombe devint un lieu de pèlerinage : les gens des alentours – mais parfois aussi de loin – vinrent de manière régulière dans l’église de Saint-Andéol de Fourchades pour se confier à son intercession… et ils revinrent pour remercier puisque des grâces spirituelles et des guérisons advenaient en réponse à leurs prières.
Tout au long des XVIIIe et XIXe siècles, le récit de toutes ces grâces fut consigné dans des cahiers conservés au presbytère. En 1877 on estimait que cela représentait un volume d’environ 600 pages. Malheureusement, comme nous l’avons dit plus haut, ces documents ont disparu dans l’incendie du presbytère à la fin du XIXe siècle.

   Le 27 septembre 1874, S. Exc. Mgr. Louis Delcusy, évêque de Viviers, manda son grand vicaire pour procéder, en présence du clergé local, à l’ouverture de la tombe de l’abbé Blachère et à la reconnaissance de ses restes. Un procès-verbal fut dressé.

   En 1881, l’incendie du presbytère, qui se communiqua en partie à l’église, n’endommagea pas les restes de l’abbé Blachère qui, après les réparations, furent placés dans un caveau spécial, aménagé au pied  de la marche du sanctuaire, du côté de l’épître.
Lors des travaux de restauration du XXe siècle, une nouvelle pierre tombale a été placée au-dessus du caveau du saint prêtre.

St-Andéol de F. tombe de l'abbé Blachère

Saint-Andéol de Fourchades : actuelle pierre tombale de l’abbé Noël Blachère dans l’église.

   Malgré la déchristianisation galopante de nos contrées, encore si ferventes il y a seulement six décennies, la mémoire de l’abbé Blachère se perpétue et, même ténu, le mouvement de piété et de confiance qui porte des âmes à venir se recommander à son intercession n’a pas disparu.

   La dévotion envers le saint curé de Saint-Andéol de Fourchades et les prières faites sur sa tombe vont de pair avec le recours priant aux bienfaits de la source miraculeuse qu’il avait fait sourdre.

   Les analyses pratiquées sur cette eau ont montré qu’il s’agit d’une eau très pure qui ne possède pas de propriétés chimiques particulières mais, par ailleurs, plusieurs géobiologistes consultés ont pu attester de son intensité énergétique.
Hélas, trois fois hélas ! une pollution des terres environnantes a entraîné la pollution de cette source miraculeuse, dont l’accès a été condamné, il y a 4 ans, par décision conjointe des autorités municipales et religieuses, comme le montrent deux avis placardés sur la porte cadenassée qui permettait naguère d’accéder à la cave du presbytère depuis l’église de Saint-Andéol de Fourchades
Plusieurs démarches ont été entreprises de divers côtés afin que ce problème de pollution soit résolu et pour que la source puisse être rendue à la dévotion des fidèles, mais elles sont restées infructueuses jusqu’à ce jour.
Aussi ne pouvons-nous que supplier le saint abbé Blachère d’intercéder puissamment pour que cesse ce déplorable état de fait, et pour que nous puissions à nouveau bénéficier des vertus surnaturelles de cette source que la divine Providence a voulu en ce lieu pour le soulagement des malades et la consolation des âmes affligées.

Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur

L'oratoire de l'abbé Blachère

Saint-Andéol de Fourchades : l’oratoire du saint abbé Blachère
un lieu extraordinaire où l’on a l’impression que le Ciel et la terre se rejoignent
et dont on ne s’arrache jamais qu’avec peine…

Vous pouvez laisser une réponse.

16 Commentaires Commenter.

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  1. le 21 mai 2024 à 6 h 11 min Thizy écrit:

    Dommage pour la source !
    En espérant un retour à la normale.

  2. le 5 mai 2024 à 22 h 07 min Goës écrit:

    Source polluée, âmes polluées, triste époque que la nôtre. Mais il nous reste le souvenir d’un saint abbé.

  3. le 12 mai 2023 à 5 h 46 min Abbé Jean-Louis D. écrit:

    Vie sacerdotale édifiante pour les prêtres.
    Priez pour eux, Père Blachère, qui sont dans la tourmente de ce temps!

  4. le 6 décembre 2022 à 14 h 00 min Sand48 écrit:

    Très bonne lecture.
    Restez en paix saint abbé Blachère, et donnez-nous la miséricorde en ces temps difficiles.

  5. le 7 mai 2022 à 20 h 49 min Goes écrit:

    Une belle histoire.

  6. le 7 mai 2022 à 17 h 03 min Thizy écrit:

    Bonjour ;
    avant la révolution, il y avait de l’animation dans les villages, une certaine idée de la vie.
    Aujourd hui, c’est le désert.
    Cordialement.

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