2012-75. « Je me suis rendu aujourd’hui aux funérailles d’une vieille amie… »

Lundi 5 novembre 2012.

Mon très cher Lully,

Tu m’as demandé de mettre par écrit ce que je t’ai raconté tout à l’heure en rentrant. Je m’en acquitte bien volontiers.
J’ai bien conscience toutefois – puisque ton blogue est public et qu’il n’y a pas que les amis du Refuge Notre-Dame de Compassion qui peuvent en lire les textes – que cela risque de me susciter de nouvelles critiques et inimitiés. Je n’en ai cure, puisque ce que je vais écrire n’est que vérité et qu’il ne peut donc y avoir que des ennemis de la vérité pour y trouver à redire.

* * * * * * *

Je me suis rendu aujourd’hui aux funérailles d’une vieille amie, décédée dans sa quatre-vingt-quatorzième année. Elle priait à mon intention avant même que je ne la connaisse – au temps de mes lointaines années de lycée! – parce qu’elle avait entendu parler de moi par des amis communs.
Ce n’est qu’après être entré dans la vie religieuse que je l’ai rencontrée pour la première fois et, depuis lors, nous sommes toujours restés en contact.

Native de la petite ville où j’ai moi-même passé mon enfance et mon adolescence, l’église dans laquelle ses funérailles étaient aujourd’hui célébrées – église dans laquelle elle avait été baptisée et confirmée, église dans laquelle elle avait fait sa première communion et s’était mariée – est aussi l’église où j’ai moi-même reçu les sacrements de baptême, de confirmation et d’Eucharistie, église où ont mûri beaucoup de choses dans mon âme, église dans laquelle je n’entre jamais sans une profonde émotion spirituelle…

2012-75.

Cependant le bonheur intérieur que j’ai toujours à retourner dans « mon » église était aujourd’hui – et il en est ainsi toutes les fois où les convenances m’obligent à assister à une cérémonie religieuse en dehors des églises où est célébré le rite latin traditionnel – mêlé à de la crainte et à de l’appréhension.
Je pense que beaucoup de fidèles catholiques pratiquant la « forme extraordinaire du rite romain » doivent éprouver les mêmes inquiétudes que moi chaque fois qu’ils doivent assister à un culte « post-conciliaire ».

Qui va célébrer? Ce prêtre sera-t-il vraiment catholique? Comment va-t-il célébrer? Que vais-je devoir subir comme entorses aux règles liturgiques? Quelles chansonnettes insipides mes oreilles vont-elles devoir supporter? Quelles âneries, quelles erreurs ou même quelles hérésies vais-je encore devoir entendre au sermon?… etc.
Toutes ces questions, je ne peux pas faire autrement que de me les poser car si (heureusement!) il existe des diocèses où la messe montinienne est célébrée de manière convenable, avec toute la Foi de l’Eglise, dans une très grande majorité de paroisses, tu sais, mon cher Lully, que c’est – hélas! – quelque chose de tout à fait exceptionnel sur le territoire de ce diocèse-ci.

Et – tu le sais aussi d’expérience – il est vain de tenter de respectueuses protestations auprès de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements puisque la réponse sera ce qu’elle a déjà été : « Ce Dicastère vous invite à porter vos observations à l’attention de votre Evêque, qui est compétent pour connaître les affaires relatives à la célébration de la liturgie dans son diocèse » (sic), et que par ailleurs l’exemple des entorses aux règles de la liturgie est donné par ceux-là mêmes dont la charge serait de les faire appliquer!…

Bref! Comme chaque fois que je ne peux faire autrement que d’assister à une cérémonie en dehors de la « forme extraordinaire du rite romain », je me suis donc préparé à y assister comme on va assister à un rite étranger, et en m’efforçant malgré tout de prier intérieurement pour le repos de l’âme de ma vieille amie, indépendamment de ce qui se passerait dans le sanctuaire ou autour de moi.
Je dis bien : « Comme à chaque fois que je ne peux faire autrement… » Ces circonstances qui ne permettent pas de faire « autrement » ce sont essentiellement, comme aujourd’hui, des funérailles auxquelles les convenances ainsi que l’amitié que vous portiez au défunt ne vous autorisent pas de vous dérober.

Les dimanches et fêtes, la question ne se pose pas : je vais dans une église dont je suis certain que le prêtre est catholique, la liturgie catholique, l’enseignement catholique… quand bien même il me faut pour cela parcourir habituellement 120 kilomètres, et parfois 220.
Les quelques dimanches où les conditions de circulation ne me permettent pas de me rendre dans ma paroisse – pleinement catholique – , je sanctifie le dimanche de mon mieux au Mesnil-Marie, paisiblement, sans chercher à me rendre à tout prix – à 15 km de là – dans une église de ma paroisse territoriale où il y a une « messe » : en effet je doute fermement qu’elle remplisse les conditions de validité de la célébration du Saint-Sacrifice.

