2013-89. Des origines de Notre-Dame selon « La Légende Dorée ».

Domenico Ghirlandaio Joachim chassé du temple - Florence Santa Maria Novella

Saint Joachim chassé du Temple (Domenico Ghirlandaio, fresque à Santa Maria Novella – Florence)

       Initialement intitulé « Legenda Sanctorum alias Lombardica hystoria » (qui se traduit : ce qui doit être lu au sujet des saints ou histoire de la Lombardie), cet ouvrage rédigé, entre 1261 et 1266, par le Bienheureux Jacques de Voragine – dominicain et archevêque de Gênes – , fut rapidement appelé « Legenda aurea ».
La traduction française « Légende Dorée » ne rend pas exactement le sens des mots latins : « legenda », il faut insister là-dessus, doit être traduit par : « les choses qui doivent être lues », et n’a pas au Moyen-Age ce sens de récit fabuleux qui est aujourd’hui celui du mot français légende.
Quant au qualificatif « aurea » – traduit par dorée – , il veut en réalité signifier que le contenu de ce recueil de choses à lire est particulièrment précieux, autant que s’il s’agissait d’or !

   Pour composer son ouvrage, le Bienheureux Jacques de Voragine a réuni en un seul récit les traditions concernant la vie des saints, la vie de Notre-Dame et la vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ, que l’on peut trouver dans les oeuvres des Pères de l’Eglise tels que Saint Jean Cassien, Saint Jérôme, Saint Augustin, Saint Jean Chrysostome, Saint Jean Damascène, Bède le Vénérable… etc. et quelques historiens ecclésiastiques comme Saint Grégoire de Tours ou Vincent de Beauvais.

    »La Légende Dorée » eut un succès considérable et, par suite, une diffusion exceptionnelle : avec la Sainte Bible et le psautier ce fut l’ouvrage le plus recopié, le plus répandu. Le premier ouvrage imprimé en français, à Lyon en 1476, fut « La Légende Dorée ».

   Dès lors, et même si les historiens d’aujourd’hui se plaisent à le dénigrer, ce texte se révèle indispensable pour comprendre la tradition iconographique religieuse de l’Occident (et même de l’Orient parfois) : un nombre incalculable de tableaux, d’enluminures, de sculptures dans nos cathédrales, dans nos églises et dans nos musées ne peuvent être compris et correctement interprêtés sans la connaissance de ces traditions dont « La Légende Dorée » est en quelque sorte le compendium.

   Il m’a paru très profitable de publier ci-dessous quelques extraits de « La Légende Dorée » concernant les origines de la Très Sainte Vierge Marie et les circonstances dans lesquelles elle fut conçue.

Lully.

Bartolo di Fredi l'annonciation à St Joachim - Pinacothèque vaticane

L’annonciation à Saint Joachim (Bartolo di Fredi – Pinacothèque vaticane)

Anne conçut, enfanta une fille et lui donna le nom de Marie :

       La glorieuse Vierge Marie tire son origine de la tribu de Juda et de la race royale de David. Or, saint Matthieu et saint Luc ne donnent pas la généalogie de Marie, mais celle de saint Joseph, qui ne fut cependant pour rien dans la conception de Jésus-Christ.
C’est, dit-on, la coutume de l’Écriture Sainte de ne pas établir la suite de la génération des femmes, mais celle des hommes. Il est très vrai pourtant. que la sainte Vierge descendait de David ; ce qui est évident parce que l’Ecriture atteste en beaucoup d’endroits que Jésus-Christ est issu de la race de David. Mais comme Jésus-Christ est né seulement de la Vierge, il est manifeste que la Vierge elle-même descend de David par la lignée de Nathan.
Car entre autres enfants, David eut deux fils, Nathan et Salomon.
De la lignée de Nathan, fils de David, d’après le témoignage de saint Jean Damascène, Lévi engendra Melchi et Panthar, Panthar engendra Barpanthar, et Barpanthar engendra Joachim, et Joachim la Vierge Marie.
Par la lignée de Salomon, Nathan eut une femme de laquelle il engendra Jacob. Nathan étant mort, Melchi de la tribu de Nathan, qui fut fils de Lévi, mais frère de Panthar, épousa la femme de Nathan, mère de Jacob, et engendra d’elle Héli. Jacob et Héli étaient donc frères utérins, mais Jacob était de la tribu de Salomon et Héli de celle de Nathan. Or, Héli, de la tribu de Nathan, vint à mourir, et Jacob, son frère, qui était de la tribu de Salomon, se maria avec sa femme, suscita un enfant à son frère et engendra Joseph.
Joseph est donc par la nature fils de Jacob ; en descendant de Salomon, et selon la loi, fils d’Héli qui descend de Nathan. Selon la nature, en effet, le fils qui venait alors au monde était fils de, celui qui l’engendrait, mais selon la loi, il était le fils du défunt. C’est ce que dit le Damascène (…).

