2015-97. De la ruineuse pseudo pastorale des pasteurs félons.
Dimanche dans l’octave du Sacré-Cœur,
3ème après la Pentecôte :
dimanche de la brebis égarée et de la drachme perdue.
Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,
Dans l’exact prolongement du texte de Monsieur l’abbé Bryan Houghton que j’avais livré à votre réflexion > ici, je voudrais aujourd’hui porter à votre connaissance et méditation un autre texte, antérieur de trente ans à celui de « Prêtre rejeté » : un texte extrait cette fois d’un opuscule dont la première publication, en italien, date de 1970 (la première traduction française paraîtra deux ans plus tard – en 1972, aux éditions du Cèdre).
L’ouvrage dont il est tiré s’intitule « Il Quinto Evangelo » et a été traduit en français sous le titre « Un nouvel Evangile ».
Frère Maximilien-Marie l’eut entre les mains dès le début de sa formation religieuse, au tout début des années 80 du précédent siècle, et très régulièrement, avec le sourire satisfait d’un gourmet comblé par la qualité et la finesse du met qu’il déguste, il en savoure quelque extrait. Car le livre est véritablement savoureux.
Son auteur est Don Giacomo Biffi, qui était alors curé dans l’archidiocèse de Milan.
Né en 1928, ordonné prêtre en 1950, professeur de théologie, curé, évêque auxiliaire de Milan en 1976, archevêque de Bologne de 1984 à 2003, il fut honoré de la pourpre cardinalice dès 1985.
Monsieur le cardinal Biffi s’est distingué à plusieurs reprises par quelques courageuses interventions, à contre-courant des modes ecclésiastiques et sociétales. En 2007, Monsieur le cardinal Biffi a publié une nouvelle édition, mise à jour, de son « Quinto Evangelo », preuve que cet ouvrage – publié dans les immédiates années post-conciliaires – lui tenait à coeur et lui semblait n’avoir rien perdu de son actualité… Malheureusement !
Son Eminence a été rappelée à Dieu le 15 juillet de cette année 2015, dans sa quatre-vingt-huitième année, elle aurait fêtée le soixante-cinquième anniversaire de son ordination sacerdotale le 23 décembre prochain.
Le « Cinquième Evangile » se compose d’une trentaine de fragments dont on nous dit qu’ils sont tirés de très antiques manuscrits retrouvés en Terre Sainte.
L’extraordinaire intérêt des dits fragments réside dans le fait qu’ils nous livrent les véritables paroles de Jésus, consignées par écrit avant que l’ « institution Eglise » ne les ait modifiées. Ces citations authentiques retrouvées viennent justifier les changements intervenus dans la liturgie, dans l’enseignement de la doctrine, dans la pastorale et dans la morale « depuis LE concile ».
On l’aura compris : Don Giacomo Biffi, dès le début de ces années de folie qui ont suivi le second concile du Vatican, avec une décapante lucidité, a manié l’arme d’une sagace goguenardise pour démontrer de quelle manière ces changements, relectures et remises en question orchestrées par le clergé progressiste étaient un détournement et une trahison des véritables Evangiles, un ébranlement de fond des bases les plus solides du Christianisme.
Quarante-cinq ans après sa première publication, alors que nombre de fidèles, de prêtres, et même d’évêques et de cardinaux, continuent – hélas ! – à semer la désolation et la ruine par leurs remises en question et leur infidélité à la sainte Tradition, la salutaire ironie déployée dans ce « Cinquième Evangile » est toujours précieuse pour nous faire réfléchir sur notre propre fidélité aux véritables Paroles de vie et de salut contenues dans les Saints Evangiles.
Lully.
Giacomo, cardinal Biffi (1928-2015), archevêque émérite de Bologne.
