2011-42. Du « Grand Chanéac » et de la chouannerie dans les Hautes Boutières.
15 mai : anniversaire de la mort du Grand Chanéac.
Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,
Si je prononce le mot chouan, je suis certain que le plus grand nombre va spontanément penser à la Bretagne, à la Normandie ou au Maine. Toutefois – et sans que cela leur ôte le moindre mérite – la vérité historique oblige à rappeler que la chouannerie ne fut pas une exclusivité des provinces de l’Ouest de la France.
Pour ne parler que du Vivarais où est implantée notre Mesnil-Marie - proche d’autres terres de résistance opiniâtre à la révolution (Velay, Gévaudan, Cévennes, Forez, Lyonnais… etc.) -, il ne faut pas oublier qu’on s’y insurgea contre les mesures des assemblées dites « constituante » puis « législative » bien avant le soulèvement vendéen !
Je ne peux pas faire ici un cours d’histoire détaillé, toutefois chaque 15 mai ramène ici l’anniversaire du rappel à Dieu de l’une des plus éminentes figures emblématiques de la contre-révolution dans ces Hautes-Boutières où nous vivons : le « Grand Chanéac ».
Alors aujourd’hui, j’ai résolu de vous en parler à mon tour.
Né le 11 décembre 1759 au mas des Sucheyres – sur le territoire de la paroisse de Saint-Andéol de Fourchades -, dans une famille de paysans relativement aisés, Jean-Pierre François Chanéac était donc dans sa trentième année à l’été 1789.
Bel homme, de haute taille, intelligent et instruit, il avait – selon les traditions – envisagé pendant un temps le sacerdoce et fait quelques études pour cela ; il aurait ensuite suivi des cours de médecine, avant de se marier et de prendre la suite de son père comme fermier du « Clapas », l’une des grandes fermes du domaine de Pierre de Julien de Baumes – seigneur de Fourchades, Saint-Martial et Bourlatier -, au point de jonction des vallées des Hautes-Boutières et du haut plateau vivarois.
La ferme du Clapas,
près de laquelle le « Grand Chanéac » remporta une belle victoire sur le général Boisset, le 21 novembre 1797
(cliquer sur l’image pour la voir en grand).
Si certains des chefs de bande qui tinrent la « montagne » pendant ces années de trouble et d’insécurité eurent des comportements peu exemplaires, si quelques uns se donnèrent le titre de « chouan » bien davantage pour se livrer au brigandage et s’enrichir que mus par un noble idéal, tel n’est pas le cas du « Grand Chanéac ».
C’était un homme animé par une foi vive et éclairée, et il n’est point douteux que ce fut l’un des principaux motifs, sinon le principal motif, de sa résistance.
Dans toute cette contrée, malgré l’exemple déplorable donné par l’évêque de Viviers, Monseigneur Charles de Lafont de Savines – personnage fantasque et tête légère qui fut l’un des quatre évêques d’Ancien Régime à prêter le serment schismatique de la constitution civile du clergé -, les prêtres, très proches de leurs paroissiens et très aimés d’eux, ne prêtèrent le serment qu’avec des restrictions importantes, ce qui le rendait nul et faisait d’eux des « réfractaires », passibles de la prison, de la déportation ou – tout simplement! – de la guillotine.
« Réfractaires », les curés et vicaires de Saint-Andéol de Fourchades, Saint-Martial, Borée, Sainte-Eulalie… etc. restèrent sur place (jamais des prêtres intrus ne purent les remplacer) et continuèrent à régir leurs paroisses, à administrer les sacrements et à célébrer la Sainte Messe dans la clandestinité (voir aussi > ici).
Il serait bien trop long de raconter ici toutes les anecdotes qui existent au sujet de ces prêtres, de leur héroïsme et de leur zèle généreux qui ne faiblit pas pendant près de dix années : en effet la persécution anti-chrétienne ne dura pas seulement pendant ce qu’il est convenu d’appeler la « grande terreur » (du début septembre 1792 à la fin juillet 1794), mais fut régulièrement relancée par des décrets jusqu’au temps de la pacification religieuse opérée par le concordat (1802).
Le « Grand Chanéac » protégeait les bons prêtres et il leur assurait sécurité et subsistance dans les fermes isolées dont il était le propriétaire (les Sucheyres, Gombert… etc.).
Homme de fidélité, de conviction et d’idéal, on a de bonnes raisons de penser qu’il était en lien avec les principaux chefs de la résistance à la révolution dans un plus vaste périmètre : le comte de La Mothe, le marquis de Surville, Charles et Dominique Allier (frères de l’abbé Claude Allier, prieur de Chambonas, qui avait été l’une des chevilles ouvrières des rassemblements et soulèvements de Jalès).