   Or, Joachim épousa une femme, nommée Anne, qui eut une soeur appelée Hismérie. Cette Hismérie donna le jour à Elizabeth et à Eliud. Elizabeth donna le jour à Jean-Baptiste (…).

Giotto di Bondone l'annonciation à Ste Anne - Chapelle Scrovegni Padoue

L’annonciation à Sainte Anne (Giotto di Bondone, fresque de la chapelle Scrovegni – Padoue)

   Or, Anne eut, dit-on, trois maris, savoir : Joachim, Cléophas et Salomé.
De son premier mari, c’est-à-dire de Joachim, elle eut une fille qui était Marie, la mère de Jésus-Christ, qu’elle donna en mariage à Joseph, et Marie engendra et mit au monde Notre-Seigneur Jésus-Christ.
A la mort de Joachim, elle épousa Cléophas, frère de Joseph, et elle en eut une autre fille qu’elle appela Marie, comme la première, et qu’elle maria dans la suite avec Alphée. Marie, cette seconde fille, engendra d’Alphée, son mari, quatre fils, qui sont Jacques le mineur, Joseph le juste qui est le même que Barsabas, Simon et Jude.
Anne, après la mort de son second mari, en prit un troisième ; c’était Salomé, de qui elle engendra une autre fille qu’elle appela encore Marie et qu’elle maria à Zébédée. Or, cette Marie engendra de ce Zébédée deux fils, savoir : Jacques le majeur et Jean l’évangéliste. (…)

   Joachim donc, qui était de la Galilée et de la ville de Nazareth, épousa sainte Anne de Bethléem.
Tous les deux justes et marchant avec droiture dans l’accomplissement des commandements du Seigneur, faisaient trois parts de leurs biens : l’une affectée au temple et aux personnes employées dans le service du temple ; une seconde donnée aux pèlerins et aux pauvres, une troisième consacrée à leur usage particulier et à celui de leur famille.

   Pendant vingt ans de mariage, ils n’eurent point d’enfants, et ils firent vœu à Dieu, s’il leur accordait un rejeton, de le consacrer au service du Seigneur. Pour obtenir cette faveur, chaque année, ils allaient à Jérusalem aux trois fêtes principales. Or, à la fête de la dédicace, Joachim alla à Jérusalem avec ceux de sa tribu, et quand il voulut présenter son offrande, il s’approcha de l’autel avec les autres. Mais le prêtre, en le voyant, le repoussa avec une grande indignation ; il lui reprocha sa présomption de s’approcher de l’autel en ajoutant qu’il était inconvenant pour un homme, sous le coup de la malédiction de la loi, de faire des offrandes au Seigneur, qu’il ne devait pas, lui qui était stérile et qui n’avait pas augmenté le peuple de Dieu, se présenter en compagnie de ceux qui n’étaient pas infectés de cette souillure.

Benozzo Gozzoli la  rencontre à la porte dorée - fresque Castelfiorentino

La rencontre de Sainte Anne et de Saint Joachim à la Porte Dorée
(Benozzo Gozzoli, fresque conservée à la bibliothèque de Castelfiorentino)

