2015-61. « Ils m’ont jeté vivant sous des murs funéraires… »
- 8 juin 1795 -
Anniversaire du rappel à Dieu
de
Sa Majesté le Roi Louis XVII
Ce 8 juin marque le très triste anniversaire de la mort, dans les épouvantables conditions que l’on sait, de « l’Enfant du Temple », Sa Majesté le Roi Louis XVII.
Foin des délires obsessionnels survivantistes ! Le petit Roi est bien mort dans l’horrible prison, âgé de dix ans deux mois et douze jours, et son règne – du sinistre 21 janvier 1793 à ce 8 juin 1795 – a été de deux ans quatre mois et dix-huits jours : un règne qui s’est tout entier écoulé entre les murs lugubres de ce donjon, dans les mauvais traitements, dans le broiement de ses plus chères aspirations, dans la déréliction, dans la maladie et l’agonie du coeur et de l’esprit avant de connaître, épuisé, l’agonie du corps.
Enfant martyr, la république qui a voulu pour lui un tel sort tombe sous le coup de la malédiction contenue dans les paroles du Christ : « Ce que vous avez fait à l’un de ces plus petits d’entre Mes frères, c’est à Moi que vous l’avez fait ! » (cf. Matth. XXV, 40 b).
Roi martyr, dont le sceptre, le manteau et la couronne ne furent ici-bas que de dérision et d’opprobre, comme ceux dont Jésus-Christ, Roi des rois, fut affublé par la soldatesque en Sa douloureuse Passion.
Sans doute, sans aucun doute, le sort atroce réservé à cet enfant-roi entrait-il surnaturellement dans un plan divin d’expiation et de rédemption qui échappe à toute logique humaine, et qui a mis en réserve pour la France – au jour où pénitente et dévouée : Gallia poenitens et devota, elle reviendra, par un même mouvement de conversion, à son Dieu et à sa vocation – des trésors de grâce.
Mais aujourd’hui, tout cela est enveloppé par le secret divin.
Pour l’heure, afin de marquer cet anniversaire, que nous célébrons avec des sentiments de foi et d’espérance, je veux vous livrer le poème intitulé « Louis XVII » que Victor Hugo a publié au livre premier de son recueil « Odes et ballades ».
On se souviendra de ce fait que si ce génie de la poésie française a malheureusement fini en républicain apostat (« je refuse la prière de toutes les Eglises »), il avait été à ses débuts un ardent légitimiste…
Ce long poème, qui met en scène l’entrée au paradis du petit Roi-martyr, contient plus d’un passage admirable et le regretté Révérend Père Jean Charles-Roux (cf. > ici) avait voulu qu’il conclut son très beau livre – que nous ne pouvons que chaleureusement recommander – intitulé : Louis XVII – la Mère et l’Enfant martyrs (ed. du Cerf – 2007).
Lully.
Voir aussi le tableau de William Hamilton
intitulé l’Apothéose de Louis XVII > ici.
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- I
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- En ce temps-là, du ciel les portes d’or s’ouvrirent ;
- Du Saint des Saints ému les feux se découvrirent ;
- Tous les cieux un moment brillèrent dévoilés ;
- Et les élus voyaient, lumineuses phalanges,
- Venir une jeune âme entre de jeunes anges
- Sous les portiques étoilés.
- C’était un bel enfant qui fuyait de la terre ;
- Son œil bleu du malheur portait le signe austère ;
- Ses blonds cheveux flottaient sur ses traits pâlissants ;
- Et les vierges du ciel, avec des chants de fête,
- Aux palmes du martyre unissaient sur sa tête
- La couronne des innocents.
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- II
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- On entendit des voix qui disaient dans la nue :
- - « Jeune ange, Dieu sourit à ta gloire ingénue ;
- Viens, rentre dans ses bras pour ne plus en sortir ;
- Et vous, qui du Très-Haut racontez les louanges,
- Séraphins, prophètes, archanges,
- Courbez-vous, c’est un roi ; chantez, c’est un martyr ! »
- - « Où donc ai-je régné ? demandait la jeune ombre.
- Je suis un prisonnier, je ne suis point un roi.
- Hier je m’endormis au fond d’une tour sombre.
- Où donc ai-je régné ? Seigneur, dites-le moi.
- Hélas ! mon père est mort d’une mort bien amère ;
- Ses bourreaux, ô mon Dieu, m’ont abreuvé de fiel ;
- Je suis un orphelin ; je viens chercher ma mère,
- Qu’en mes rêves j’ai vue au ciel. »
- Les anges répondaient : – « Ton Sauveur te réclame.
