2015-12. Il y a deux-cents ans, à Paris, l’exhumation des restes de Leurs Majestés le Roi Louis XVI et la Reine Marie-Antoinette (1ère partie).

1815 – 19 janvier – 2015

16 janvier 2015,
fête du Coeur immaculé de Marie refuge des pécheurs (cf. > www).

Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,

Dans quelques jours, nous allons une fois de plus commémorer, à la date du 21 janvier, le terrible souvenir du martyre de Sa Majesté le Roi Louis XVI.
Cette année 2015 marque donc le deux-cent-vingt-deuxième anniversaire de cet épouvantable crime, mais elle est aussi l’exact deuxième centenaire de l’exhumation des dépouilles sacrées du Roi et de la Reine, qui eut lieu le jeudi 19 janvier 1815, en vue de leur transfert à la basilique-nécropole royale de Saint-Denis, le samedi 21 janvier 1815.

Je suis allé chercher dans une publication que nous aimons beaucoup en raison de son esprit de fidélité religieuse et monarchique - « L’Ami de la Religion et du Roi »  – , de janvier 1815, la relation des préparatifs de ces cérémonies, avec en particulier le compte-rendu de cette exhumation : je vous en recopie le texte intégral ci-dessous, en conservant scrupuleusement l’orthographe, la ponctuation et les majuscules telles qu’elles se trouvent dans l’exemplaire que j’ai sous les yeux. Néanmoins, pour en agrémenter la lecture, j’ai jugé bon d’aérer le texte par des alinéas et des espacements lorsque cela était conforme au sens (dans « L’Ami de la Religion et du Roi » le texte est en effet très serré).
Enfin, pour faciliter la compréhension, j’ai cru bon d’ajouter une douzaine de notes explicatives, car peut-être tous les usages ou les personnages mentionnés ne sont-ils pas familiers au lecteur d’aujourd’hui.

Lully.

L'Ami de la Religion et du Roi 1815

frise lys

Paris.

M. de Brezé, grand-maître des cérémonies ; M. l’abbé de Sambucy (note 1), maître des cérémonies de la chapelle du Roi ; MM. Des Entelles et de la Ferté, intendans des Menus, et M. Bellenger, architecte de MONSIEUR (note 2), se sont réunis, le 16 janvier, à Saint-Denis pour régler tout ce qui concerne la cérémonie du 21 janvier. M. de la Suze, maréchal-des-logis, s’y étoit aussi rendu, afin d’ordonner tous les préparatifs nécessaires dans la maison royale de la légion d’honneur, et pour la réception des Princes du sang, et des évêques qui iront à Saint-Denis.

Le 17, à midi, Mgr. l’évêque de Clermont (note 3), accompagné d’un des MM. les grands-vicaires de Paris, est parti pour Saint-Denis, afin de bénir l’église (note 4). Il a été assisté par le curé et le clergé de Saint-Denis et par les aumôniers de la maison d’éducation qui occupe l’abbaye.
Pour qu’un plus grand nombre de personnes puisse être témoin du plus touchant spectacle, on n’a pas fait à Saint-Denis une chapelle ardente (comme dans Notre-Dame), mais on a placé des gradins tendus de noir dans les entre-colonnements et derrière les colonnes. De toute part la vue percera sur le catafalque. Les Princes seront placés du côté de l’épître, à côté du catafalque, et presqu’en face de la chaire qui est contre le dernier pilier du côté de l’évangile. Les évêques seront placés dans le choeur, près de l’autel, du côté de l’épître.
Un grand nombre de pauvres iront au-devant du corps avec des torches, et portant, suivant l’usage, une pièce d’étoffe sur l’épaule. Mgr. le grand-aumônier (note 5) présentera le corps à la porte de la basilique de Saint-Denis. M. l’évêque d’Aire (note 6) sera chargé de recevoir le corps, qui, une fois reçu à la porte, sera porté par huit gardes-du-corps jusqu’au catafalque. Quatre aumôniers de Sa Majesté porteront les quatre coins du poêle (note 7).
M. l’évêque d’Aire (note 6) célébrera la messe. Après l’évangile, M. de Boulogne, évêque de Troyes (note 8), prononcera l’Oraison funèbre. Après la messe, les absoutes seront faites par quatre évêques qu’a désignés Mgr. Le grand-aumônier (note 5). La cinquième et dernière sera faite par ce prélat lui-même. L’enterrement, c’est-à-dire, le transport dans l’église souterraine, aura lieu immédiatement après la messe.

Voici les inscriptions :
Pour le ROI. Ici est le corps de très-haut, très-puissant, très-excellent Prince Louis XVI, par la grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre.
Pour la REINE. Ici est le corps de très-haute, très-puissante, très-excellente Princesse Marie-Antoinette-Joséphine-Jeanne de Lorraine, archiduchesse d’Autriche, épouse de très-haut, très-puissant et très-excellent Prince Louis, seizième du nom, Roi de France et de Navarre.

Pour assister à cette cérémonie, les cours de justice et les tribunaux de Paris ne tiendront point d’audience. Le cortège partira à neuf heures. Les Princes l’accompagneront.

