2014-62. Pourquoi un « bon chrétien » opposerait-il l’assistance à la messe à la pratique de la charité ?
Vendredi dans l’octave du Saint-Sacrement.
La Charité, allégorie peinte par Simon Vouet (vers 1640)
Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,
L’un de ses amis a fait parvenir à Frère Maximilien-Marie un article de « Témoignage chrétien » (horresco referens !) dans lequel Madame Christine Pedotti, qui est la rédactrice en chef de la sus-dite revue, prétend que « le bon chrétien ne va pas à la messe, il accueille les immigrés ».
Cet ami écrivait : « (…) sur le fond, cette question entre ceux qui adorent Dieu et assistent à tous les offices mais ne manifestent jamais cet amour aux hommes (à tous les hommes), et ceux qui sont des pratiquants plus ou moins réguliers mais s’investissent concrètement envers leur prochain, m’interpelle depuis longtemps. Je serais heureux de recueillir votre avis personnel sur ce « fragile équilibre » qui, me semble-t-il, ne va pas de soi et pour lequel j’en appelle souvent au discernement de l’Esprit-Saint ».
L’une de mes premières réactions, en lisant l’affirmation de Madame Pedotti, eût plutôt été de type polémique ad hominem (en l’occurence ad feminam !) et de demander à cette dame – qui jouit, je crois, d’un assez bon niveau de vie – combien d’immigrés elle accueille de manière habituelle – voire permanente – dans sa propre maison et à sa table (et même si elle l’a déjà fait).
Ensuite, j’eusse eu envie de lui poser la question : « Vous arrive-t-il souvent, chère Madame, d’être empêchée de vous rendre à la messe le dimanche dans votre paroisse, parce que justement dans le quartier où vous habitez il y a, ce matin-là précisément et exactement à l’heure où l’office va commencer, un afflux soudain d’immigrés ? »
Nous nous trouvons ici, une fois encore, devant une manière singulièrement réductrice – simpliste et provocante, selon l’habitude de ces « intellectuels » progressouillards et modernichons – de mettre en complète opposition la pratique religieuse et les oeuvres de bienfaisance.
Il m’a donc semblé judicieux de vous recopier ci-dessous, chers Amis, les éléments de réponse et de réflexion donnés par notre Frère à son ami.
Les voici…
1) Pourquoi la « pratique religieuse » et ce qu’on appelait jadis les « oeuvres de miséricorde » s’excluraient elles l’une l’autre ?
2) Les commandements de Dieu ne sont pas exclusifs l’un de l’autre : celui qui aime Dieu doit mettre en oeuvre TOUS Ses commandements.
Celui qui n’en pratique que certains (selons des critères de sélection absolument subjectifs) n’aime pas Dieu en vérité puisqu’il place sa volonté personnelle et ses choix au-dessus de la volonté de Dieu clairement exprimée : « Or ce qui nous assure que nous Le connaissons, c’est si nous gardons Ses commandements. Celui qui dit Le connaître et ne garde pas Ses commandements est un menteur et la vérité n’est pas en lui » (1 Jean II, 3-4).
3) Or le premier de tous les commandements nous demande d’aimer Dieu par dessus tout – et donc avant les hommes – et ensuite, en conséquence de notre amour pour Dieu, il nous est demandé d’aimer notre prochain pour l’amour de Dieu.
Le troisième précepte du décalogue, avant les commandements relatifs au prochain, nous prescrit aussi de sanctifier le jour du Seigneur ; et la Sainte Eglise, par l’autorité du Saint-Esprit, a précisé la chose en nous expliquant que la sanctification du dimanche nous impose d’assister à la Sainte Messe ce jour-là (premier commandement de l’Eglise).
Quant à nos devoirs de charité envers nos frères, tels qu’ils sont en particulier présentés par Notre-Seigneur Jésus-Christ dans Son fameux enseignement à propos du jugement dernier (« J’avais faim et vous M’avez donné à manger, soif et vous M’avez donné à boire ; J’étais nu et vous M’avez vêtu, étranger et vous M’avez accueilli… etc. » – cf. Matthieu XXV, 31-46), je n’ai point lu dans le Saint Evangile qu’ils nous dispensaient de mettre en oeuvre les trois premiers préceptes du décalogue.
4) La force de pratiquer la charité envers les hommes, par les oeuvres de miséricorde, où la puisons-nous, sinon en Dieu ?
Et qu’est ce qui nous permet de recevoir la force, les grâces et la vie même de Dieu sinon les sacrements, qui nous sont dispensés dans la liturgie de l’Eglise ?
5) Disons-le clairement, ceux qui opposent les choses les unes aux autres ont généralement abandonné au moins une partie de la vérité révélée :
– soit ces progressistes, dont « Témoignage chrétien » est l’organe fossile, qui ne croient ni à la grâce, ni à la vie surnaturelle, ni aux sacrements, pour lesquels la messe consiste en un « partage fraternel » et en une « célébration de leur vécu », mais qui n’ont plus rien de catholique (leur pseudo religion n’étant qu’un horizontalisme borné)…
– soit des « tradis » momifiés, pour lesquels toute la religion se concentre uniquement dans l’assistance très formelle à des cérémonies et dans des idées conservatrices dont la charité concrète est absente, ce qui n’est pas davantage catholique…
La vie de prière ne peut en aucune manière être une façon de se « débarrasser » des oeuvres de miséricorde, tout comme le soin donné aux autres ne peut en aucune manière être une façon de se « débarrasser » du devoir prioritaire de rendre un culte à Dieu et de sanctifier le dimanche !
