2014-47. De la vérité.
Vendredi 9 mai 2014,
fête de Saint Grégoire de Nazianze.
Mosaïque de l’ancienne chapelle du Collège Marianopolis à Montréal (Québec) :
« Docete » (= enseignez), et « Ego sum Via, Veritas et Vita » (= Moi, Je suis la Voie, la Vérité et la Vie).
Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,
Tous ceux qui nous connaissent, nous les chats, savent bien que nous sommes des élitistes et, viscéralement, des aristocrates.
S’il y a donc un domaine dans lequel nous avons été prémunis de certaines conséquences du péché originel, auquel – par la faute de l’homme – toute la création a été assujettie (cf. Rom. VIII, 20), c’est bien celui-ci : peut-être encore davantage que tout ce qui vit et respire ici-bas, nous sommes absolument et irrémédiablement éloignés de toute espèce de contagion des « mœurs démocratiques », pour la bonne et simple raison que nous sommes fermement attachés à la vérité des choses…
Je ne pense pas, je ne peux pas croire – parce que cela est contraire à la nature – que la vérité jaillisse du dialogue : si certaines discussions permettent de la mieux mettre en lumière, la vérité n’est en aucune manière la somme – et encore moins la moyenne – des opinions divergentes. Et d’ailleurs toutes les opinions ne se valent pas !
La vérité, c’est ce qui est conforme à la nature des choses créées par Dieu, conforme à l’ordre voulu par Lui dans Sa création.
La vérité n’est pas invention humaine : l’homme la reçoit, soit par les canaux institués par Dieu pour la communiquer, soit par une illumination personnelle qui est de l’ordre de la grâce ; il la découvre aussi – et ce peut être de manière parcellaire et graduelle – par son travail intellectuel, s’il est honnête et fondé sur des bases solides, à travers ses études du monde réel, à l’occasion de certaines rencontres… etc.
Il la trouve également, à un degré supérieur, dans la prière et la contemplation.
La vérité n’est pas facultative, elle s’impose à nous et nous n’avons pas le pouvoir de la changer au gré de nos impressions, de nos sentiments, de nos envies ou de nos intérêts. Nous pouvons certes refuser de nous soumettre à elle et préférer vivre dans une illusion de « liberté » en choisissant l’erreur, mais c’est alors une forme de refus de Dieu dont nous aurons à rendre compte devant Son tribunal.
La vérité n’est pas multiple, elle est une, et elle est unique. Nous ne sommes pas libres de l’accommoder à notre sauce : nous n’avons qu’à la recevoir et à nous soumettre à elle. Nous ne pouvons pas non plus la découper en rondelles pour n’en prendre que ce qui nous arrange.
La vérité n’est pas « évolutive » : elle est un tout, complet et achevé, invariable, depuis que Dieu est Dieu, c’est-à-dire de toute éternité, et – pour ce qui concerne le monde créé – depuis le premier instant de la création.
La vérité n’est pas « démocratique » : elle n’est pas définie par un consensus en fonction d’une majorité, « absolue » ou « relative », elle ne sort pas des urnes, elle vient d’En-Haut, et elle n’a pas besoin pour exister que ceux auxquels elle s’impose soient d’accord avec elle.
Je sais très bien que l’on jette à la tête de ceux qui témoignent de la vérité – surtout quand elle ne fait pas plaisir et ne va pas dans le sens des modes de pensée dominantes – le reproche culpabilisateur de se comporter comme les « détenteurs de la vérité ».
Ceux qui profèrent de tels griefs n’ont plus aussi, dans la même logique, qu’à reprocher aux panneaux routiers d’être les « détenteurs des indications routières » ; mais toute personne sensée conviendra que cela est totalement absurde : on ne confond normalement pas le panneau avec le message qu’il délivre !
De la même manière donc, on n’a pas à confondre le témoin de la vérité avec ce auquel il rend témoignage. Et si l’homme ne « possède » pas la vérité, il peut toutefois être possédé par elle, qui est infiniment plus grande que lui, qui l’enveloppe, qui le fait être et se mouvoir, qui le fait agir et rayonner…
Si aucun homme ne peut « avoir » la vérité comme un bien personnel, cela ne signifie pas qu’aucun homme ne puisse énoncer la vérité, ni qu’il ne doive pas en témoigner de manière claire et catégorique après avoir été saisi par elle.