Note préliminaire :
Dans l’ouvrage de Don Giacomo Biffi, chacun des prétendus fragments « authentiques » du « véritable Evangile retrouvé » est d’abord présenté en caractère gras, avec en regard le texte de l’Evangile tel qu’il était reçu jusqu’ici, puis il fait l’objet d’un commentaire dans lequel les idées nouvelles se trouvent exposées, avec cette subtile ironie et cette désopilante sagacité qui, feignant d’adopter les arguments des démoliseurs de la foi, les dénonce ainsi d’une manière bien plus percutante qu’un long traité d’apologétique…
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Le Royaume des cieux est semblable à un berger qui avait cent brebis et qui, en ayant perdu quatre-vingt-dix-neuf, reproche à la dernière son manque d’initiative, la met à la porte et, ayant fermé sa bergerie, s’en va à l’auberge discuter de pastorale. |
Selon vous, si un homme possède cent brebis et en perd une, ne laissera-t-il pas les quatre-vingt-dix-neuf autres [en lieu sûr] sur la montagne pour aller à la recherche de la brebis égarée ? Et s’il parvient à la retrouver, il en a plus de joie que ne lui en donnent les quatre-vingt-dix-neuf qu’il n’a pas perdues. Matth. XVIII, 12-13 |
Commençons par applaudir les quatre-vingt-dix-neuf brebis perdues ; leur perte n’est pas une perte commune, c’est plutôt une forme de protestation contre la notion même de bergerie.
Cette image de bergerie évoque en effet l’idée d’enclos, de clôture, de ségrégation. Comment les autres pourront-ils s’unir au troupeau, si à un moment donné de leur cheminement ils se heurtent contre une barrière ?
Pour ne rien dire du fait que la vie de ghetto – à l’abri des périls mais aussi des émotions de l’aventure – finit par déformer la personnalité et par engendrer des complexes, d’infériorité ou de supériorité selon les tempéraments, dont il est bien difficile de guérir. Mieux vaut pour une brebis le risque du loup que la certitude de l’avilissement de la bergerie.
Il peut arriver que le berger ne soit pas suffisamment perspicace pour s’en rendre compte : en ce cas, il faut avoir le courage de lui forcer la main. L’exode de masse, mentionné par la parabole, est le moyen le plus efficace pour faire entendre raison à qui s’obstine à fermer les yeux. Une fois la bergerie démolie, tous pourront revenir ensemble, brebis, loups et autres animaux, et il y aura un seul troupeau sans un seul pasteur.
Mais dans la parabole le pasteur comprend ce qui se passe, de sorte qu’il voit d’un mauvais oeil la seule brebis qui soit restée.
Cet animal – à qui il convient pourtant, en toute objectivité, de reconnaître un certain non-conformisme – suffit à lui seul à gâcher l’aventure d’une époque nouvelle : tant qu’il sera là la bergerie demeurera, et tant que la bergerie demeurera les brebis en liberté éprouveront quelque inquiétude quant à la sagesse de leur évasion. Et cela n’est pas bon : même pour se faire dévorer il faut jouir d’une certaine tranquillité intérieure.
Donc, à la porte, brebis récalcitrante ! Force nous est de te contraindre à la liberté. Ne serait-ce que parce qu’à toi seule tu fais perdre son temps à ton gardien, tu le fatigues, et ainsi tu entraves le progrès de la culture. Ce ne sera que lorsque tu auras courageusement pris le chemin de la forêt que le berger pourra discuter avec ses collègues des moyens les plus adaptés de faire prospérer un élevage. Ce ne sera que lorsqu’il n’y aura plus de bergerie (et plus de brebis) que l’on pourra élaborer en toute rigueur scientifique – sans compromis avec les conditions concrètes et avec la survivance de conceptions dépassées – une vraie et parfaite théologie pastorale.
Giacomo Biffi, « Un Nouvel Evangile » (Il Quinto Evangelo), Editions du Cèdre – 1972
(fragment N° 20, pp. 69-71).
Armoiries du cardinal Giacomo Biffi,
avec sa devise : « Là où se trouve la foi, là est la liberté »
Vous pouvez laisser une réponse.
Un bon raisonnement que nous devrions suivre : oui ! mais en quittant ceux qui éloignent les brebis, et en revenant à la tradition !
Un bon raisonnement que nous devrions suivre .