2011-47. De Saint Jean-François Régis, « apôtre du Vivarais et du Velay ».
Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,
Dans notre petite province, la date du 16 juin est importante sur le plan spirituel, car c’est le jour de la fête de celui qui est invoqué comme « apôtre du Vivarais et du Velay » : Saint Jean-François Régis.
Portrait de Saint Régis sur une estampe du XVIIe siècle
conservée au musée de Rennes.
Aperçu de la biographie de Saint Jean-François Régis :
Languedocien, né à Fontcouverte (à égale distance de Narbonne et de Carcassonne) le 31 janvier 1597, dans une famille de petite noblesse, Jean-François de Régis, qui a manifesté très jeune une grande maturité spirituelle, entre au noviciat de la Compagnie de Jésus à l’âge de 19 ans.
Après deux années de noviciat et les premiers voeux, les constitutions de Saint Ignace prévoient que le nouveau religieux sera exercé à l’enseignement : le jeune Régis est donc professeur de grammaire pendant trois ans, avant d’être envoyé étudier la philosophie pendant trois autres années à l’université de Tournon sur Rhône.
C’est le premier contact de Jean-François Régis avec le haut-Vivarais, terriblement meurtri au sortir des « guerres de religion » : il emploie le temps que ses études laissent libre à catéchiser les enfants des villages des environs et à leur apprendre à aimer Notre-Seigneur.
Vinrent deux autres années de professorat – au collège du Puy-en-Velay – , puis les études de théologie à Toulouse.
Le Père Régis célébra sa première Messe le dimanche de la Sainte Trinité, 26 mai 1630 (note : on ne connaît pas de manière exacte la date de son ordination sacerdotale. Fut-il ordonné au samedi des Quatre-Temps d’été 25 mai 1630, ou bien – selon un usage assez courant à cette époque-là et conformément à l’exemple de Saint Ignace lui-même qui avait attendu un an et demi pour se préparer à célébrer sa première messe – avait-il été ordonné bien avant ? La date de sa première Messe, elle, est certaine parce qu’il l’annonça lui-même à sa mère dans une lettre).
Il est dans sa trente-quatrième année et il lui reste dix ans à vivre.
Rempli de zèle missionnaire et enthousiasmé au récit des labeurs apostoliques et du martyre des Jésuites qui évangélisent le Nord de l’Amérique, le Père Régis eût désiré qu’on l’envoyât au Canada, mais ses supérieurs le désignèrent pour répondre à la demande de Monseigneur Louis-François de La Baume de Suze, évêque de Viviers, qui entreprenait la reconstruction spirituelle de son diocèse après les ravages causés par l’hérésie protestante. « Votre Canada, c’est le Vivarais ! », lui déclara le prélat en lui montrant son diocèse du haut d’un promontoire. Et il est bien vrai que Saint Jean-François Régis se trouvera parfois dans des conditions tout aussi extrêmes que celle du grand Nord canadien, au cours des rudes et longs hivers vivarois !
« Votre Canada, c’est le Vivarais ! » :
Mgr de La Baume de Suze confie à St Régis l’évangélisation du Vivarais
(scène du diorama de Georges Serraz – La Louvesc).
Désormais, le Père Régis, que les habitants du Vivarais et du Velay n’appelleront bientôt plus que « le bon père » ou « le saint père », passera le plus clair de son temps dans ces missions de l’intérieur qui refont le tissu chrétien de la France.
A partir de 1636, il est rattaché au collège du Puy-en-Velay. La vie du Père Régis s’articule autour de deux pôles :
a) pendant la belle saison (au cours de laquelle le peuple des campagnes est très pris par les travaux des champs) un apostolat essentiellement urbain : assistance aux malades et aux mourants, visite des prisonniers, création et animation d’oeuvres de miséricorde (soupe et vestiaire populaires, refuge pour les jeunes filles afin de les arracher à la prostitution et en faveur desquelles il encourage l’artisanat de la dentelle qui leur assure un gagne-pain…), catéchismes dans les églises de la ville, longues heures au confessionnal…
b) pendant la mauvaise saison (qui peut durer six, voire huit, mois dans les villages situés en altitude), pendant laquelle les travaux des champs sont impossibles, les missions dans les paroisses de montagne.
Saint Jean-François Régis, debout sur une congère, sollicité par les foules avides de l’entendre,
prêche en plein air, dans les montagnes du Vivarais
(scène du diaporama de Georges Serraz – La Louvesc).
Il parcourt les plateaux vellaves et les escarpements vivarois à pied, par tous les temps : avec son visage riant, ses manières simples et franches, sa constante disponibilité, sa capacité à parler, prêcher et entendre les confessions en occitan, sa ferveur joyeuse et conquérante, et par dessus tout le rayonnement d’une charité inépuisable, le Père Régis multiplie les conversions et enracine fortement et durablement le peuple des montagnes dans la foi catholique.