Malgré les « bleus » et la traque acharnée qu’ils menèrent contre lui, il fut le véritable maître de ces contrées pendant tout le temps de la révolution.
La mémoire populaire a fait du « Grand Chanéac » une véritable figure de légende : sur sa jument noire, nommée « La Vendée », ou dans les cachettes quasi inaccessibles de cette vallée escarpée (proche du Mesnil-Marie) qu’on nomme « le gouffre de l’enfer », avec ses chouans qui lui étaient tout dévoués, avec le soutien massif de la population, il tint les « bleus » en échec pendant plus de dix ans : se dévouant sans compter « Pour Dieu et pour le Roy », il n’hésita pas à dépenser son bien pour la Cause et même à s’endetter lourdement.
Après la révolution, il s’emploiera à rembourser ses débiteurs et ne se prévaudra en rien de ses exploits pour se dérober aux devoirs de l’honnêteté.
Ruines du mas des Sucheyres où naquit et mourut le « Grand Chanéac »
et où il cacha de nombreux prêtres pendant la révolution.
Entouré de l’estime générale, le « Grand Chanéac » s’est éteint le 15 mai 1841, au mas des Sucheyres où il était né 81 ans et cinq mois auparavant.
Les traditions locales rapportent que jusqu’en sa vieillesse il dirigeait de sa voix puissante le chœur des chantres de l’église de Saint-Andéol de Fourchades. On raconte aussi qu’on transporta son cercueil vers l’église sur une tombereau traîné par deux bœufs blancs.
A presque deux siècles de sa disparition, alors que les traditions anciennes commencent à s’estomper et que des esprits malveillants – souvent par parti pris idéologique – ont cherché à ternir sa réputation, le qualifiant de « brigand », Frère Maximilien-Marie a tenu à entretenir le « devoir de mémoire » et à lui rendre justice : samedi dernier, il avait donc organisé une promenade commentée sur les lieux où s’illustra le « Grand Chanéac ».
Il a eu la très grande joie de voir venir à ce rendez-vous des descendants du chouan des Hautes-Boutières, et notre Frère est bien résolu désormais à s’employer à faire davantage connaître et aimer cette belle et grande figure qui (même si le chant a été composé bien après la grande révolution) n’aurait sans doute pas dédaigné d’unir sa voix à la nôtre pour chanter comme nous aimons à le faire :
Les bleus sont là, le canon gronde,
Dites les gars avez vous peur :
Nous n’avons qu’une peur au monde
C’est d’offenser Notre-Seigneur!
Les bleus chez vous dansant la ronde
Boiront le sang de votre coeur :
Nous n’avons qu’un amour au monde,
C’est l’amour de Notre-Seigneur!
Vos corps seront jetés à l’onde,
Vos noms voués au déshonneur :
Nous n’avons qu’un honneur au monde
C’est l’honneur de Notre-Seigneur!
Alors debout, le canon gronde,
Partez les gars, soyez vainqueurs :
Nous n’avons qu’un espoir au monde,
C’est la victoire du Seigneur!
Lully.
Pour écouter le chant « Les Bleus sont là », faire un clic droit sur l’image ci-dessous,
puis « ouvrir dans un nouvel onglet » :
Autres publications relatives au Grand Chanéac :
- Les messes clandestines dans nos hautes Boutières pendants la grande révolution > ici
- la bataille du Clapas, le 21 novembre 1797 > ici

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Je descends en direct par les femmes du grand Chanéac, dont j’ai eu l’occasion de lire la vie…
Au-delà de la constitution civile du clergé, qui a motivé cet homme de foi profonde, il y a eu aussi la vente des immenses biens religieux qui a essentiellement profité à une bourgeoisie de la ville, interdisant la chasse et le glanage sur ses terres, et la départementalisation éloignant les centres de décision du Puy à Annonay, créant de nombreux mécontentements et plongeant un peu plus les paysans pauvres dans la misère…
Je suis de ce pays, mon terrain est contigu au « gouffre de l’enfer », mon voisin Régis Chanéac – descendant du grand Chanéac – me chantait la chanson des Chouans en patois, c’était impressionnant. Il me contait des faits d’armes en Patois et un tout petit peu de Français. C’était un homme assez grand et solide, en 1986 il à souffert d’un cancer de la gorge qui l’à terrassé, vers la fin je lui apportais des petits pots de bouillie pour bébé. Sa maison façe au gouffre de l’enfer a été détruite en 1987 par une tempête. Chaque fois que je passe devant cette maison, je le ressens et je dis bonjour humblement.