6) In medio stat virtus !
Il y a une troisième voie, et – Dieu merci ! – nous connaissons des catholiques qui s’efforcent d’avancer par elle ; nous connaissons des fidèles qui vivent (en s’appliquant de leur mieux, malgré leurs faiblesses et leurs péchés, dont ils sont conscients mais contre lesquels ils luttent) en cherchant à observer TOUS les commandements sans faire de sélection entre eux : ceux qui prescrivent comment il convient d’aimer et d’honorer Dieu, et ceux qui prescrivent comment on met en oeuvre la charité envers nos frères, pour l’amour de Dieu !
7) Si les œuvres de bienfaisance ne sont pas alimentées par la foi et par la vie surnaturelle, que l’on puise dans les sacrements, elles ne procèdent pas de la véritable charité : elles ne sont que des actions humaines sans AUCUN MERITE SURNATUREL.
Et si la foi et la pratique religieuse sont sans effets concrets envers notre prochain, par la pratique de ce que la tradition chrétienne nomme « les oeuvres de miséricorde », elles tombent sous le coup de la condamnation sans appel formulée par Saint Jacques dans son épître : « Que servira-t-il, mes frères, que quelqu’un dise qu’il a la foi, s’il n’a point les oeuvres ? Est-ce que la foi pourra le sauver ? Si un de vos frères ou une de vos soeurs sont nus, et s’ils manquent de la nourriture de chaque jour, et qu’un de vous leur dise : « Allez en paix, réchauffez-vous et rassasiez-vous ! » sans leur donner ce qui est nécessaire au corps, à quoi cela leur servira-t-il ? Ainsi la foi, si elle n’a pas les oeuvres, est morte en elle-même » (Jac. II, 14-17).
8) Il faut insister sur le fait que le chrétien n’aime pas son prochain pour lui-même, mais bien pour l’amour de Dieu.
Celui qui aime les autres pour eux-mêmes n’est pas chrétien, il reste à un niveau simplement naturel, alors que Dieu nous demande d’aimer les autres pour l’amour de Lui, c’est-à-dire vraiment surnaturellement.
9) Il y a, à propos de ces divers degrés dans la manière d’aimer, une confusion totale aujourd’hui, d’où l’idée fort répandue que « faire du bien aux autres » (voire « ne pas lui faire de mal ») serait suffisant pour ouvrir à tout mécréant les portes du paradis : c’est faux et archi-faux !
Les oeuvres de bienfaisance, pour être revêtues de mérite surnaturel, doivent être inspirées et accomplies pour l’amour de Dieu et sous la motion de Sa grâce.
10) Les œuvres de miséricorde sont tout à la fois spirituelles et corporelles, elles s’imposent à TOUS les fidèles.
Rappelons donc ce que l’on appelle les oeuvres de miséricorde.
Les œuvres de miséricorde spirituelles sont :
Enseigner l’ignorant.
Conseiller celui qui en a besoin.
Corriger l’égaré.
Pardonner les injures.
Consoler celui qui est triste.
Souffrir avec patience les adversités et les faiblesses du prochain.
Prier Dieu pour les vivants et pour les morts.
Et les œuvres de miséricorde corporelles sont :
Visiter le malade.
Donner à manger à celui qui a faim.
Donner à boire à celui qui a soif.
Secourir le captif.
Vêtir celui qui est sans vêtement.
Accueillir le pèlerin.
Enterrer les morts.
Je terminerai enfin en rappelant que – par définition – le prochain est celui qui se trouve proche de nous, celui que nous côtoyons physiquement : alors que beaucoup d’ « intellectuels » de la tendance de Madame Pedotti ont souvent une conception assez abstraite et idéaliste de « prochains » dont ils sont très éloignés, qu’ils ne rencontrent jamais, et avec lesquels ils n’ont pas de contacts réels.
Bien sûr, le catholique, parce que ce mot signifie « universel », n’est pas dispensé de se préoccuper des misères (réelles) qui se trouvent ailleurs, en de très nombreux endroits de la planète – hélas ! – , mais il est toujours bon d’insister sur le fait que Dieu nous demande d’agir en priorité là où nous nous trouvons, plutôt que là où nous ne sommes pas…

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Et toc ! Rien à dire de plus. C’est parfait !
Excellent texte !
Aimer son prochain « … Cette charité, cet amour vont à Dieu et au prochain suivant le commandement qui fait de ces deux amours une même chose. Dieu est en effet le plus proche de nos prochains ; et le prochain, c’est Dieu qui éprouve en un autre notre amour pour Dieu (…) Le premier pauvre, le premier mendiant à qui nous devons ‘faire la charité’, c’est Dieu. Il est toujours là à nous attendre, méprisé, oublié, offensé, méconnu, bafoué. Servons-Le généreusement ici de sacrifices et de prières, de louanges et d’adoration. »
Le Bx Mgr Vladimir Ghika, Entretiens spirituels, p. 173.
Bien! TB (Très Bien)… Très Bon… même
Que faut-il lire PC ou TC ?
Au prêche du dimanche en 1955 « Faire son devoir d’appelé militaire »,
Alors qu’au même moment « La Vie Catholique Illustrée » qui n’était pas encore devenue pudiquement « La Vie » demandait de donner nos armes au FLN!
Simple analogie pour mon Très Mauvais Esprit (TME)
Bravo, voilà une belle leçon de cathéchisme : aimer Dieu et son prochain, l’un ne va pas sans l’autre ; et son prochain n’est pas un être loin et abstrait, mais son proche, par ex la personne âgée et isolée…
BG.