2014-118. « A l’an que vèn, se sian pas mai que sian pas mens ! »
A l’année prochaine,
si nous ne sommes pas plus nombreux,
que nous ne soyons pas moins nombreux.
En Provence, la bénédiction traditionnelle de la bûche de Noël :
« A l’an que vèn, se sian pas mai que sian pas mens ! »
(carte ancienne présentant l’une des scènes figurées au « Museon Arlaten »,
le musée ethnographique et historique d’Arles).
Les spécialistes et les puristes trouveront peut-être à redire sur l’orthographe exacte de la phrase provençale que j’ai donnée pour titre à cette chronique qui vient au terme de l’année civile : n’étant spécialiste ni de la langue occitane ni de la langue provençale, j’ai bien dû faire un choix dans toutes les versions écrites qui m’étaient proposées de cette très ancienne locution, qui, en beaucoup d’endroits, introduisait la formule de bénédiction de la bûche de Noël lorsque, au début de la soirée du 24 décembre, on allait lui communiquer la flamme en présence de toute la maisonnée.
En l’occurrence, peu importent ici les variantes orthographiques – souvent liées aux variantes de prononciation inévitables d’un village à l’autre, d’une vallée à l’autre – , ce qui compte, c’est le sens de cette formule : dans les familles, elle signifiait, dans une magnifique et pudique concision : « S’il n’y a pas de nouvelle naissance qui vienne faire grandir notre foyer, que, du moins, nous n’ayons pas à pleurer la mort de l’un de ceux qui sont ici ce soir… »
La fin d’un cycle, celui de l’année liturgique comme celui de l’année civile, nous porte toujours à méditer quelque peu sur l’écoulement du temps, à réaliser la fugacité de nos jours ici-bas, à réfléchir à la brièveté de la vie, à nous souvenir des êtres chers qui nous ont quittés, à nous interroger sur l’avenir, à essayer de nous cramponner à quelque chose de solide et de sûr, alors que le temps nous apparaît comme un fleuve au cours inexorable, ainsi que Lamartine l’exprima au commencement de l’un de ses plus fameux poèmes :
« Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l’océan des âges
Jeter l’ancre un seul jour ?… »
Oui, le temps passe, le temps nous emporte et comme le fait remarquer quelque part notre glorieux Père Saint Augustin, chaque anniversaire marque que nous approchons de la mort… et de l’éternité : combien est salutaire cette pensée pour nous stimuler à bien vivre, à vivre bien, à vivre en faisant le bien !
Si, dans de prochaines publications, je reviendrai vers vous, chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion, pour vous présenter nos vœux du nouvel an (je ne le fais jamais à l’avance, et je me tiens d’autant plus à cet usage que les gens d’aujourd’hui ont la détestable manie de tout anticiper !), en ces jours où nous allons tourner les dernières pages d’une année, je viens vous redire :
« A l’an que vèn, se sian pas mai que sian pas mens : puisse l’année qui va commencer nous donner de nous retrouver encore, de nous rencontrer encore, d’échanger amicalement encore…
Et, si nous savons bien que la mort, inéluctable, nous séparera un jour, nous savons aussi que Dieu n’a pas fait la mort et ne trouve point de plaisir aux souffrances de Ses créatures ; ce pourquoi je souhaite que – même si notre foi et notre espérance nous montrent la mort comme une entrée dans la vraie vie – ce ne soit néanmoins pas pour bientôt, que ce ne soit pas dans ces prochains mois !
Que le Bon Dieu nous accorde donc le temps de nous bien préparer à L’aller rejoindre, en nous donnant de vivre ici-bas, selon Sa sainte volonté, en faisant le bien, beaucoup de bien, et en nous soutenant et encourageant les uns les autres par la charité fraternelle ! A l’an que vèn, se sian pas mai que sian pas mens ! »
Pour moi, si Dieu me prête vie et m’en donne les forces, je continuerai à vous titiller (d’aucuns diraient harceler) par mes chroniques, mes commentaires, mes coups de griffes et mes coups de cœur…
J’en profite au passage pour rappeler que ce blogue est de manière résolue et absolument impénitente un espace de libre expression féline, augustinienne, baroque, catholique « traditionnaliste » et royaliste légitimiste… et que le temps qui passe n’altère en rien nos convictions, nos déterminations et nos engagements : tout au contraire, il les renforce !
A l’an que vèn, se sian pas mai que sian pas mens !
Quelques textes publiés dans les pages de ce blogue en lien avec le dernier jour de l’an :
- Quand l’année s’achève : dialogue d’une âme fatiguée avec son Seigneur (Marie Noël) > ici
- « Te hominem laudamus » (Marie Noël) > ici

Vous pouvez laisser une réponse.
Belle tradition provençale !
Bonne Année Sainte Jubilaire!
« Dieu n’a pas fait la mort… »
Ces mots laissent à méditation !
Merci, cher Frère.