Le jeudi, 19, on a fait, par ordre du Roi, l’exhumation des corps du Roi et de la Reine dans l’ancien cimetière de la Madeleine.
Les commissaires nommés pour y assister étoient M. de la Fare, évêque de Nancy (note 9), représentant Mgr. le grand-aumônier (note 5), un aumônier du Roi, un des vicaires généraux de Paris, Mgr. Le chancelier de France (note 10), M. le comte de Blacas, M. le duc de Duras, M. le marquis de Brezé, M. d’André et un médecin du Roi.
La plupart des ossements du Roi ont été retrouvés. Le corps de la Reine étoit presque entier. Il y avoit même encore aux jambes des parties de bas très-reconnoissables et des jarretières.
Ces restes précieux ont été recueillis avec respect, et déposés dans des caisses qui ont été transportées dans une des pièces de la maison de M. Descloseaux (note 11). On y avoit dressé un autel et une chapelle ardente, et on y a récité l’office des morts. Le vendredi, des prêtres se sont succédés pour dire la messe dans ce lieu, et la foule s’y est portée sans interruption.
La translation du corps aura lieu le samedi. Nous rendrons un compte très-détaillé de cette cérémonie

Pendant que les voûtes de Saint-Denis, si longtemps muettes et profanées, retentiront des chants funèbres, toutes les églises de la capitale célébreront aussi des services d’expiation, et tous les fidèles pourront aller porter, devant les autels, le tribut de leurs larmes.
A saint-Sulpice, M. l’ancien archevêque d’Alby officiera (note 12). A Saint-Germain-l’Auxerrois, M. l’abbé le Tourneur prononce l’oraison funèbre de Louis XVI. M. l’abbé Jalabert la prononcera à Notre-Dame, où il y aura un service très-solennel ; M. l’abbé Bauzan fera le discours à Saint-Roch.

(A suivre, le document officiel de conclusion de l’enquête préliminaire à l’exhumation > ici)

frise lys

Notes explicatives :  

Note 1 : L’abbé de Sambucy – Gaston de Sambucy de Sorgue (1764 – 1834), aumônier de la Princesse de Lamballe ; pendant la grande révolution – en habits laïcs et caché dans la foule sur le parcours de la charette qui les emportait vers l’échafaud – , il accompagna spirituellement un grand nombre de condamnés (parmi lesquels Madame Elisabeth de France) auxquels il donnait la sainte absolution et l’indulgence plénière in articulo mortis. A la Restauration il fut aumônier de Monsieur, comte d’Artois (voir note 2 ci-dessous), puis sera grand-vicaire de l’archevêque de Reims.

Note 2 : MONSIEUR – il s’agit du frère du Roi Louis XVIII (et de feu le Roi Louis XVI), Charles-Philippe de France, comte d’Artois, futur Charles X. Il porte le titre de MONSIEUR depuis la mort de Louis XVII le 8 juin 1795.

Note 3 : Mgr. l’évêque de Clermont – Monseigneur Charles-Antoine-Henri Du Valk de Dampierre (1746 – 1833), évêque de Clermont de 1802 à 1833.

Note 4 : « …afin de bénir l’église » – La basilique de Saint-Denis ayant été profanée lors de la sinistre révolution, il était nécessaire d’en laver les souillures, afin de la rendre à nouveau apte à la célébration des cérémonies du culte, en procédant à une nouvelle bénédiction. On voit donc ici que, malgré le rétablissement du culte en France à la suite du concordat de 1801, la réconciliation de cette prestigieuse basilique ne fut pas accomplie avant ce 16 janvier 1815, et que le culte n’y avait donc pas repris jusqu’alors.

Note 5 : Mgr. le grand-aumônier – Monseigneur Alexandre Angélique de Talleyrand-Périgord (1736 – 1821), archevêque de Reims depuis 1777, grand-aumônier de France depuis 1814, il sera élévé à la pourpre cardinalice en juillet 1817 et deviendra archevêque de Paris en octobre 1817, il restera grand-aumônier de France jusqu’à sa mort.

Note 6 : Mgr. l’évêque d’Aire – Monseigneur Sébastien Charles Philibert de Cahuzac de Caux (1745 – 1817) : évêque d’Aire depuis 1783, il avait émigré et n’avait pas accepté de démissionner au moment du concordat malgré la suppression de l’évêché d’Aire (il ne le fera que quelques mois avant sa mort).

