2011-19. Le temps de la Septuagésime.
Le temps de la Septuagésime est une période de trois semaines qui précède l’ouverture du carême.
Le temps de la Septuagésime commence toujours la neuvième semaine avant Pâques et compte trois dimanches qui sont respectivement appelés dimanches de la Septuagésime, de la Sexagésime et de la Quinquagésime.
Ces appellations proviennent du système de comptage en usage dans l’antiquité et désignent la décade dans laquelle tombe chacun de ces dimanches : si en effet l’on divise les neufs semaines qui précèdent Pâques en séries de dix jours, on constate que le premier de ces neuf dimanches tombe dans la septième dizaine, le deuxième dimanche dans la sixième dizaine, le troisième dimanche dans la cinquième dizaine ; de là viennent leurs noms respectifs de dimanches in Septuagesima, in Sexagesima et in Quinquagesima.
Symboliquement, on fait correspondre ces (presque) septante jours aux septante années de la captivité à Babylone.
Dans le symbolisme biblique et liturgique, Babylone représente la cité terrestre corrompue, opposée à Jérusalem, la cité de Dieu.
La captivité à Babylone fut un châtiment : Dieu a permis que son peuple – vaincu et asservi – soit déporté en terre païenne. C’était la conséquence de ses infidélités répétées ; mais ce fut aussi le moyen radical d’une guérison car le peuple élu ne retomba plus ensuite dans l’idolâtrie.
Juifs captifs emmenés à Babylone.
Ainsi nous est rappelée la gravité du péché et ses conséquences dramatiques. Ainsi nous est montrée la nécessité de lutter contre les séductions du mal. Ainsi nous est enseigné à désirer ardemment de quitter la terre de l’exil – le péché -, pour revenir vers la patrie véritable – la grâce divine!
L’existence de la liturgie septuagésimale est attestée au VIème siècle par un lectionnaire conservé à la bibliothèque de l’université de Wurtzbourg : ce manuscrit montre qu’à l’époque de Saint Grégoire le Grand, les épîtres et les évangiles du temps de la Septuagésime étaient ceux que nous avons aujourd’hui encore dans nos missels (pour la forme extraordinaire du rite romain, bien entendu).
Les lectures de ces trois dimanches sont particulièrement importantes : elles ont été choisies avec un très grand soin. Ce choix, leur répartition et leur progression manifestent une pédagogie remarquable tant par le sens que par son équilibre :
a) le dimanche de la Septuagésime nous fait entendre une épître fameuse rappelant la nécessité du combat spirituel (1 Cor. IX, 24-27; X, 1-5), tandis que l’Evangile nous fait méditer sur les ouvriers de la onzième heure (Matth. XX, 1-16) : de la sorte l’Eglise nous rappelle dans un même temps que nous avons à combattre avec une véritable pugnacité pour accéder au salut, mais que ce dernier sera toujours un don gratuit de Dieu, et qu’aucun homme ne pourra l’attribuer à ses mérites personnels.
b) dans l’épître du dimanche de la Sexagésime (2 Cor. XI, 19-33 ; XII, 1-9), nous entendons Saint Paul faire le résumé de toutes les épreuves qu’il a endurées mais au terme de cette énumération retentit cette sublime assurance : « Ma grâce te suffit, car Ma puissance s’accomplit dans la faiblesse ». L’Evangile de ce jour (Luc. VIII, 4-15) est celui de la parabole de la semence qui tombe en des sols variés avec l’explication donnée par Notre-Seigneur Lui-même : les hommes n’accueillent pas tous la Parole salvifique de Dieu de la même manière, ils ne sont pas égaux dans la façon dont ils lui font porter du fruit. Ces deux textes mis en parallèle nous redisent que si la toute puissante grâce de Dieu peut faire en nous des choses qui sont bien au-delà des capacités réelles de notre nature, nous ne sommes cependant pas dispensés de l’effort pour amender le terrain de notre âme si nous voulons que cette grâce y produise la plénitude de ses fruits.
c) au dimanche de la Quinquagésime, est proclamé l’hymne à la charité (1 Cor. XIII, 1-13) ; puis dans l’Evangile (Luc. XVIII, 31-43) Jésus fait l’annonce solennelle de Sa Passion et de Sa Résurrection – « Voici que nous montons à Jérusalem » – avant de guérir l’aveugle de Jéricho. Par là, l’Eglise nous engage à crier comme cet aveugle : « Fils de David, aie pitié de moi! » afin que soit guérie la cécité de nos coeurs, et pour que nous nous engagions résolument, en pleine liberté et intelligence (pas comme les apôtres dont cet Evangile nous dit qu’ils ne comprirent rien aux paroles de Jésus), dans les pas du Sauveur qui va accomplir le mystère pascal : or ce ne sont pas des déterminations, des qualités ou des prouesses humaines qui nous permettront de le faire, mais la seule charité surnaturelle.
