2015-46. De Saint Benoît du Pont, couramment appelé Saint Bénézet, dont nous célébrons la fête le 14 avril.
Reconstitution numérique en 3 D du Pont Saint Bénézet, tel qu’il pouvait se présenter au milieu du XVIe siècle :
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16 avril,
fête de Saint Benoît-Joseph Labre (cf. > ici)
Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,
Si je vous parle du pont d’Avignon, vous allez probablement immédiatement penser à la célèbre chanson enfantine… et peut-être même vous mettre à la fredonner de façon spontanée.
Mais le « grand public » sait-il que le nom propre de ce pont fameux entre tous est « Pont Saint Bénézet » ?
Et combien savent encore qui est ce Saint Bénézet qui a donné son nom à ce pont ?
C’est ce que je me propose de vous expliquer maintenant, avant de vous emmener – un peu plus tard – en pèlerinage sur les lieux de sa naissance.
La célèbre chanson « Sur le Pont d’Avignon » remonterait au XVe siècle
mais elle a connu un regain de popularité depuis le milieu du XIXe siècle.
Bénézet est un diminutif provençal du prénom latin Benedictus, en francais Benoît.
Dans les livres liturgiques, Saint Bénézet est donc officiellement appelé tantôt « Saint Benoît le jeune » ou « le petit » (en latin : Benedictus junior), en rapport avec sa petite taille et son jeune âge – nuances exprimées par la forme provençale – , tantôt « Saint Benoît du Pont » (en latin : Benedictus de Ponte), ce qui est bien sûr le rappel de l’oeuvre pour laquelle Dieu le suscita.
Selon toute vraisemblance, son patronyme était Chautard.
Il naquit au hameau du Villard, paroisse de Burzet, au diocèse de Viviers, dans la seconde moitié du XIIe siècle (d’aucuns disent en 1165, d’autres entre 1154 et 1159).
Tous les textes néanmoins sont unanimes pour situer en l’an 1177 son arrivée en Avignon.
Les sources de l’histoire de Saint Bénézet sont des plus fiables. Elles se trouvent principalement
- 1) dans deux chartes, de 1180 et 1181, donc rédigées du vivant du jeune saint ;
- 2) dans une charte de 1185 (année qui suivit sa mort), qui nous est parvenue à travers une copie authentique qui en fut réalisée au XIVe siècle ;
- 3) dans la chronique de Robert d’Auxerre (+ 1212), commencée en 1190 ;
- 4) dans une « légende » du début du XIIIe siècle, en langue provençale : le mot légende ne doit pas être entendu au sens de « récit fantaisiste sans consistance historique », mais compris dans son sens latin le plus strict : « ce qui doit être lu ». Ainsi la « légende de Saint Bénézet » est-elle bien un texte historique (on pourrait dire une version officielle) destiné à faire connaître l’oeuvre de Saint Bénézet et de ses continuateurs.
Le Pont Saint Bénézet vu depuis le rocher des Doms – lithographie de la fin du XIXe siècle..
Sans qu’il ne nous soit rien révélé sur la vie du jeune homme depuis sa naissance, les récits les plus anciens nous racontent d’emblée sa vocation.
Alors que le jeune homme était en train de garder les brebis, il entendit distinctement des paroles qui s’adressaient à lui, sans voir cependant qui lui parlait.
Voici une traduction de ce que rapporte la « légende » en provençal :
- Bénézet, mon fils, entends la voix de Jésus-Christ.
- Qui êtes-vous, Seigneur, qui me parlez ? J’entends votre voix mais ne vous vois pas.
- Ecoute donc, Bénézet, et n’aie point peur. Je suis Jésus-Christ qui, par une seule parole, ai créé le ciel, la terre et la mer et tout ce qu’ils renferment.
- Seigneur, que voulez-vous que je fasse ?
- Je veux que tu quittes les brebis que tu gardes, car tu me feras un pont sur le fleuve Rhône.
- Seigneur, je ne sais où est le Rhône et je n’ose abandonner les brebis de ma mère !
- Ne t’ai-je pas dit de croire ? Viens donc hardiment, car je ferai surveiller tes brebis et je te donnerai un compagnon qui te conduira jusqu’au Rhône.
L’injonction divine se serait renouvelée à trois reprises avant que Bénézet ne se mette en route.
Comme le lui avait assuré la voix divine, il rencontra bientôt un homme vêtu comme un pèlerin qui s’offrit à lui comme compagnon de route. Il s’agissait en réalité, comme pour le jeune Tobie dans l’Ancien Testament, d’un ange qui avait revêtu une apparence humaine.
L’ange conduisit Bénézet jusqu’au Rhône : Bénézet fut d’abord effrayé par la taille du fleuve et se demandait comment il serait possible de mener à bien une telle mission. Mais son céleste compagnon lui prodigua des conseils pour arriver jusqu’en Avignon et pour ce qu’il devrait y accomplir.
Statue reliquaire de Saint Bénézet, Avignon :
elle représente le jeune homme portant une énorme pierre (voir ci-dessous).
