2015-17. Yvette Guilbert : « Le voyage à Bethléem ».
Mardi 20 janvier 2015.
Yvette Guilbert, portrait par Henri de Toulouse-Lautrec.
Le nom d’Yvette Guilbert dit-il encore quelque chose à quelques uns d’entre vous, chers lecteurs ? Je l’espère !
Peut-être quelque Tartuffe trouvera-t-il incongru que je la cite aujourd’hui dans les pages de mon blogue, car – chanteuse et actrice – elle ne fut sans doute pas une sainte ni un pilier d’église (quoique je dispose de fort peu de renseignements sur sa vie), mais ce fut une grande dame de la chanson française : en nos temps de médiocrité et d’inculture, je ne dédaigne pas de rappeler, quand l’occasion s’en présente, ces personnes qui ont marqué la vie et la culture des générations qui nous ont précédés.
Cela nous aide aussi à prendre un peu de recul par rapport à la tristesse des temps présents…
Si donc j’évoque aujourd’hui Yvette Guilbert, c’est parce que ce 20 janvier 2015 marque le cent-cinquantième anniversaire de sa naissance : le 20 janvier 1865.
Yvette Guilbert ne fut pas que l’interprête de « Je suis pocharde », « Madame Arthur » et autres chansons légères : il en est une, dans son répertoire, qui est particulièrement poignante et qu’elle interprêta avec une intensité dramatique qui, aujourd’hui encore, ne nous laisse pas indifférents, avec son égrenage impitoyable des heures tandis que la Vierge Marie approche de son terme et, qu’avec Saint Joseph, elle voit se fermer l’une après l’autre les portes des hôtelleries : cette chanson s’intitule « Le voyage à Bethléem ».
Nous sommes encore – jusqu’au 2 février – dans le temps de la crèche, c’est pourquoi je ne résiste pas au plaisir de vous en recopier ci-dessous et les paroles et l’enregistrement.
Vous reconnaîtrez bien sûr la mélodie de l’un de nos plus anciens noël populaire : « Or nous dites, Marie », qui remonte au moins au XVe siècle et dont le thème a été souvent repris par les compositeurs et organistes de l’époque baroque.
Le mystère d’un Dieu rejeté, méconnu, qui se heurte à des coeurs fermés n’est pas le « privilège » des seuls habitants de Bethléem aux jours d’Hérode le Grand : il se répète cruellement à toutes les générations ; il se répète cruellement sous nos yeux, aujourd’hui même, et chez nous…
En dépit donc des apparences, cette évocation du cent-cinquantième anniversaire de la naissance d’Yvette Guilbert, n’a rien d’une publication frivole : des ténèbres spirituelles étendent sur notre société crépusculaire une chape de désespérance et de malheurs bien plus noire que les ailes du plus noir corbeau, pendant que les portes des coeurs continuent à se fermer devant Jésus, l’unique Rédempteur, le seul capable de rendre à ce monde sa jeunesse et sa joie…
Puisse-t-Il, du moins, fortifier et soutenir par Sa grâce ceux qui veulent Lui rester fidèles, et renouveler à tout moment dans leurs coeurs la joie et l’espérance invincibles qui sont les conséquences de Son Incarnation : « Il est né le divin Enfant : sonnez, hautbois, résonnez souvent ! »
Lully.
Nous voici dans la ville
Où naquit autrefois
Le roi le plus habile,
David, le Roi des Rois.
- « Allons, chère Marie,
Devers cet horloger :
C’est une hôtellerie,
Nous y pourrons loger. »
Il est six heures !
- « Mon cher monsieur, de grâce,
N’auriez-vous point chez vous
Quelque petite place,
Quelque chambre pour nous ? »
- « Vous perdez votre peine ;
Vous venez un peu tard :
Ma maison est trop pleine,
Cherchez quelqu’autre part ! »
Il est sept heures !
- « Passant à l’autre rue,
Laquelle est vis-à-vis,
Tout devant notre vue
J’aperçois un logis… »
- « Joseph, ton bras, de grâce,
Je ne puis plus marcher,
Je me trouve si lasse… »
- « Il faut pourtant chercher ! »
Il est huit heures !
- « Patron des « Trois Couronnes »
Auriez-vous logement
Chez vous pour deux personnes :
Quelque trou seulement ? »
- « J’ai noble compagnie
Dont j’aurai du profit.
Je hais la pauvrerie :
Allez-vous en d’ici ! »
- « Monsieur, je vous en prie
Pour l’amour du Bon Dieu,
Dans votre hôtellerie
Que nous ayons un lieu. »
- « Cherchez votre retraite
Autre part, charpentier !
Ma maison n’est point faite
Pour des gens de métier. »
Il est neuf heures !
- « Madame du « Cheval rouge »
De grâce logez-nous
Dans quelque petit bouge,
Dans quelque coin chez vous. »
- « Mais je n’ai point de place ;
Je suis couchée sans drap
Ce soir sur la paillasse,
Sans autre matelas. »
- « Oh ! Madame l’hôtesse, »
Crie la Vierge à genoux,
« Pitié pour ma détresse :
Recevez-moi chez vous ! »
- « Excusez ma pensée, madame,
Je ne la puis cacher :
Vous êtes avancée, madame,
Et prête d’accoucher… »
Il est onze heures !
Dans l’état déplorable
Où Joseph est réduit,
Il découvre une étable
Malgré la sombre nuit :
C’est la seule retraite
Offerte à son espoir,
Ainsi que le prophète
Avait su le prévoir.
Il est minuit !
Il est minuit !
Il est né le divin enfant :
Sonnez, hautbois ! résonnez, musettes !
Il est né le divin enfant :
Sonnez, hautbois ! résonnez souvent !
Depuis plus de quatre mille ans,
L’avaient annoncé les prophètes.
Il est né le petit enfant :
Jouez, hautbois, résonnez souvent !
Il est né le divin enfant :
Sonnez, hautbois ! résonnez musettes !
Il est né le divin enfant :
Sonnez, hautbois, résonnez souvent !
Noël ! Noël ! Noël ! Noël !

Vous pouvez laisser une réponse.
Bravo et Merci, Cher Lully, pour l’enregistrement de cette belle chanson que je ne connaissais pas.
Il va sans dire que je connais Yvette Guilbert, mais son nom est plutôt attaché au Moulin-Rouge avec des chansons comme « Le Fiacre » ou « Madame Arthur ».
Je soupçonne ton maître de t’avoir soufflé cette bonne idée…!!!
Comme JLP moi aussi, j’ai les larmes aux yeux…
Je garde précieusement ces belles lignes pour les faire connaître à mes 2 petites-filles, qui auront elles aussi les larmes aux yeux…
Merci pour elles et pour moi !
Merci pour cette belle découverte… car je ne connaissais pas Yvette Guilbert.
C’est un agrément de lecture et d’écoute de chanson…
Bien cha(t)micalement.
Béa kimcat
C’est charmant.
Merci, vraiment.
J’en ai presque pleuré.
JLP
Emouvante chanson et en effet terriblement d’actualité!…
Merci beaucoup de nous faire connaître des figures inconnues dignes d’intérêt!