- Ton Dieu d’un monde impie a rappelé ton âme.
- Fuis la terre insensée où l’on brise la croix.
- Où jusque dans la mort descend le régicide,
- Où le meurtre, d’horreurs avide,
- Fouille dans les tombeaux pour y chercher des rois. »
- - « Quoi ! de ma lente vie ai-je achevé le reste ?
- Disait-il ; tous mes maux, les ai-je enfin soufferts ?
- Est-il vrai qu’un geôlier, de ce rêve céleste,
- Ne viendra pas demain m’éveiller dans mes fers ?
- Captif, de mes tourments cherchant la fin prochaine.
- J’ai prié : Dieu veut-il enfin me secourir ?
- Oh ! n’est-ce pas un songe ? a-t-il brisé ma chaîne ?
- Ai-je eu le bonheur de mourir ?
- « Car vous ne savez point quelle était ma misère !
- Chaque jour dans ma vie amenait des malheurs ;
- Et, lorsque je pleurais, je n’avais pas de mère
- Pour chanter à mes cris, pour sourire à mes pleurs.
- D’un châtiment sans fin languissante victime,
- De ma tige arraché comme un tendre arbrisseau,
- J’étais proscrit bien jeune, et j’ignorais quel crime
- J’avais commis dans mon berceau.
- « Et pourtant, écoutez : bien loin dans ma mémoire,
- J’ai d’heureux souvenirs avant ces temps d’effroi ;
- J’entendais en dormant des bruits confus de gloire,
- Et des peuples joyeux veillaient autour de moi.
- Un jour tout disparut dans un sombre mystère ;
- Je vis fuir l’avenir à mes destins promis ;
- Je n’étais qu’un enfant, faible et seul sur la terre,
- Hélas ! et j’eus des ennemis !
- « Ils m’ont jeté vivant sous des murs funéraires ;
- Mes yeux voués aux pleurs n’ont plus vu le soleil ;
- Mais vous que je retrouve, anges du ciel, mes frères,
- Vous m’avez visité souvent dans mon sommeil.
- Mes jours se sont flétris dans leurs mains meurtrières,
- Seigneur, mais les méchants sont toujours malheureux ;
- Oh ! ne soyez pas sourd comme eux à mes prières,
- Car je viens vous prier pour eux. »
- Et les anges chantaient : – « L’arche à toi se dévoile,
- Suis-nous ; sur ton beau front nous mettrons une étoile.
- Prends les ailes d’azur des chérubins vermeils ;
- Tu viendras avec nous bercer l’enfant qui pleure,
- Ou, dans leur brûlante demeure,
- D’un souffle lumineux rajeunir les soleils ! »
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- III
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- Soudain le chœur cessa, les élus écoutèrent ;
- Il baissa son regard par les larmes terni ;
- Au fond des cieux muets les mondes s’arrêtèrent,
- Et l’éternelle voix parla dans l’infini :
- « O roi ! je t’ai gardé loin des grandeurs humaines.
- Tu t’es réfugié du trône dans les chaînes.
- Va, mon fils, bénis tes revers.
- Tu n’as point su des rois l’esclavage suprême,
- Ton front du moins n’est pas meurtri du diadème,
- Si tes bras sont meurtris de fers.

Vous pouvez laisser une réponse.
Le Petit Roi a été déconstruit dans sa royale personne comme la France est aujourd’hui déconstruite, plus encore qu’en 2017 en ce que j’écrivais. Prions-le pour qu’advienne son successeur légitime.
Un beau poème !!!.
La douleur d’un enfant et la sensibilité d’un grand poète entre ciel et terre, jointes à une culture et imagination immenses.
Une culture que Vous-mëme honorez.
Inépuisable victor Hugo…
on a oublié trop vite cet enfant !
Je reprends le terme de Béa kimcat, ch’amicalement à vous…
Un texte magnifique qui délivre tant d’émotion face à la souffrance d’un enfant.
Oui, notre pauvre France n’a pas fini de payer ce régicide et l’abandon de Dieu.
Les mots ne sont pas assez forts pour dire ce que j’ai ressenti en lisant ce poème tant de souffrance tant de malheur une destinée brisée par l’horreur et la méchanceté
Le Roi de France la représente en toute sa personne.
Une image me vient à la suite du rappel de l’enfant Roi de France humilié, torturé, méthodiquement et sadiquement conduit à la déchéance : celle de notre France qui subit actuellement ce qu’a subit Louis XVII.
Un beau poème de Victor Hugo.
Bien cha(t)micalement