2013-11. « Le monde a-t-il jamais joui d’une félicité durable ? »

Sermon
de
notre glorieux Père Saint Augustin

sur
les tribulations et les misères de ce monde

2013-11. « Le monde a-t-il jamais joui d'une félicité durable ? » dans Chronique de Lully sandro-boticelli-st-augustin-dans-sa-cellule

Boticelli : Saint Augustin dans sa cellule

       Dans l’esprit du magnifique temps de la Septuagésime (pour ce qui concerne ce temps liturgique voir > ici), voici un court sermon de notre glorieux Père Saint Augustin bien propre à favoriser notre réflexion sur notre condition terrestre, sur ces vicissitudes, mais aussi sur le recul qu’il nous est indispensable d’acquérir par rapport aux évènements et tribulations d’ici-bas (nota : les divisions et les résumés des diverses parties que nous avons intercalés sont de notre fait). 

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§ 1. Notre époque n’est pas plus mauvaise que les précédentes : les siècles passés n’apparaissent bon qu’à ceux qui n’y ont pas vécu. C’est en raison du péché que le genre humain, à tous les âges, est soumis à des tribulations diverses.

   Toutes les fois que nous éprouvons quelque tribulation ou quelque misère, nous devons y voir un avertissement et une correction. Nos Saints Livres eux-mêmes, en effet, ne nous promettent pas la paix, la sécurité et le repos : ils nous annoncent, au contraire, des tribulations, des misères et des scandales. L’Evangile ne s’en tait pas : « Mais », dit-il, « celui qui persévérera jusqu’à la fin sera sauvé » (Matth. X, 22). De quel bonheur l’homme a-t-il joui en cette vie, depuis le moment où notre premier père nous a mérité la mort et a reçu la malédiction de Dieu, malédiction dont le Christ Seigneur nous a délivrés ? « Mes frères », dit l’Apôtre, « ne murmurez pas, comme quelques uns d’entre eux ont murmuré et ont trouvé la mort dans la morsure des serpents » (I Cor. X, 10). Aujourd’hui, mes frères, le genre humain est-il soumis à des épreuves inconnues jusqu’à nos jours, et que nos pères n’aient pas subies avant nous ? Ou plutôt, souffrons-nous seulement ce que, au dire de l’histoire, ils ont souffert en leur temps ? Et tu rencontres des hommes qui murmurent de l’époque actuelle ! Quand est-ce que nos aïeux ont eu à se louer entièrement de leur existence ? Hé quoi  ? Si l’on pouvait faire remonter ces hommes au temps de leurs pères, ils murmureraient encore. Parmi les siècles passés, lequel, à ton avis, a été bon ? Ils t’apparaissent bons, parce que tu n’y as pas vécu. Aujourd’hui, pourtant, tu as échappé à la malédiction, tu crois au Fils de Dieu, tu es imbu et instruit de la doctrine renfermée dans nos Saints Livres. Je m’étonne de te voir supposer qu’Adam ait passé une vie paisible : or, tes parents n’ont-ils pas hérité d’Adam ? C’est bien à lui que Dieu a adressé ces paroles : « Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front ; tu travailleras la terre d’où tu as été tiré, et elle te produira des ronces et des épines » (Gen. III, 18-19). Il a mérité cette punition, il l’a reçue et cela a été l’effet du juste jugement de Dieu.

* * * * *

§ 2. Exemples tirés de la Sainte Ecriture prouvant la dureté des temps passés : les tribulations actuelles ne doivent donc pas nous entraîner à murmurer contre les dispositions de la Providence.

   Pourquoi donc t’imaginer que les temps anciens ont été meilleurs que le temps présent ? Depuis le premier Adam jusqu’à l’Adam d’aujourd’hui, il y a eu travail et sueurs, ronces et épines. Il y a eu le déluge, des moments difficiles, des années de famine et de guerre, les annales de l’histoire en font mention ; nous ne devons donc point prendre occasion des jours actuels, pour murmurer contre Dieu. Nos ancêtres ont vu jadis, et il y a de cela bien longtemps, de bien tristes choses : alors se vendait à poids d’or la tête d’un âne mort (IV Rois II, 25) ; on achetait à prix d’argent la fiente de pigeons (ibid.) ; on vit même des femmes s’engager mutuellement à faire mourir leurs enfants pour les manger (IV Rois VI, 28) : lorsqu’elles furent arrivées à bout du premier, la mère du second ne consentit point à tuer le sien : la cause fut donc portée au tribunal du roi, et celui-ci se reconnut plutôt comme coupable que comme juge. Mais à quoi bon rappeler les guerres et la famine de ce temps-là ? Qu’elles ont été terribles, les calamités d’alors ! A en entendre le récit, à le lire, nous frémissons tous d’horreur. En réalité, n’est-ce point pour nous un motif de remercier Dieu, au lieu de nous plaindre de l’époque où nous vivons ?

* * * * *

§ 3. Tribulations et inquiétudes sont inhérentes à notre condition terrestre.

