2014-89. Réflexions félines et citations – août 2014.
Dimanche 31 août 2014,
XIIe dimanche après la Pentecôte.
Lully au poste de guet.
Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,
Le mois d’août s’achève sur un beau dimanche ensoleillé qui a été presque chaud. Pourtant déjà, chez nous, depuis une dizaine de jours, on se rend compte que le vert des arbres est moins soutenu : érables, peupliers et fayards commencent à virer au jaune, tandis que certains merisiers se sont déjà revêtus d’orange ou de rouge éclatant…
Toujours à mon poste de guet pour observer ce qui se passe chez les hommes – dans le monde et dans l’Eglise – , je vous invite, si vous le voulez bien, à lire quelques unes des réflexions qui ont été les miennes dans ces dernières semaines, ainsi qu’une sélection de citations recueillies au cours de mes lectures.
Je commencerai par une citation de Charles Péguy, trouvée en exergue du site Internet de l’Amitié Charles Péguy, lorsque, en préparation du centenaire de la mort de cet auteur inclassable (5 septembre 1914 – 5 septembre 2014), j’ai voulu relire sa biographie.
La voici :
« Il y a quelque chose de pire que d’avoir une mauvaise pensée. C’est d’avoir une pensée toute faite. »
Plus encore qu’au « prêt-à-penser » servi par les media à des foules qui – en raison du système prétendument éducatif qui oeuvre de manière très efficace à ne transmettre ni instruction, ni culture, ni outils et moyens de réflexion personnelle – sont devenues extrêmement manipulables, j’ai pensé avec tristesse au très grave péché des « bien pensants », enfermés dans leur « bien pensance » même et répétant indéfiniment les poncifs de leur « famille de pensée », alors que – socialement, culturellement et spirituellement – ils disposent encore, a priori, des moyens de penser et de pousser une réflexion vraiment personnelle…
Je vous ai parlé, il y a quelques jours, d’un excellent ouvrage de Raphaël Debailiac consacré à la pensée de Gustave Thibon (cf. > ici).
Monsieur Debailiac ne se contente pas d’aligner des citations anciennes comme dans les vitrines d’un musée, mais il les creuse, comme on creuse dans une mine d’or (car chaque aphorisme de Thibon peut être à juste titre comparé à un filon inépuisable de métaux ou de pierres précieux), pour en extraire des pépites de très grand prix qu’il transforme en espèces sonnantes et trébuchantes accordées aux temps actuels.
Ainsi cette réflexion, d’une décapante lucidité, qui invite chacun de nous à faire un véritable examen de conscience sur la manière dont nous réagissons aux informations qui portent à notre connaissance les évènements réellement tragiques de l’actualité, et qui donne aussi des clefs de compréhension sur la façon dont les hommes politiques – et même certains responsables religieux – interviennent en public à leur sujet :
« (…) notre société du spectacle où l’homme-masse s’achète une conscience et une existence en s’indignant bruyamment devant sa télévision à écran plasma : il traque le bossu ou l’immigré, qui n’ont rien demandé, pour les plaindre. Pour un peu, il se grifferait le torse et s’arracherait les cheveux pour protester contre la vilenie du monde. Mais ça ferait mal et il n’est pas prêt à souffrir. Alors il s’indigne et se repent. Il quémande l’attention de ceux qu’il prétend aider, s’humilie pour un regard, se renie pour une parole, réflexe bien connu de femme battue. Il n’y gagne que mépris, mais un mépris dont il vit. C’est son petit syndrome de Stockolm à lui. Il en jouit (…) »
(in « Gustave Thibon – la leçon du silence », p.39 « la fausse pitié »).
« Concile ? Vous avez dit : concile ? »
Le journal « La Croix » (dont vous savez bien que je n’en suis le lecteur ni régulier ni enthousiaste) a publié (cf. > ici) un « état des lieux » des diocèses de France qui est particulièrement éloquent.
Dramatiquement éloquent peut-on même écrire.
Une carte interactive permet de voir, diocèse par diocèse, l’effondrement quasi général du nombre des baptêmes, des mariages et des ordinations sacerdotales pour le clergé diocésain.