Note 7 : « …les quatre coins du poêle » – Il s’agit bien sûr du poêle funèbre : on appelle poêle (nom masculin) le grand drap noir, souvent orné de motifs d’argents, dont on recouvre le cercueil pendant les cérémonies funèbres ; traditionnellement il dispose, à chacun de ses quatre angles, d’un cordon terminé par un gland.
Pendant le transport du cercueil, depuis la levée du corps jusqu’à l’église, puis pendant le convoi au cimetière, les cordons du poêle sont tenus, selon les cas, par des membres de la famille, par des amis proches du défunt ou par des personnages de haut-rang ou des personnes que l’on veut particulièrement honorer. De là l’expression « tenir les cordons du poêle ».
Nous déplorons vivement la perte de cet usage multiséculaire non seulement dans les cérémonies funèbres célébrées dans les églises où se pratique le rite « ordinaire » (quand il y a encore un rite !!!), mais même dans beaucoup de chapelles traditionnelles…

Note 8 : M. de Boulogne, évêque de Troyes – Monseigneur Etienne-Antoine de Boulogne (1747 – 1825) : attaché à la paroisse de Saint-Germain-l’Auxerrois, puis vicaire général de Châlons-sur-Marne et prédicateur du Roi, réfractaire, ayant échappé à la mort (bien qu’arrêté à trois reprises) pendant la grande révolution, il adhéra au concordat de 1801, fut nommé grand-vicaire de Versailles et chapelain de « l’empereur », puis évêque de Troyes en 1809. Quoique ayant d’abord vu en Napoléon Ier « un nouveau Cyrus » (sic), il en subit les foudres pour avoir soutenu Sa Sainteté le Pape Pie VII : en 1811, au moment du concile de Paris, il fut enfermé dans le donjon de Vincennes, et plus tard exilé à Falaise. Il ne put recouvrer son siège épiscopal qu’au retour des Bourbons. En 1816, il publiera une « instruction pastorale sur l’amour et la fidélité que nous devons au roi et sur le rétablissement de la religion catholique en France »

Note 9 : M. de la Fare, évêque de Nancy - Anne-Louis-Henri de la Fare (1752 – 1829), petit-neveu du cardinal de Bernis et évêque de Nancy depuis 1787. Il émigra dès janvier 1791 et arriva à Vienne en 1792. A la mort de Louis XVII, le Roi Louis XVIII fit de lui son chargé d’affaires à la cour de Vienne. A la Restauration il fut premier aumônier de Madame la duchesse d’Angoulême, fille de Louis XVI, puis sera nommé archevêque de Sens et, enfin, sera élevé à la dignité de pair de France.

Note 10 : Mgr. Le chancelier de France - Charles-Henri Dambray (1760 – 1829), avocat général au Parlement de Paris en 1788 en remplacement d’Antoine-Louis Séguier, il passe la grande révolution en province (en résidence surveillée pendant la terreur) ; en contact avec les Bourbons pendant le temps de l’usurpation napoléonienne, en 1814, Sa Majesté le Roi Louis XVIII le nomme chancelier de France, garde des sceaux et président de la chambre des pairs, fonctions qu’il assumera jusqu’à la fin de ses jours.

Note 11 : M. Descloseaux - Louis Olivier Pierre Desclozeaux (1732 – 1816), avocat, riverain du cimetière de la Madeleine, achète le 14 prairial de l’an X (3 juin 1802) le terrain de ce cimetière désaffecté depuis mars 1794. Témoin discret des inhumations qui y furent faites, et ayant dressé la liste des 1343 personnes guillotinées de 1792 à 1794, il circonscrit l’endroit exact où reposaient les corps de Leurs Majestés le Roi Louis XVI et la Reine Marie-Antoinette, entoura le carré d’une charmille avec des saules pleureurs et des cyprès, dans le souci de sauvegarder les dépouilles du couple royal.

Note 12 : M. l’ancien archevêque d’Alby - François de Pierre de Bernis (1752-1823), neveu du fameux François-Joachim de Pierre, cardinal de Bernis, il est coadjuteur de son oncle depuis 1784 et lui succède donc comme archevêque d’Albi lorsqu’il meurt en 1794… Toutefois, Monseigneur François de Pierre de Bernis se trouve alors en émigration à la cour de Russie. L’archevêché d’Albi, supprimé par Napoléon, ne sera rétabli par Louis XVIII qu’en 1822 – c’est la raison pour laquelle, dans ce texte, Monseigneur de Pierre de Bernis est appelé « ancien archevêque d’Alby » – et, entre-temps (en 1819), il aura été nommé archevêque de Rouen.

frise lys

Textes & documents relatifs au martyre de Sa Majesté le Roi Louis XVI
que l’on trouvera également dans ce blogue :

- « Du martyre de Sa Majesté le Roi Louis XVI » : allocution consistoriale du pape Pie VI > www
– « Les dernières heures de Sa Majesté le Roi Louis XVI » > www
– Testament de Sa Majesté le Roi Louis XVI > www
– Voeu par lequel Louis XVI a dévoué sa Personne, sa famille et son royaume au Sacré-Coeur > www
– Maximes et pensées de Sa Majesté le Roi Louis XVI > www
– Messe de Requiem composée par Cherubini à la mémoire du Roi Louis XVI > www
– Complainte de Louis XVI aux Français > www
– Oraison funèbre de Louis XVI prononcée à Rome devant le pape Pie VI > www

Publié dans : Memento, Vexilla Regis |le 16 janvier, 2015 |1 Commentaire »

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1 Commentaire Commenter.

  1. le 19 janvier 2024 à 10 h 27 min Goës écrit:

    Paix pour ce Roi qui se trouvait dans cette tourmente souterraine… et cela n’est pas fini pour nous.

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