Ce ne sont pas là des paroles en l’air.
Pour qu’une Messe soit valide, il faut qu’elle soit célébrée par un prêtre validement ordonné, qui prononce, sur le pain et sur le vin, les paroles de la consécration reçues par l’Eglise, avec l’intention de faire ce que veut faire l’Eglise.
L’intention du prêtre n’est pas son intention « subjective », mais l’intention qu’il manifeste à travers le rite qu’il utilise.
Je me répète et j’insiste :
il est nécessaire que le prêtre aie l’intention de faire ce que l’Eglise fait. Or ce que l’Eglise fait est codifié par le rite et par les règles liturgiques précises qui ont été édictées par le Saint-Siège.

Un prêtre qui, malgré ce qui est écrit dans le missel et malgré les multiples rappels à l’ordre de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, n’utilise pas les ornements prescrits, invente les oraisons ou va les prendre dans des « fiches » non approuvées par l’autorité compétente, modifie les textes, fait des ajouts ou bien retranche des parties entières des formules liturgiques, montre à l’évidence qu’il se fiche complètement de ce que veut faire l’Eglise.
Si, en outre, dans une discussion, ce même prêtre a nié devant vous la doctrine catholique du Saint-Sacrifice telle qu’elle a été définie par le Concile de Trente comme aussi d’autres points non négligeables de la foi catholique, et que vous savez qu’il lui arrive de « concélébrer » avec un pasteur, il vous est très légitimement permis de douter de la validité de la « messe » (ou prétendue telle) qu’il célèbre.

J’ai été long, mais il fallait redire ces choses pour bien faire comprendre que ces craintes et appréhensions que j’éprouvais en me rendant aux funérailles de ma vieille amie ne sont pas d’ordre subjectif mais sont au contraire pleinement fondées.

* * * * * * *

C’est bien ce que je redoutais auquel j’ai assisté aujourd’hui.

J’ai beau « pratiquer » avec la messe latine traditionnelle, je connais néanmoins les règles liturgiques du nouvel ordo.
Il était donc difficile que je ne remarquasse pas les irrégularités de cette « messe » : le « salut à l’assemblée » a consisté en un interminable laiüs dont je ne suis pas parvenu à comprendre le sens ; le texte de la « préparation pénitentielle » n’appartenait pas aux formules proposées par le missel ; tous les « le Seigneur soit avec vous » prescrits ont été omis par le célébrant ; il n’y a pas eu d’acclamation liturgique de l’Evangile (qui est devenue « bonne nouvelle ») ; dans la lecture de la péricope évangélique nous avons eu droit à « venez à moi, vous tous et vous toutes, qui ployez sous le poids du fardeau… » parce que, de toute évidence, il convenait de faire ressortir que Notre-Seigneur Jésus-Christ n’était pas machiste ; le sermon était un charabia incompréhensible ; à l’offertoire « le travail des hommes » a été remplacé par « le travail de tous » (tiens! nous n’avons pas eu droit à « et de toutes ») et à donné lieu à une glose de tonalité syndicale ; le lavabo a disparu ; le « sanctus » était trafiqué ; la prière eucharistique (numéro deux bien évidemment : il faut faire vite!) a subi un soudain développement sur l’assemblée plénière des évêques de France ; l’embolisme du Pater est passé à la trappe ; l’ « Agnus Dei » était un « chant de paix » ; l’oraison après la communion était de toute évidence une improvisation dont la conclusion s’adressait au Fils par le Père (oui, oui! j’ai bien entendu) et dont le Saint-Esprit s’était envolé ; l’absoute a consisté en un dernier prêchi-prêcha qui n’était pas une prière ; l’aspersion du corps par le célébrant avec l’eau (était-elle bénite?) ressemblait à une grimace mais pas à un signe de croix… (je ne dirai rien des cantiques très « datés » qui nous ont été infligés : hérités des années soixante-dix du siècle passé, ils ne constituent nullement une prière pour les défunts).

A côté de ce « célébrant principal », il y avait un prêtre concélébrant, très digne, ami de la défunte : c’est lui qui lui a donné les derniers sacrements. Je sais qu’il a la foi catholique, et il avait l’air bien ennuyé de la tournure de ces funérailles.
Lorsque j’ai été le saluer après la cérémonie, il m’a confié qu’il n’était pas certain que le célébrant principal avait consacré réellement, mais que lui-même avait dit les paroles correctes et que la messe était valide…

Tout cela est absolument affligeant et l’on se trouve bien loin de la plénitude de paix et d’espérance que donne la célébration des funérailles selon la « forme extraordinaire du rite romain » avec les sublimes pièces de la « messe des morts »!
Pour moi, vous vous en doutez bien, je ferai célébrer des Saintes Messes de Requiem, dans le rite latin traditionnel, à l’intention de ma vieille amie.
Et vous, qui m’avez lu, ayez la charité, je vous le demande, de réciter à son intention un « De Profundis » ou un « Requiem aeternam ». Soyez en remerciés!

Frère Maximilien-Marie du Sacré-Coeur.

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6 Commentaires Commenter.

