2014-56. La grâce des cinquante jours rayonne dans toute son expansion.
Deux sermons de Saint Augustin
pour
la fête de la Pentecôte
Vous trouverez ci-dessous la retranscription de deux sermons de notre glorieux Père Saint Augustin pour la fête de la Pentecôte : sans être identiques, ils développent néanmoins certaines idées communes, et c’est pour cette raison qu’il nous a paru judicieux de les publier ensemble.
Les divisions et les sous-titres du texte sont de notre fait.
Premier sermon
de
notre glorieux Père Saint Augustin
pour
la Pentecôte :
§1 – Saint Augustin introduit son discours par une exhortation à la joie et demande à ses auditeurs de prier pour qu’il parle dignement du mystère de la Pentecôte, couronnement des fêtes pascales.
Heureux jour, mes frères bien-aimés ! Jour aimable et ravissant, dans lequel le Seigneur accomplit Ses promesses à l’égard de Ses disciples !
Je vous en conjure, réunissez-vous dans une fervente prière, afin de m’obtenir la grâce de parler dignement de ces profonds mystères, et pardonnez-moi si je reste inférieur à la mission que j’entreprends.
La solennité de Pâques est arrivée à son terme sans rien perdre de son éclat, et nous a préparés aux splendeurs de ce jour : Pâques a été le commencement de la grâce, la Pentecôte en est le couronnement.
§ 2 – La grâce du Saint-Esprit est comparée avec raison à une ivresse spirituelle.
Or, les Apôtres étaient réunis dans le cénacle, attendant la venue du Saint-Esprit, et voici que soudain il se fait un grand bruit dans le ciel : et bientôt les disciples se voient calomniés par les Juifs. En effet, comme ces disciples se répandaient en abondantes paroles, on les crut pris de vin, quoique l’heure même où ils parlaient prouvât qu’ils étaient à jeun.
Du reste, ce n’est pas sans un secret dessein de la Providence que cette accusation leur fut lancée, car Jésus-Christ S’est dit Lui-même la vigne véritable : « Je suis la vigne », dit-Il, « et Mon Père est le vigneron » (Jean, XV, 16).
O vin sobre d’ivresse et produisant l’enivrement de la foi ! O vin cueilli sur une vigne auguste et tiré d’une grappe divine ! Magnifique comparaison : comme la grappe est portée par le cep, Jésus-Christ était porté par la croix.
Or, les disciples étaient remplis du Saint-Esprit, car le Saint-Esprit, qui avait couvert de Son ombre la Vierge Marie, sans porter atteinte à sa pureté, venait de descendre sur les Apôtres en forme de langues de feu, sans brûler leurs cheveux.
§3 – Saint Augustin montre que le miracle des trois jeunes gens dans la fournaise préfigurait le mystère de la Pentecôte – valeur symbolique du chiffre cinquante qui est quarante-neuf plus un.
Le prodige que le Seigneur avait autrefois accompli en faveur des trois enfants dans la fournaise, Jésus-Christ le renouvelle en faveur de Ses douze Apôtres.
Ces trois enfants ont pu être jetés dans une fournaise ardente ; pour entrer dans le feu ils étaient enchaînés, mais bientôt ils purent se promener en toute liberté dans les flammes. Ils convertirent à la foi un roi barbare ; de même le miracle accompli en faveur des Apôtres détermina trois mille personnes à embrasser la foi de Jésus-Christ.
Je ne vous tairai pas, mes frères, les pensées qui assiègent mon esprit dans les joies de cette solennité. Selon la tradition que nous avons reçue de nos ancêtres, la flamme sortant de la fournaise s’élevait à quarante-neuf coudées ; or, c’est ce nombre quarante-neuf qui devait être consacré dans le mystère des sept semaines. Car sept multiplié par sept donne le chiffre de quarante-neuf.
Mais où est le premier jour ? Cherchons-le, afin de compléter le nombre cinquante. Ce jour était dans la fournaise de feu avec les trois enfants : c’est lui qui inspirait leur chant, versait sur eux une rosée rafraîchissante et ôtait aux flammes leur ardeur.
