2014-79. Ces petits riens qui changent tout…
Il y a quelques semaines, je vous ai parlé de ce recueil des « Paillettes d’or » que nous possédons dans la bibliothèque du Mesnil-Marie, et dont je vous ai déjà retranscris un texte spirituel (ici > les malcontents).
En cette fête de la Transfiguration, voici un autre beau texte extrait des « Paillettes d’or », simple et profond, portant, sous le couvert d’une petite leçon de grammaire, une leçon spirituelle à méditer…
Lully.
Une leçon de grammaire :
Voyez donc comme un préfixe, cette menue syllabe qui se place au gré de l’écrivain à la tête d’un mot, le modifie, le transforme, lui donne des allures ou plus délicates, ou plus fines, ou plus extravagantes.
On nous donnait un jour à définir et à transformer le mot
Figurer
Figurer, c’est habituellement remplir une place uniquement pour ne pas la laisser vide, et rester là comme une tapisserie tout le temps d’une séance, d’une représentation, d’une réception.
Figurer, c’est quelquefois se poser dans un salon, une réunion, même dans la rue, comme ces figures de cire placées devant un magasin de modes et qui rient aux passants de ce rire perpétuel qu’un seul mot peut définir : rire béat.
Figurer, c’est tout naïvement et sans arrière pensée dire : Regardez-moi.
Faites précéder ce verbe, un peu raide de sa nature, d’un petit monosyllabe charmant appelé pronom personnel, le charme, les délices, l’amour de l’égoïste – et vous aurez cet autre verbe qui toujours sur les lèvres amène un sourire de bonheur :
Se figurer
Autant figurer est raide, béat, nul, autant se figurer est gracieux, attrayant, fécond en douces et intarissables illusions.
Se figurer ! Mais ne voyez-vous pas surgir dans votre imagination tout un monde de satisfactions, de vanités, d’applaudissements, de jalousies procurées, d’adulations méritées.
Se figurer ! C’est se sentir, se croire, se savoir quelqu’un – quelqu’un d’important, quelqu’un de nécessaire – quelqu’un qui tient une place dans le monde et dont la disparition laisserait un vide immense.
Se figurer ! C’est ce sentir et se savoir quelque chose – quelque chose qui compte dans l’atmosphère de la politique ou de la littérature – quelque chose qu’on est forcé d’admirer.
O charmant effet d’un petit pronom personnel.
Voulez-vous au verbe se figurer ajouter le petit préfixe dé ?
Voilà subitement une transformation étonnante et troublante :
Se défigurer !
Se défigurer, c’est tout simplement s’enlaidir.
Oh ! non pas, certes, aux yeux de celui qui s’ajoute ces petits riens dont nous allons parler, croyant par là s’embellir – mais aux yeux du public, heureux d’avoir un but à ses fines moqueries, à ses pointes piquantes et acérées et à ses réflexions malignes.
Voyez-le donc, lui qui se figure valoir davantage par sa pose magistrale – par son accent emprunté aux régions hyperboréennes – par la coupe, la couleur, l’agencement excentrique de ses vêtements, par le balancement qui accompagne chacun de ses pas, par le choix de locutions bizarres dont il ornemente son langage – comme avec tous ces préfixes ajoutés à sa personne il a su se défigurer.
Encore ! mais, cette fois, ce n’est pas des yeux du corps qu’il faut regarder, c’est des yeux de l’âme.
Au mot se figurer ajoutez la syllabe trans et, devant vous, resplendira cette ravissante image :
Se transfigurer
Se transfigurer, c’est se diviniser. – C’est rayonner par les yeux, par le sourire, par l’éclat du visage, par la parole, par le maintien, par l’être tout entier, c’est rayonner la divine personne de Jésus-Christ, résidant dans l’âme par la grâce qu’il y a apportée.
Vous êtes transfigurée, jeune fille, qui, venant à la Table Sainte, apportez aux vôtres le dévouement de votre coeur, les grâces de votre visage et l’activité de vos mains, n’ayant qu’une pensée : Etre utile.
Vous êtes transfiguré, jeune homme, qui, obéissant à la voix intérieure qui vous pousse, n’avez qu’un but : faire votre devoir et le faire sans défaillances, prêt à lutter toujours et partout.
Vous êtes transfigurée, mère chrétienne, qui partout où vous êtes, rayonnez sans vous en douter, la paix, la joie, le sacrifice.
Au point de vue moral, le préfixe est la collection des petits riens que, dans la vie de tous les jours, on ajoute à son caractère, comme le préfixe grammatical est la collection des petits mots ajoutés au langage ordinaire.
Les petits riens et les petits mots ont une puissance étonnante pour modifier le sens des phrases et la valeur de la conduite.
Un sourire sur les lèvres en accueillant quelqu’un – une parole aimable, un mot qui flatte, qui rassure, qui ranime – préfixe qui transfigure le visage, le caractère, le cœur.
Un geste d’ennui à une demande importune, un mouvement d’impatience, une parole vive, emportée – préfixe qui défigure le visage, le caractère, le cœur.
Le mot moi revenant à chaque phrase et prononcé avec un certain air de satisfaction : préfixe qui fait poser, et donne cet air béat que nous avons admiré sur les figures de cire des magasins de mode.
Prenons garde aux petits riens !
Vous pouvez laisser une réponse.
Nous aimerions que l’Académie de la langue Française intervienne afin de ne plus trouver de termes Anglo-Saxon dans les textes que nous lisons tous les jours.
Merci
Cher Maître Lully, qui nous transfigure au fur et à mesure de ses interventions préfigurant les bonnes manières que nous devons adopter pour marquer toujours davantage la figure du Christ dans nos vies et mériter de le voir face à face lorsque viendra notre heure!
Merci, Maître, et bonne fête de la Transfiguration à celui qui vous inspire.