  1. le 6 novembre 2012 à 23 h 36 min Daniel A. écrit:

    UN PETIT RAPPEL QUI FAIT REFLECHIR :

    ‘Soyons reconnaissants, aux gens du Moyen Âge de nous avoir gardé le canon dans sa pureté, et de n’y avoir pas fait entrer leurs effusions personnelles ni leurs idées théologiques. On se figure quelle salade nous aurions aujourd’hui s’il avait été permis à chaque génération de refaire le canon à la mesure des controverses théologiques ou des nouvelles formes de piété. Il est à souhaiter que l’on continue à imiter le bon sens de ces hommes, qui avaient leurs idées théologiques, mais qui comprenaient que le canon n’était pas pour eux un champ d’exercice. C’était à leurs yeux l’expression d’une tradition vénérable, et ils sentaient qu’on ne pouvait pas y toucher sous peine d’ouvrir la porte à toute sorte d’abus. »

    Dom B. Botte L’Ordinaire de la Messe, Paris, 1953, p. 27

  2. le 6 novembre 2012 à 12 h 56 min NDN écrit:

    L’Ardèche est un des départements français les plus sinistrés de France. Que ce soit au niveau autoroutier ou au niveau liturgique, c’est pareil.
    D’après mes informations, c’est le dernier (ou l’avant-dernier ?) département de France où il n’existe pas la forme extraordinaire. Les quelques fois où j’y suis allé, j’ai remarqué que les gens y étaient très anti-cléricaux (on avait l’impression d’être encore sous la troisième république…. Une chose est sûre : le grand Chanéac n’a pas fait d’adeptes !).

    Votre description de la situation ne me choque pas.
    Dans d’autres paroisses en France (car je ne fais pas de l’ardéchophobie primaire :-) ), j’ai déjà vu des espèces de « dames » qui ont même censuré la péricope de St Paul (« Femmes, soyez soumises à votre mari… ») car cela était horriblement machiste. Un « conte » a été lu à la place avec la bénédiction du curé.
    Et je pourrai continuer longuement la liste…

    Fort heureusement, il existe plusieurs paroisses avec la forme extraordinaire chez moi…
    Ça me permet de garder la foi…

  3. le 6 novembre 2012 à 10 h 34 min Jean-Louis P. écrit:

    Un très utile rappel de ce qu’est une véritable liturgie.
    Merci.
    JLP

  4. le 6 novembre 2012 à 8 h 41 min Clara V. écrit:

    Merci, Cher Frère, vous avez expliqué tout ce que je pourrais dire chaque fois que par la force des choses j’assiste à un  »office post-conciliaire » avec ces phrases qui m’écorchent les oreilles, leurs textes dans les  »prions en Eglise » que je déteste, ces textes si loin de ce qu’ils devraient être…
    Ces prêtres ont donc eu le cerveau si lavé qu’ils ne savent plus ce qu’il convient de dire ou de faire?…
    Quelle tristesse!
    Oui, récitons pour votre amie des De Profundis et Requiem !

  5. le 6 novembre 2012 à 8 h 40 min Michèle écrit:

    Cher Frère,
    D’abord, permettez que je vous adresse toutes mes condoléances, pour la perte de votre amie.
    Ensuite, et comme vous le savez, je ne suis pas attachée, comme vous, à la célébration sous la forme extraordinaire du rite romain, cependant, pour vivre et pour avoir vécu de si pauvres et si affligeantes messes « arrangées », je vous comprends et je compatis, mais en vous lisant, et je ne suis aucunement choquée par vos propos.
    Je me suis réjouie qu’une Messe de funérailles ait été dite à l’intention de votre chère amie, et que vous et le prêtre concélébrant ayez été présents pour « valider » son entrée dans la Lumière divine.
    Je prierai pour la paix de son âme auprès de ND de Lourdes où je me rends, comme vous le savez déjà, dès cet après-midi.
    Je prierai aussi pour vous et votre famille, soyez béni, mon Frère, et ne changez rien, c’est comme cela que l’on vous aime!

  6. le 6 novembre 2012 à 8 h 38 min Dany V.V. écrit:

    Beau résumé de ce qui se pratique désormais à peu près partout.
    C’est bien cela mon souci : la cérémonie de mes obsèques sera-t-elle catholique?
    Même si je dis autour et alentour que je souhaite des funérailles chrétiennes, une messe de rite extraordinaire et un « enterrement » traditionnel, rien n’est moins sûr…
    Ma belle mère demande régulièrement pour mon beau père, très croyant, décédé il y a trois ans, des messes qui n’en sont que de nom, parfois même « célébrées » SANS PRETRE, parfois typiquement protestantes, et tout le monde l’accepte en râlant sur les temps actuels !
    Dans le Nord, le dimanche, je vais au monastère des religieuses de Quiévrain, en Belgique, à 20 mn de chez moi, où un prêtre de la FSSPX vient dire la messe … mais en Ardèche?
    Heureusement que vous recevez parfois des prêtres dans votre Mesnil Marie … Et puis votre présence, là bas, dans la montagne, m’apaise et, quelque peu, me rassure….

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