   Alors Joachim tout confus, fut honteux de revenir chez lui, de peur de s’entendre adresser les mêmes reproches par ceux de sa tribu qui avaient ouï les paroles du prêtre. Il se retira donc auprès de ses bergers, et après avoir passé quelque temps avec eux, un jour qu’il était seul, un ange tout resplendissant lui apparut et l’avertit de ne pas craindre (il était troublé de cette vision) : « Je suis, lui dit-il, un ange du Seigneur envoyé vers vous pour vous annoncer que vos prières ont été exaucées, et que vos aumônes sont montées jusqu’en la présence de Dieu. J’ai vu votre honte, et j’ai entendu les reproches de stérilité qui vous ont été adressées à tort. Dieu est le vengeur du péché, mais non de la nature, et s’il a fermé le sein d’une femme c’est pour le rendre fécond plus tard d’une manière qui paraisse plus merveilleuse, et pour faire connaître que l’enfant qui naît alors, loin d’être le fruit de la passion, sera un don de Dieu. Sara, la première mère de votre race, n’a-t-elle pas enduré l’opprobre de la stérilité jusqu’à sa quatre-vingt-dixième année ? et cependant elle mit au monde Isaac auquel avaient été promises les bénédictions de toutes les nations. Rachel encore n’a-t-elle pas été longtemps stérile ? toutefois elle enfanta Joseph qui fut à la tête de toute l’Egypte. Y eut-il quelqu’un plus fort que Samson et plus saint que Samuel ? tous les deux eurent pourtant des mères stériles. Croyez donc à ma parole et à ces exemples, que les conceptions tardives et les enfantements stériles sont d’ordinaire plus merveilleux. Eh bien ! Anne, votre femme, vous enfantera une fille et vous l’appellerez Marie. Dès son enfance, elle sera, comme vous en avez fait voeu, consacrée au Seigneur ; dès le sein de sa mère, elle sera remplie du Saint-Esprit ; elle ne restera point avec le commun du peuple, mais elle demeurera toujours dans le temple du Seigneur, afin d’éviter le moindre mauvais soupçon. Or, de même qu’elle naîtra d’une mère stérile, de même elle deviendra, par un prodige merveilleux, la mère du Fils du Très-haut, qui se nommera Jésus, et qui sera le salut de toutes les nations. Maintenant voici le signe auquel vous reconnaîtrez la vérité de mes paroles : quand vous serez arrivé à Jérusalem à la porte Dorée, vous rencontrerez Anne, votre femme ; et en vous voyant elle éprouvera une joie égale à l’inquiétude qu’elle a ressentie de votre absence prolongée ».
Quand l’ange eut parlé ainsi, il quitta Joachim.

   Or, Anne tout en pleurant dans l’ignorance de l’endroit où était allé son mari, vit lui apparaître le même ange qu’avait vu Joachim ; et il lui déclara les mêmes choses qu’il avait dites à celui-ci, en ajoutant que, pour marque de la vérité de sa parole, elle allât à Jérusalem, à la porte Dorée où elle rencontrerait son mari qui revenait.

   D’après l’ordre de l’ange, tous deux vont au-devant l’un de l’autre, enchantés de la vision qu’ils avaient eue, et assurés d’avoir l’enfant qui leur avait été promise.
Après avoir adoré le Seigneur, ils revinrent chez eux, attendant joyeusement la réalisation de la promesse divine. Anne conçut donc, enfanta une fille et lui donna le nom de Marie.

Quentin Massys triptyque de Ste Anne partie centrale la sainte parenté

La sainte parenté : au centre Sainte Anne, la Vierge Marie et l’Enfant Jésus,
entourées des autres filles de Sainte Anne et de leurs enfants :

en bas à droite Sainte Marie Salomé avec  ses fils Saint Jacques le Majeur et Saint Jean (futurs apôtres)
en bas à gauche Sainte Marie de Cléophas avec les Saints Simon et Jude, Saint Jacques le Mineur (futurs apôtres) et Saint Joseph Barsabas, dit le juste.
A l’arrière plan (de gauche à droite) : Cléophas deuxième époux de Sainte Anne, Saint Joseph époux de Marie, Saint Joachim, et Alphée troisième époux de Sainte Anne.
(Quentin Massys, triptyque de Sainte Anne – musée royaux des beaux-arts, Bruxelles)

Le 8 décembre illuminons nos fenêtres en l’honneur de Notre-Dame > ici

Vous pouvez laisser une réponse.

11 Commentaires Commenter.

1 2
  1. le 7 décembre 2022 à 18 h 35 min Goës écrit:

    Un rappel que tous les catholiques devraient connaître.

1 2

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>

A tempo di Blog |
Cehl Meeah |
le monde selon Darwicha |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | mythologie
| jamaa
| iletaitunefoi