Très cher Lully, ta curiosité toujours en éveil est une bien belle qualité qui nous distrait des platitudes désespérantes en nous ouvrant les horizons de ton savoir lumineux, c’est un sacré mécréant qui te loue ici, tout fier de cette amitié qui nous unit.
Frédéric.
Merci, cher Frère, j’apprends toujours quelque chose à vous lire…
Ce soir, je finirai l’année dans mon église, devant le Saint Sacrement, et j’y commencerai l’année nouvelle : la dernière heure de 2014 pour Dieu, la première de 2015 pour Lui aussi.
En bonne Lorraine, à l’exemple de Jeanne d’Arc, ma devise est : Dieu premier servi.
S’il en était ainsi chez tous nos frères chrétiens, c’est le voeu que je formule, le monde en serait changé…
Je vous souhaite, cher frère, de bien terminer cette année.
Cette phrase : A l’an que vèn….. je l’ai entendue très souvent chez mes parents, comme en provence où j’ai vécu. C’était, en effet, le souhait de se retrouver tous au Noël suivant…
Aujourd’hui, malheureusement des chaises sont vides, mais ceux qui les occupaient sont chez Notre-Seigneur, et pour toujours dans nos coeurs en attendant d’aller les rejoindre lorsque viendra ce jour…
Douce nuit de la Saint-Sylvestre, et à l’an que vèn !
Merci, cher frère.
Bonne soirée au coin du feu et que demain nous voit tous pleins de bonnes et véritables résolutions pour cette nouvelle année.
Que saint Michel entende notre cri : ne tardez pas, venez, délivrez-nous !
Que Dieu vous garde et que votre blogue continue à nous maintenir dans la bonne voie.
A l’an qué vèn…
Pourrais-tu, cher Lully, m’éclairer sur la proportion étonnante de Jean dans la liste des papes, au point d’avoir même deux Jean XXIII, alors qu’il n’y que 6 Paul, 1 Pierre, 1 Marc, 0 Jacques, 0 Luc et 0 Mathieu ?
Frédéric.
Réponse de Lully :
Et on pourrait ajouter : qu’il y a 16 Benoît et 16 Grégoire, 14 Clément, 13 Innocent et 13 Léon, 12 Pie, 8 Alexandre et 8 Urbain… voilà pour les noms les plus pris, après effectivement le prénom Jean.
Au sujet des Pontifes qui ont porté ce prénom, je rappelle cette particularité que j’avais déjà eu l’occasion de noter (ici > www) : si l’on a effectivement 2 Jean XXIII (le premier n’étant considéré comme « antipape » que depuis que le second a décidé de prendre le même numéro), il n’y a jamais eu de Jean XVI !!!
Le premier cas attesté de changement de nom d’une personne élue pape est un dénommé Mercurius qui, en 533, pour ne pas porter le nom d’un dieu païen, a pris le nom de Jean II.
Cela s’est ensuite reproduit lorsqu’un homme portant le nom d’un dieu ou d’un empereur païen était élu : en 955, un dénommé Octavien est devenu pape sous le nom de Jean XII.
En 983, Pierre Campanora devint pape sous le nom de Jean XIV : la raison, cette fois-ci, était qu’il ne voulait pas qu’il y eût un autre pape Pierre que saint Pierre l’apôtre et premier pape.
Les quelques autres Pierre qui accéderont à la papauté changeront toujours de nom pour cette raison.
Peu après, en 996, fut élu le premier pape d’origine germanique, Bruno de Carinthie ; lui succéda, en 999, le premier pape français, Gerbert d’Aurillac. Tous deux portaient des prénoms germaniques, des prénoms tout à fait étrangers à la tradition romaine (malgré un précédent, Landon qui portait aussi un prénom germanique bien qu’étant originaire d’Italie), ils en changèrent donc et devinrent respectivement Grégoire V et Sylvestre II.
A la fin du Xe siècle, s’établit donc cette coutume pour tous les papes, d’abord parce que les prénoms germaniques s’étaient largement répandus, mais aussi pour ceux d’origine gréco-latine, parce que l’on mit en évidence une signification symbolique à ce changement de nom : le nouveau pape n’est plus le même homme qu’avant son avènement et son nom ne saurait être le même.
Les raisons d’adoption de tel ou tel prénom peuvent tenir parfois au goût personnel du nouvel élu pour tel ou tel saint, ou pour rendre hommage à un précédent Pontife, ou pour manifester qu’il veut placer son pontificat dans la continuité avec tel autre de ses prédécesseurs.
La prédilection marquée pour le prénom Jean peut donc provenir, selon les cas, soit d’une dévotion particulière à St Jean-Baptiste ou à St Jean l’Evangéliste, soit du symbolisme lié à ce nom dans la langue hébraïque (« Johannan » signifie « Dieu a fait grâce ») soit à quelque autre raison circonstantielle ou historique…
Quel « boulot » pour trouver tous ces anniversaires!
Que 2015 (Le Seigneur surtout) vous garde, Cher Frère et Ami, dans ces bonnes et fructueuses dispositions.
Cordial souvenir.
Jean