Pour ces montagnards du Vivarais et du Velay – race plutôt trapue, râblée – , Jean-François Régis, qui mesure au moins 1,92 m, paraît presque un géant ; mais s’il est capable, à l’occasion, de faire preuve d’une étonnante force physique, c’est sa douceur qui impressionne et subjugue.
Le Père Régis fait preuve d’une endurance quasi incroyable : très austère pour lui-même, ne dormant guère plus de trois heures par nuit (il emploie le temps où les autres dorment à de longues heures d’oraison et d’adoration du Saint-Sacrement), il ne lui vient même pas à l’esprit qu’il devrait se ménager un peu lorsque tant d’âmes sont assoiffées de Dieu et de la grâce !
La veille de Noël 1640, il arrive à La Louvesc après avoir été égaré par une tempête de neige et passé la nuit dans une masure en ruines.
Malgré la fièvre qui le ronge déjà, il se met aussitôt au confessionnal, prêche, célèbre la Sainte Messe et… tombe d’épuisement dans l’église glaciale.
Transporté au presbytère et couché près de la cheminée, il confesse encore et encore pendant des heures.
Le 31 décembre, un peu avant minuit, il se redresse dans un ultime effort et le frère qui le veille l’entend prononcer : « Ah! mon frère, je vois Notre-Seigneur et Notre-Dame qui m’ouvrent les portes du Paradis… » Après un dernier « in manus tuas », il rend son âme de feu à Dieu. Il était âgé de quarante-trois ans et onze mois.
« Ah! mon frère, je vois Notre-Seigneur et Notre-Dame qui m’ouvrent les portes du Paradis… »
Mort de Saint Jean-François Régis le 31 décembre 1640 un peu avant minuit
(scène du diorama de Georges Serraz – La Louvesc)
La mission qu’il a ouverte sur la montagne, dans cette bourgade loin de tout, le 24 décembre 1640 ne sera jamais clôturée, mais elle se perpétue depuis lors : son tombeau, jalousement conservé par les montagnards, devient aussitôt un lieu de pèlerinage sur lequel les grâces physiques et spirituelles se multiplient.
Canonisé le 16 juin 1737, c’est le jour anniversaire de cette glorification qui est désigné pour être désormais celui de sa fête liturgique (le 31 décembre ne s’y prêtant pas).
Importance du culte de Saint Jean-François Régis en Vivarais et en Velay :
Dans tout le diocèse de Viviers et dans une partie importante de celui du Puy-en-Velay, le souvenir et le culte de Saint Jean-François Régis sont restés très vivants et très enracinés pendant plus de trois siècles : pratiquement pas une église où l’on ne trouve sa statue (il serait plus exact d’écrire « où l’on ne trouvait sa statue » car malheureusement un certain nombre d’églises a été dévasté par la fureur iconoclaste de la désastreuse période post-conciliaire), quand il ne s’agit pas aussi d’un vitrail ou d’un autel qui lui est dédié ; de nombreux villages et hameaux ont conservé le souvenir de son passage, des carrefours ou des places où il a prêché et qui sont encore signalés par une croix ou une statue, des maisons dans lesquelles il a mangé ou dormi, des fontaines ou des sources qu’il a bénies et dont on recueille toujours l’eau avec vénération… etc.
La Louvesc reste un lieu de pèlerinage où, à la suite de nombreux saints (Saint Benoît-Joseph Labre, Saint Marcellin Champagnat, Saint Jean-Marie Vianney, Sainte Philippine Duchesne, Sainte Thérèse Couderc… etc.), les fidèles viennent implorer une grâce, remercier, puiser des forces spirituelles et grandir dans leur vie chrétienne.
Mais il n’y a pas que La Louvesc ; il existe aussi de petits pèlerinages locaux – églises paroissiales ou chapelles marquées par le souvenir de Saint Régis – qui font, le 16 juin, l’objet d’une cérémonie annuelle, sans parler, au Puy-en-Velay, de l’église dite « du collège » (parce qu’elle fut la chapelle du collège des jésuites auquel Saint Régis était rattaché, cf. supra) où cette célébration revêt toujours une solennité particulière.
Certes, à La Louvesc ou ailleurs, les pèlerins ne sont plus aussi nombreux qu’ils le furent dans les périodes de grande ferveur populaire : depuis une cinquantaine d’années la déchristianisation officielle de la société se fait malheureusement sentir, ajoutée à la sécularisation d’un clergé qui, sous prétexte « d’ouverture au monde » ou de « concile », s’est laissé entraîné par le naturalisme, les idéologies destructrices de la foi, du zèle et de la ferveur, et a souvent critiqué – voire combattu – les marques de la dévotion populaire…
Saint Jean-François Régis au Mesnil-Marie :
En notre Mesnil-Marie, nous sommes très heureux d’avoir hérité d’une statue et de reliques de Saint Jean-François Régis, bien à l’honneur dans notre oratoire provisoire en ce 16 juin (cf. photo ci-dessous).