C’est là tout le sens de la magnifique phrase de Saint Jean : « Nous devons recevoir de cette manière, afin d’être les coopérateurs de la vérité : Nos ergo debemus suscipere huiusmodi, ut cooperatores simus veritatis » (3 Johann. 8). L’homme ne peut être que le coopérateur de la vérité, et, coopérant avec elle, il n’a pas de pouvoir sur elle mais ne peut faire mieux que de se laisser toujours davantage modeler par elle afin de seconder son action.
C’est même un impérieux devoir pour chacun de se faire disciple et serviteur de la vérité, pour coopérer ensuite à son oeuvre.
Accueillir la vérité qui nous vient d’En-Haut et lui faire place en notre vie, témoigner de la vérité, vouloir et travailler pour que les autres intelligences la découvrent à leur tour, pour que les autres coeurs s’ouvrent à elle, pour que les autres esprits se laissent posséder par elle, n’est pas une marque d’intolérance ni un manque de charité, c’est – tout au contraire - la plus parfaite et la plus exquise forme d’amour que l’on puisse avoir envers son prochain.
Je sais très bien que de tels propos, dans l’espèce d’insipide bouillie relativiste et synchrétiste qui tient lieu de pensée à nombre de personnes aujourd’hui, ni ne flattent les ego ni ne participent du « culte de l’homme » dont les progressistes de tout poil s’enorgueillissent en se gargarisant de mots.
Qu’on me permette simplement en guise de conclusion de citer textuellement mon papa-moine, Frère Maximilien-Marie :
« Je suis catholique, je suis religieux, j’ai consacré ma vie depuis l’âge de dix-huit ans au service de la vérité catholique (car il n’y a pas d’amour sans vérité) et je la défendrai – si le Bon Dieu me fait la grâce de persévérer (car je sais bien que par moi-même je ne peux que me casser la figure et trahir) – jusqu’à mon dernier souffle et encore au-delà de ma mort…
Qu’on ne me demande pas – ni par sentimentalisme, ni par complaisance envers les modes morales ou intellectuelles du monde – de dire autre chose que la vérité confiée par Notre-Seigneur Jésus-Christ à Son Eglise et transmise par elle !
Je sais très bien que, ce faisant, je mécontente certains et paraît excessif à d’autres, mais qu’on prenne alors en considération que je ne défends pas des idées personnelles ou des opinions particulières, mais uniquement la vérité divine qui nous est communiquée par Celui qui ne peut ni Se tromper ni nous tromper ».
« La Vérité vous libérera » (Johann. VIII, 32)
Vous pouvez laisser une réponse.
Merci, Frère Maximilien-Marie, pour cette profonde et belle méditation.
En effet la Vérité vient d’en haut ; elle vient de Dieu ; elle est Dieu.
« Je suis la Vérité, le Chemin et la Vie », dit le Seigneur.
Lumineux témoignage, cher Frère.
Que DIEU vous garde, et par là que vous puissiez continuer à nous affermir, nous aider à retrouver la voie droite et à y rester fidèles !
Loué soit Jésus-Christ.
Soeur Thérèse Bénédicte de la Croix (Edith Stein):
« N’acceptez rien comme vérité qui soit privé d’amour. Et n’acceptez rien comme amour qui soit privé de vérité ! L’un sans l’autre devient un mensonge destructeur »
Un chrétien possède la vérité qu’il sait être en Jésus-Christ.
Et l’Eglise qui est le Corps mystique du Christ la possède de ce fait entièrement.
Des chrétiens, y compris des prêtres, si ce n’est des prélats, prétendent que nous n’avons pas la vérité, que l’Eglise n’a pas le monopole de la vérité. C’est vrai qu’il y a des parts de vérité en dehors de l’Eglise, puisque « La vérité, c’est ce qui est conforme à la nature des choses créées par Dieu, conforme à l’ordre voulu par Lui dans Sa création ». Mais l’Eglise la possède, parce qu’elle possède le Christ tout entier, parce qu’elle est d’institution divine.
J’aime beaucoup.