A la vue de ce prodige dont ils étaient témoins, les ministres disent au roi : « O roi, venez et voyez : la fournaise est tout embrasée de soufre et de bitume ; les flammes s’élancent furieuses, et les corps n’en subissent aucune atteinte » – quelque chose est donc venu s’ajouter au nombre précédent.
A cette nouvelle le roi accourt plein de joie et d’allégresse, et avant qu’il arrivât à la fournaise, une grande lumière brillait dans son coeur. Il dit à ses amis : « N’avons-nous pas jeté dans la fournaise trois hommes chargés de chaînes ? » Ses amis lui répondirent : « C’est bien la vérité » (Dan. III, 19). Et le roi, plein de foi, leur dit : « Mais voici que je vois ce que vous ne voyez pas. Je ne sais quelle ardeur me saisit et inonde mon âme d’une lumière intérieure. Vous pouvez être mes amis, mais vous ne pouvez entrer dans mon coeur. Oui, je vois ce que vous ne voyez pas ; je vois une chose admirable, étonnante. Cette fournaise, destinée à dévorer les hommes dans les flammes, a appris à engendrer des anges. Que votre amitié cesse, parce que la foi est devenue l’amie de mon âme. Je ne veux plus que vous soyez mes amis ; je n’ai plus confiance en vos paroles ; je vois Dieu de mes yeux ; mes yeux sont remplis d’une vision magnifique, parce que le quatrième personnage que j’aperçois est semblable au Fils de Dieu. O mes amis, vous savez comme moi que nous avons jeté trois hommes dans la fournaise ; comment donc puis-je en voir quatre se promener dans les flammes ? Quel est ce mystère ? Un feu divin est entré en moi ; je repousse votre amitié et je possède la foi ».
§4 – Exhortation finale.
Mes frères, conservons cette foi dans nos coeurs, afin que nous y conservions le Saint-Esprit comme les Apôtres.
Les trois jeunes gens dans la fournaise
(tablette de Sainte Sophie de Novgorod – fin du XVe/début du XVIe siècle)
Deuxième Sermon
de
notre glorieux Père Saint Augustin
pour
la Pentecôte :
§1 – Introduction : le mystère du cinquantième jour.
Frères bien-aimés, il n’y a que peu de temps nous avons célébré solennellement le quarantième jour, jour de joie pour l’univers tout entier. Depuis lors les révolutions du globe nous ont donné dix jours : le mystère figuratif s’est accompli, nous nous sommes rapprochés du ciel et du Saint-Esprit, et voici que pour la sanctification de l’Orient, de l’Occident, du Nord et du Midi, le Saint-Esprit descend le cinquantième jour et fait rayonner Sa sainteté sous la forme de langues de feu.
§2 – Saint Augustin compare les Apôtres au jour de la Pentecôte avec les trois jeunes gens dans la fournaise.
Mais ce feu purifie plutôt qu’il ne brûle, et il produit encore le rafraîchissement de la sanctification, comme autrefois dans la fournaise il changea les flammes en bienfaisante rosée.
Comment le feu ne deviendrait-il docile et doux sous l’action du Saint-Esprit, puisque la fournaise ardente est devenue un séjour de délices ? Aimons à contempler les lèvres des Apôtres ; aimons à entendre le cantique des enfants ; et sur les Apôtres et sur les enfants nous retrouverons les langues de feu.
C’est l’Esprit-Saint qui a sanctifié vos Pères ; c’est Lui qui a donné à de pauvres pêcheurs le pouvoir de nous faire entendre un langage céleste. Quel étonnement ne dut-on pas éprouver quand on entendit ces enfants dans la fournaise, s’écriant au milieu des flammes : « Vous êtes béni, Seigneur, Dieu de nos Pères ! » (Dan. III, 26).
Les Chaldéens furent saisis d’effroi et ne purent s’expliquer cet étrange spectacle : comment contempler sans frémir ces enfants tout éclatants de lumière, se jouant en liberté dans cet océan de feu et célébrant le Seigneur dans leurs cantiques nouveaux ? De même, au jour de la Pentecôte, que ne durent pas éprouver les Juifs réunis de tous les pays du monde, en entendant les Apôtres leur parler à tous leur propre langue ?
C’est ainsi que le Saint-Esprit réunissait dans une admirable unité toutes les nations de l’univers. Toutes les langues venaient ainsi se confondre dans le langage des Apôtres devenus miraculeusement les interprètes de tous les peuples.