   Quand le genre humain s’est-il trouvé à l’aise ? En quel temps n’a-t-on pas vu régner la crainte et la douleur ? Le monde a-t-il jamais joui d’une félicité durable ? De trop vieilles misères n’ont-elles pas toujours été son partage ? Si tu ne possèdes pas, tu brûles d’acquérir ; et si tu possèdes, ne crains-tu point de perdre ? Et ce qu’il y a en cela de plus malheureux, c’est qu’en dépit de tes désirs et de tes craintes, tu te trouves bien. Tu vas épouser une femme : qu’elle soit mauvaise, elle fera ton supplice ; qu’elle soit bonne, tu auras une peur incessante de la voir mourir. Avant de naître, les enfants sont une source de douleurs atroces ; ils n’inspirent que des inquiétudes, une fois qu’ils sont nés. Qu’on est heureux à la naissance d’un enfant, et, toutefois, comme on redoute de le voir mourir et de le pleurer ! Où rencontrer une existence à l’abri du malheur ? La terre que nous habitons ne ressemble-t-elle pas à un immense navire ? Ne sommes-nous pas, comme des nautoniers, ballottés au gré des flots, sans cesse exposés à perdre la vie, toujours battus par l’orage et la tempête, à chaque instant menacés du naufrage, et soupirant ardemment après le port ; car ils ne sentent que trop qu’ils sont des passagers ? Par conséquent, peut-on vraiment appeler bons des jours remplis d’incertitude, qui passent avec la rapidité de l’éclair, dont on peut dire qu’ils ont fini avant de commencer, et qu’ils ne viennent qu’afin de cesser d’être ?

* * * * *

§ 4. Les seuls jours qui seront véritablement bons seront ceux de l’éternité : vivons donc saintement pour mériter d’y prendre part.

   Donc, « où est l’homme qui souhaite vivre et désire voir des jours heureux ?» (Ps. XXXIII, 13). Pour ce bas monde, il n’y a, à vrai dire, ni vie, ni jours heureux. Les seuls jours de bonheur sont ceux de l’éternité. Ce sont des jours, et des jours sans fin ; le Prophète l’a dit : « J’habiterai pendant toute la durée des jours éternels (Ps. XXII, 9), parce qu’un jour passé dans votre demeure vaut mieux que mille jours » (Ps. LXXXIII, 10). Oui, un jour sans fin est préférable à tous les autres. Voilà ce qu’il nous faut désirer : voilà ce qui nous est promis en termes ordinaires et se réalisera d’une manière ineffable. « Où est l’homme qui souhaite vivre ? » On dit tous les jours : Vie et vie ; mais pour celle-ci, de quoi s’agit-il ? « Et désire voir des jours heureux ? » Tous les jours, on parle même d’heureux jours ; et, si on les examine de près, il n’y en a plus. Tu as aujourd’hui passé une bonne journée, si tu as rencontré ton ami, et si cet ami consentait à rester avec toi, quelle bonne journée tu passerais ! Après avoir rencontré son ami, l’homme ne se plaint-il pas d’avoir dû le quitter ? Voilà comme est bon, pour toi, le jour qui te quitte après t’avoir visité. J’ai passé de bonnes heures : où sont-elles ? Ramène-les-moi. J’ai passé un moment agréable : tu t’en réjouis ; plains-toi plutôt de ce qu’il n’est plus. « Quel est l’homme qui souhaite vivre et désire voir des jours heureux ? » Et tous de s’écrier : « Moi ! » Mais ce ne sera qu’après cette vie, après les jours présents. Il nous faut donc attendre ; mais que nous recommande-t-on de faire pour parvenir à ce que l’avenir seul peut nous procurer ? Que ferai-je dans cette vie telle quelle, pour arriver à la vie et voir des jours heureux ? Ce que dit ensuite le Psalmiste : « Préserve ta langue de la calomnie et tes lèvres des discours artificieux ; éloigne-toi du mal et pratique le bien » (Ps. XXXIII, 14-15). Fais ce qui est commandé, et tu recevras ce qui est promis. S’il y a des efforts à t’imposer et que tu aies peur de la peine, que, du moins, l’éclat de la récompense te ranime !

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3 Commentaires Commenter.

  1. le 22 janvier 2013 à 19 h 49 min Rosine écrit:

    Cher Frère Maximilien-Marie, merci pour ce texte de Saint Augustin, rempli de sagesse et de connaissance du coeur humain.

    Cependant, vouloir retrouver ce que fut la France catholique, ce n’est pas croire à un passé bien plus heureux, pas du tout. C’est redécouvrir comment tout était organisé autour de Jésus-Christ et de l’Église et comme nous vivons depuis 220 ans dans le mensonge et la falsification de la petite histoire et de la grande Histoire, cette recherche de la Vérité n’a rien de béat, ni de naïf, ni d’illusoire.

  2. le 22 janvier 2013 à 18 h 12 min Luciani écrit:

    « Le vieillard qui revient à la source première
    Entre aux jours éternels et sort des jours changeants »

    Victor Hugo aurait-il lu St Augustin?
    Mais il a lu certainement l’A.T., source des méditations du grand évêque.
    Les jours heureux ne sont pas de ce monde.
    Le passé heureux une illusion.
    Merci, St Augustin, de nous le rappeler!

  3. le 22 janvier 2013 à 16 h 20 min Abbé Jean-Louis D. écrit:

    Le bon sens de l’intelligence et de la sainteté de Saint-Augustin!
    Méditation à conserver précieusement.
    Merci!

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