Inutile de gloser, les chiffres parlent d’eux-mêmes.
Ce qui me hérisse le poil, me pousse à sortir les griffes et à feuler d’indignation, c’est l’obstination – dont je me demande toujours si elle est due à un aveuglement volontaire ou si elle résulte d’un abrutissement consécutif à un abus de la méthode Coué – qu’ont les thuriféraires du second concile du Vatican et des réformes menées, à tort ou à raison (souvent aussi à tort et à travers), en son nom, à célébrer ce fameux « printemps de l’Eglise » aux allures d’interminable hiver meurtrier !
Le second concile du Vatican n’ayant pas voulu préciser de doctrine, mais juste présenter une attitude de l’Eglise qui se voulait en rapport avec les problématiques et les circonstances du temps où il a été réuni – temps, circonstances et problématiques qui ne sont plus les nôtres, maintenant que plus d’un demi-siècle s’est écoulé – doit rejoindre, me semble-t-il, dans les placards de l’histoire, ces autres conciles qui n’ont été réunis que pour traiter des affaires de leur temps, comme le fut, par exemple, le quinzième concile oecuménique, réuni à Vienne (Dauphiné) d’octobre 1311 à mai 1312.
Qui se pose aujourd’hui la question de l’actualité des décrets, constitutions et bulles, sans nul doute inspirés, promulguant les décisions prises par cet authentique concile de l’Eglise au sujet de l’Ordre du Temple, du financement de la croisade et de l’interdiction solennellement faite aux Frères Mineurs de voyager à cheval ?
De la même manière donc, et puisqu’on juge d’un arbre à ses fruits (cf. Matth. VII, 16), qu’on laisse aujourd’hui reposer en paix ce second concile du Vatican, au lieu de nous en rebattre les oreilles usque ad nauseam (*) !
(*) Usque ad nauseam : jusqu’à la nausée.
Un malade qui aspire à retrouver la santé dont il jouissait auparavant est-il un « réactionnaire », un « rétrograde », un « passéiste » ?
Le médecin qui aide un malade à revenir à la santé est-il un « réactionnaire », un « rétrograde », un « passéiste » ?
Alors pourquoi qualifie-t-on de « réactionnaires », de « rétrogrades » et de « passéistes » les personnes qui, voyant que le monde va mal, que la France va mal, que l’Eglise va mal, que la liturgie pratiquée dans l’Eglise latine va mal, aspirent à voir le monde, la France, l’Eglise et la liturgie revenir à un état sain (et même saint !), et oeuvrent pour cela ?
Puisque nous avons célébré, le 28 août, dans une immense allégresse intérieure, notre glorieux Père Saint Augustin et que, nous, Augustiniens, sommes d’ailleurs encore dans l’octave de cette fête, je terminerai par une citation que j’ai découverte dans le volume 44 (année 1900) du « Bulletin de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres » (cf. > ici), relatant le compte-rendu, par l’abbé Duchesne, de découvertes archéologiques romaines.
C’est une citation latine qui sert de légende à une fresque représentant Saint Augustin, fresque peinte dans la bibliothèque du palais pontifical du Latran à l’époque de Saint Grégoire le Grand : « Diversi diversa Patres sed hic omnia dixit romano eloquio mystica sensa tonans ».
La concision et le rythme de la phrase latine sont absolument admirables, et la traduction française proposée est totalement infirme pour les restituer : « Parmi les Pères (de l’Eglise) certains ont dit ceci et d’autres cela, mais lui (Saint Augustin) a tout dit, en faisant résonner dans la langue des Romains des significations cachées. »
Pour moi, je m’efforce de retenir la phrase latine et, stimulé par elle, je m’en retournerai avec encore plus d’ardeur à l’étude des textes admirables de notre glorieux Père Saint Augustin.
Lully, fervent disciple de Saint Augustin.

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Maître-Chat Lully, quelle lucidité, quelle pertinence et toujours pleins de bon sens vos réflexions! On ne peut qu’y souscrire!