Bonjour,
Sans trop y croire je cherche sur google « le grand chanéac » car j’en ai entendu un peu parler et je souhaite transmettre à mon fils des valeurs sur ses ancêtres. Je ne sais pas si mon père est un descendant de ce grand Monsieur et la seule piste est qu’il est né en Ardèche et porte son nom, ceci dit, je demeure impressionnée par ce destin même si cela est un combat d’hier. Ce chant très émouvant nous transporte dans le temps. Merci.
Un très grand merci de faire resurgir, surtout en ce moment, des faits oubliés, de ce type.
Grâce à la mise en ligne par les archives départementales des registres de catholicité des paroisses mêmes de petits villages, l’on peut retrouver des choses très intéressantes, sur sa famille. Notamment lorsqu’il s’agit de parentèles prêtres, voir leurs noms, les actes qu’ils ont signés jusqu’à certaine date, et imaginer tout ce qui a pu leur arriver après…c’est vraiment très émouvant.
Poème composé par Monseigneur de Galard, évêque du Puy au moment de la révolution.
Ou le serment ou l’indigence,
Mon coeur, pourrais-tu balancer?
Adieu pour toujours, opulence,
de toi je saurai me passer.
La barque sans être dorée
N’arrive-t-elle pas au port?
Par les revers l’âme épurée,
monte au ciel avec moins d’effort.
Autour de moi l’onde écumante,
fait mugir ses flots rugissants,
Calme, je ris de la tourmente,
et de ses assaults impuissants.
Ô mer, fonds sur moi tout entière,
tu ne pourras pas m’engloutir,
Je suis dans la barque de Pierre,
Là, craint-on jamais de périr?
(Mai 1791)
Que d’informations, d’enseignements originaux inconnus auparavant!
Cette fois-ci, la chouannerie du Vivarais, et le vaillant Chanéac.
Comment peut-on laisser sa maison en ruine ?
Qui pourra la reconstituer ?
Voilà du travail pour des bénévoles !
Le 17 mai,
Toute ma gratitude d’historien et de Vivarois, pour l’évocation du « Grand Chanéac » et de la Contre-Révolution dans les Hautes-Boutières. Cette Histoire de la « Chouannnerie » du Vivarais doit être préservée de l’oubli et ne doit pas être une parente pauvre de notre passé.
Pierre G.
Bien malheureusement, la seule crainte « valable » d’offenser Notre-Seigneur, semble ne plus être une « maladie » propre à la France !
Même dans les pays où la séparation de l’Eglise et de l’Etat n’a encore pas eu lieu, la bactérie de la perte de la Foi – non celle, sentimentalisante – la vraie … bat de l’aile pour ne pas dire qu’elle a perdu ses ailes ! Plus aucune action, aucun acte, aucune pensée ne se met au service de Notre-Seigneur et Sa très Sainte Mère. « On » ne pense au Christ et « on » ne le prie QUE quand il y a une catastrophe !!!
Je ne pensais pas que l’apostasie était aussi avancée. La « politique » en est intimement liée, bien malheureusement.
Alors qu’il est si …simple, de se laisser guider par Sa volonté, à condition de bien vouloir avoir l’envie d’en faire l’effort !
Pardonnez-moi de ne pouvoir développez avec une logique un peu plus construite … la connexion fait des siennes. Ce que je sais, pour en faire l’expérience de plus en plus « forte » et de plus en plus « formelle » (merci Seigneur! de ce cadeau) c’est qu’il n’y a aucun autre moyen de …s’en sortir que d’être au service de Sa volonté : quelle qu’elle soit et aussi inhumaine puisse-t-elle nous sembler. Seule l’humilité totale et inconditionnelle nous permettra d’agir selon Sa volonté et sans chercher à vouloir tout expliquer.
Je vous remercie, je vais garder ce texte très instructif.
Mes « amis » sur Facebook diront ce qu’ils voudront : je vais partager avec eux ce très beau chant…
Certains seront émus, je le sais ; d’autres affreux jojos iconoclastes vont me traiter de « facho » ! Mais peu importe …
Il y a un décalage certain, non ?
Qui, aujourd’hui, peut être ému à la pensée de ce qu’ont subi les Français à la période de la Révolution ?
On ne sait rien ! On ne nous a rien appris, même chez mes affreuses bonnes soeurs !
Et on découvre, petit à petit…
Effacez ça vite !