Mais il y a plus encore : nous avons la certitude morale que Saint Régis est passé dans notre hameau, soit à l’occasion de sa mission au Cheylard et dans les alentours, en 1635, soit à l’occasion de celle à Fay-le-Froid (aujourd’hui Fay-sur-Lignon) et autour du Mézenc, en 1636.
En effet, sans s’astreindre à établir un itinéraire détaillé et exhaustif de tous les lieux dans lesquels est passé le saint missionnaire, les contemporains ont écrit au sujet de ces missions dans notre contrée que le Père Régis n’avait pas laissé un hameau, fut-il très éloigné, ni n’avait pas laissé une ferme, aussi isolée qu’elle fut, sans aller y porter la sainte parole de Dieu.
A cette époque-là, notre hameau – où était tout de même établi un notaire royal ! – pouvait compter une dizaine de feux et sa population être de 30 à 50 âmes.
Saint Jean-François Régis, dont le passage est dûment attesté à quelques kilomètres d’ici, est donc très certainement venu y prêcher : comme je l’ai écrit plus haut, si nous n’en avons pas la trace sur un document, nous en avons la certitude morale !
Voilà pourquoi, en mémoire de ses missions dans les Boutières et autour du Mézenc, Frère Maximilien-Marie a résolu d’édifier, dès que cela sera possible, un oratoire dédié à Saint Jean-François Régis dans notre jardin de fleurs en bordure du chemin. En attendant et dès à présent, qu’il bénisse le Refuge Notre-Dame de Compassion et tous ses amis fidèles.
Lully.
Statue et reliques de Saint Jean-François Régis au Mesnil-Marie.
Articles connexes :
les « Litanies de Saint Jean-François Régis » > ici
et la chronique d’un pèlerinage à La Louvesc au cours de l’été 2008 > ici
Vous pouvez laisser une réponse.
Magnifique et touchant rappel de la vie de ce Saint apôtre du Velay-Vivarais.
Et le prénom REGIS qui était donné dans nombre de familles perpétuait, le souvenir du Saint évangélisateur de ces sucs et vallées proches de la jeune Loire ….Mais c’était avant…avant les années soixante.
Je pousse un cri de révolte : avant d’ aller prêcher l’Evangile au loin, que nos missionnaires réévangélisent notre pauvre pays, la FRANCE qui oublie et renie sa foi…
Merci de nous conter ces belles vies de nos saint(e)s de France.
Puissent-ils veiller sur notre pays et sur nous dans cette période si trouble qui nous déroute et nous fait mal…
Merci, cher Lully, de m’enseigner si souvent et merci à Frère Maximilien qui a exaucé mon voeu d’avoir les litanies à imprimer.
Je garde un merveilleux souvenir de mon passage à La Louvesc.
Merci de m’avoir fait connaître St Jean-François Régis (je ne connaissais que son nom): un saint merveilleusement paysan, savant, français!
Merci. Je transmets tout de suite à mon petit fils.
Bien à vous.
JLP
Cher Lully,
Transmettez mes remerciements à votre maître pour ce récit édifiant, que je vais transmettre à un de mes gendres, qui porte le beau prénom de Régis, « du roi ».
Que ce beau serviteur de Jésus-Christ, vrai Roi de France, nous protège et nous garde dans ces temps difficiles.
Si vous le voulez bien, laissez-moi vous caresser la tête !
GPP
Quel bonheur que de ré-entendre l’histoire de la vie de Saint Régis, sous la verve de Maître Chat Lully!
Un pèlerinage « mental » en cette fin de journée et une profonde méditation avec ce Saint qui m’est cher, mais aussi Sainte Thérèse Couderc à qui je dois tellement !
J’aime beaucoup ces Saints si …simples, si …humains dont les miracles -oui, miracles- consistent en des grâces spirituelles qui vous enveloppent et vous emmènent au Saint Coeur de Jésus et Marie, tels des tourbillons, des tsunamis même, dans les vagues desquels il n’y a pas la mort. Si ce n’est la mort à soi-même, pour renaître « autrement » …en vérité, peut-être.
Et, ces saints, à condition de les laisser faire, d’accepter les grâces offertes, vous habitent d’une manière …continue, sereine et heureuse ! Ils vous accompagnent, vous guident, à votre insu même !!! Voilà ce qu’est la grâce spirituelle!
Cher maître Lully, que vous écriviez l’histoire de vie à travers l’Histoire de ces Saints nous fait le plus grand bien !
Mais oseriez-vous proposer à votre papa-moine d’organiser des pèlerinages en votre Vivarais et des retraites en votre Mesnil-Marie ?
N’omettez pas de me donner ou de me faire donner la réponse ! Je compte sur vous, n’est-ce pas ?
Bien affectueusement à vous.
Magnifique vie que celle de Saint Jean-François Régis si bien résumée!
Ayant rencontré messire Lully sur place, je tiens à le saluer tout spécialement.
J’ai été heureux de revoir l’intérieur du Mesnil et la statue du Saint.