§3 – Le Saint-Esprit réalise une parfaite unité dans une admirable diversité, Lui qui est Dieu et Roi.
Appelés à prêcher le Royaume des cieux à toutes les nations, les Apôtres devaient consacrer dans leur personne la langue de tous les peuples. Ils ne parlaient qu’une seule langue, et cette langue était comprise de tous, semblable à la manne qui n’était que d’une seule espèce et avait la propriété de satisfaire à tous les goûts. Ce prodige était opéré par l’Esprit-Saint qui sait Se révéler dans l’unité de toutes les nations.
En effet, de même que l’Esprit-Saint, Dieu unique avec le Père et le Fils, daigne multiplier Ses dons sans les différencier essentiellement ; de même les Apôtres ne parlaient qu’une seule langue, et cependant tous les auditeurs de nations diverses y reconnaissaient leur propre langage. La vue et l’ouïe y trouvaient une douce satisfaction, car devant une compréhension parfaite la discussion n’est plus possible ; aussi ces pauvres pêcheurs de Galilée paraissaient-ils porter sur leur front et sur leurs lèvres un diadème royal.
Car il est Roi, Celui qui est descendu du ciel ; voilà pourquoi Il siège sur les lèvres des Apôtres comme sur Son trône, après avoir établi en eux Son empire et Sa domination. C’est là ce qu’a su parfaitement accomplir le Saint-Esprit, qui toujours est Dieu dans les pères et dans les enfants, dans les Prophètes et dans les pécheurs.
§4 – Comparaison entre le Cénacle et le Mont Sinaï.
Il aime toujours à reposer sur les hauteurs : Il trouva les Apôtres dans la partie supérieure du cénacle et écrivit la loi dans leur esprit, comme Il l’avait gravée sur les tables, au sommet du Sinaï. C’était alors sur des tables de pierre, à cause de la dureté de coeur des Juifs ; mais aujourd’hui c’est dans l’esprit des Apôtres, parce que nous ne sommes plus sous la loi de crainte, mais sous la loi d’amour. Sur le mont Sinaï, la loi fut donnée au milieu des éclairs et du tonnerre ; dans le cénacle, si ce sont des langues de feu, c’est un feu qui rafraîchit. Au pied du Sinaï, la foule effrayée prenait la fuite pour ne pas entendre la voix terrible du Seigneur ; à Jérusalem, les nations réunies de toutes les parties de l’univers, loin de prendre la fuite, se massent pour entendre le Saint-Esprit parlant par Ses ministres.
§5 – Saint Augustin conclut en mettant en évidence, par le symbolisme des nombres sacrés, la plénitude de grâce et de joie renfermée dans le mystère de la Pentecôte.
Vous avez entendu nommer les Parthes, les Mèdes, les Indiens, les Perses, les Crétois, les Arabes et autres peuples désignés dans le livre des Actes des Apôtres. Le monde tout entier y était représenté ; le quarantième jour, celui de l’ascension du Seigneur, les avait rassemblés à Jérusalem ; parce que le nombre des dix préceptes renferme pour l’univers toute l’autorité des saintes Ecritures. Quatre fois dix font quarante ; reste une autre dizaine qui est celle de la vie éternelle, où les pêcheurs recevront la récompense dont le gage leur a été donné par le Saint-Esprit : toutes les promesses ont reçu leur accomplissement authentique ; le sacrement de la cinquième dizaine s’est pleinement réalisé ; la grâce des cinquante jours rayonne dans toute son expansion, la joie possède toute sa perfection.
Les fêtes de Pâques sont terminées, l’alléluia est rentré dans le silence ; mais pourtant ce n’est plus la tristesse, car nous avons reçu ce précieux gage du Saint-Esprit, et par Lui nous possédons chaque jour l’heureux avantage de vivre avec Jésus-Christ et par Jésus-Christ, de nous préparer dans l’innocence à la célébration de nouvelles fêtes pascales.
La Pentecôte
(tablette de Sainte Sophie de Novgorod – fin du XVe/début du XVIe siècle)

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Que le Saint Esprit nous vienne en aide .
Toujours magnifique à lire
Merci, cher Frère Max.
Belle et sainte fête de Pentecôte !