Bénézet, entré dans la cité d’Avignon, alla trouver l’Evêque qui était en train de prêcher au peuple ; il lui dit à haute voix : « Ecoutez-moi et comprenez-moi, car Jésus-Christ m’a envoyé vers vous afin que je fasse un pont sur le Rhône » (texte traduit de la « légende » provençale).
En entendant ces paroles, l’évêque pensa avoir affaire à un insensé et perturbateur de l’ordre public ; il fit donc appel au prévot (ou viguier), devant lequel Bénézet maintint ses allégations :
« Mon Seigneur Jésus-Christ m’a envoyé en cette cité afin que je fasse un pont sur le Rhône ».
Le viguier lui répondit :
« C’est toi, si chétif personnage et qui ne possède rien, qui déclare que tu feras un pont où Dieu, ni Saint Pierre, ni Saint Paul, ni encore Charlemagne, ni aucun autre n’a pu le faire ? Ce serait merveilleux.
Attends ! je sais qu’un pont est fait de pierres et de chaux : je te donnerai une pierre que j’ai dans mon palais et, si tu peux la remuer et la porter, je croirais que tu pourras faire le pont ».
Bénézet, mettant sa confiance en Notre-Seigneur, retourna vers l’évêque et lui dit qu’il le ferait aisément.
L’Evêque dit : « Allons donc, et voyons les merveilles que tu nous promets ! »
Il partit avec l’évêque, et le peuple avec eux ; et Bénézet prit seul la pierre que trente hommes n’auraient pu déplacer, aussi légèrement que s’il se fût agi d’un caillou, et il la mit au lieu où le pont a son pied.
Les gens voyant cela crièrent au miracle et disaient que grand et puissant est Notre-Seigneur dans ses œuvres. Et alors le viguier fut le premier à le nommer Saint Bénézet, lui baisant les mains et les pieds, et lui offrit trois cents sous, et dans ce lieu lui furent donnés cinq mille sous.
Maintenant vous avez entendu de quelle manière, frères, le pont fut commencé afin que vous tiriez profit de ce grand bienfait.
Et Dieu fit nombre de miracles en ce jour : par lui, il rendit la vue, fit entendre les sourds et marcher les paralytiques (texte traduit de la « légende » provençale).
Avignon, Pont Saint Bénézet : les deux chapelles superposées.
La chapelle inférieure est dédiée à Saint Bénézet et la chapelle supérieure à Saint Nicolas.
Des compagnons, les « Frères de l’œuvre du pont » ou « Frères pontifes », rejoignirent Bénézet. Après la mort de Bénézet, ce sont eux qui achevèrent la construction du pont (1188).
A côté du chantier, Bénézet avait acquis une maison qui, en sus d’être le lieu où ces pieux laïcs menaient une forme de vie commune, partagée entre les exercices de piété, le travail et la mendicité – car il fallait recueillir des aumônes pour la construction – , était ouverte à l’accueil des pélerins et au soin des malades.
Bénézet rendit son âme à Dieu le 14 avril 1184, entouré d’une immense vénération populaire, une vénération principalement due aux miracles de guérison qu’il accomplissait.
Les diverses enquêtes ecclésiastiques menées après sa mort citent un grand nombre de témoins directs attestant de ses dons de thaumaturge.
Son corps fut d’abord enseveli dans la chapelle construite sur le pont même : la chapelle Saint Bénézet (par la suite, le pont sera exhaussé et cette chapelle se retrouva en contrebas : on édifia au-dessus une deuxième chapelle, dédiée à Saint Nicolas, si bien que la chapelle Saint Bénézet en devint en quelque sorte la crypte).
En 1331, sans qu’il s’agisse à proprement parler d’une « canonisation » au sens moderne du mot, le pape Jean XXII, officialisa le culte qui était rendu à Saint Bénézet depuis sa mort, et que ses prédécesseurs avaient accepté, en composant pour lui un office liturgique propre et en fixant sa fête au 14 avril.
Le corps de Saint Bénézet fut retiré de la chapelle du pont au XVIIe siècle, à la suite d’une série de crues exceptionnelles qui avaient fait craindre pour la sécurité du lieu, et il fut déposé dans l’église du couvent des Célestins : à cette occasion, on constata que ce corps était incorrompu et exhalait une odeur suave.
Lors de la détestable révolution, malheureusement, la tombe fut violée et les restes de Saint Bénézet furent horriblement profanés. Une partie cependant put ensuite être récupérée, mise en lieu sûr, puis finalement déposée dans la collégiale Saint-Didier d’Avignon.
En 1849, l’archevêque d’Avignon procéda à une nouvelle reconnaissance des reliques de Saint Bénézet : il en donna une partie au diocèse de Viviers, où ces reliques furent distribuées entre la cathédrale, le grand séminaire et sa paroisse natale de Burzet.
L’examen des ossements montre qu’il devait avoir entre 25 et 30 ans au moment de sa mort, et qu’il mesurait environ 1,60 m.
Actuel tombeau de Saint Bénézet dans la collégiale Saint-Didier, en Avignon.
A suivre : petit pélerinage à la maison natale de Saint Bénézet > ici
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Page d’histoire que je ne connaissais pas.
EXCELLENT
comme toujours !
Merci pour cette page d’histoire que je ne connaissais pas et qui est passionnante.
Bien cha(t)micalement
Béa kimcat