On a pu dire du temps de la Septuagésime qu’il est le « vestibule du carême » : en effet, ces trois dimanches sont comme trois paliers qui nous conduisent, par une gradation très étudiée, jusqu’au seuil du grand temps liturgique où seront dispensées en abondance les grâces de la pénitence, de la conversion, de l’intériorité, de l’approfondissement de notre vie chrétienne et du salut…
Cet « avant-carême » nous prédispose donc non seulement à y entrer mais surtout à y bien entrer. Ce n’est pas au matin du mercredi des cendres que nous devrons tout à coup nous mettre à penser aux efforts de conversion et de pénitence qui nous sont les plus nécessaires ; ce n’est pas le jour de l’entrée en carême que, de manière impromptue, nous devrons réfléchir à l’ascèse qui devra être la nôtre pendant ce temps et en déterminer les résolutions! Procéder ainsi serait le meilleur moyen de rater notre carême. Et voilà pourquoi l’Eglise – en Mère réaliste et en excellente pédagogue – a institué ce temps de la Septuagésime.
En nous mettant en face des enjeux de notre vie et de nos responsabilités, le temps de la Septuagésime nous invite à une réflexion – raisonnable, méthodique et posée – sur la stratégie qui s’impose à chacun de nous pour faire progresser notre propre conversion à l’amour divin en vérité, en profondeur et avec efficacité.
Motif central d’une chasuble violette du Mesnil-Marie.
Pendant le temps de la Septuagésime il n’y a pas encore d’obligation du jeûne, mais déjà les ornements sont violets ; les chants joyeux (Gloria in excelsis et Alleluia) sont supprimés. Aux Messes de semaine, seul le graduel est récité ; le dimanche et les jours de fête, il est suivi d’un trait qui remplace l’Alleluia. Aux Messes solennelles du temps, le diacre et le sous-diacre portent encore la dalmatique et la tunique, et l’on peut toucher l’orgue. Avant le code des rubriques de 1960, qui a aboli cet usage, le « Benedicamus Domino » remplaçait l’ « Ite, missa est » à toutes les Messes de férie.
A l’Office divin, l’Alleluia qui suit l’introduction « Deus, in adjutorium », est remplacé par « Laus tibi, Domine, Rex aeternae gloriae ». À la fin de Matines, le Te Deum est remplacé par un simple répons.
La veille de la Septuagésime, à la fin des vêpres, les chantres ajoutent deux Alleluia au « Benedicamus Domino » et le chœur deux Alleluia au « Deo gratias ». C’est la déposition de l’Alleluia, que nos pères appelaient «Clausum Alleluia» (voir le texte de Dom Guéranger sur les adieux à l’Alléluia > ici).
Frère Maximilien-Marie du Sacré-Coeur.
Voir aussi :
- Les Adieux à l’Alléluia > ici
- « Reportage infernal » > ici
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Un chant particulier au temps de la Septuagésime est le répons « Media vita« , dont vous pouvez – si vous le voulez – entendre un enregistrement par le moyen de la vidéo ci-dessous. En voici la traduction :
Dès le milieu de la vie, nous voici à la mort : quel aide chercher, si ce n’est Vous, ô Seigneur? Vous, que nos péchés irritent avec raison : * ô Dieu Saint, ô Saint Fort, ô Saint Sauveur miséricordieux, ne nous livrez pas à l’amertume de la mort!
En Vous ont espéré nos pères : ils ont espéré et Vous les avez délivrés : * ô Dieu Saint…
Vers Vous crièrent nos pères : ils ont crié et ils n’ont pas été confondus : * ô Dieu Saint…
Gloire au Père et au Fils et au Saint Esprit. * Ô Dieu Saint…
Vous pouvez laisser une réponse.
Merci pour vos enseignements.
Si vous cherchez des Missels Feder allez chez Emmaüs, ça les sauve !!!
Il y en a parfois des tout neufs.
Bon dimanche de la Septuagésime.
La Beauté de vos enseignements spirituels nous aident vraiment à nous convertir, et j’ai repris avec beaucoup d’allégresse mon missel « Feder(1952) » reçu pour ma Profession de Foi en 1962. Merci infiniment cher Frère !
Remettre les pendules à l’heure!!!
Quel travail, cher frère Maximilien…MERCI
Je me joins aux louanges sincères exprimées ci-dessus.
Il faudrait être poète pour exprimer le plus complètement possible notre reconnaissance au Frère Maximilien-Marie.
Merci!
Merci pour ces bonnes explications qui nous aident à mieux pénétrer toute cette beauté liturgique.
La liturgie est notre nourriture spirituelle et, pris par le quotidien, on ne s’y attache pas suffisamment.
Pédagogie humaine et divine.
Merci,fr.Maximilien-Marie.
Que votre blog est précieux pour tout ce qu’il nous apporte!
Bien sûr, on peut tout trouver sur internet, mais il manque parfois l’opportunité de chercher « l’intéressant ». On n’y pense pas!
Et là, cher frère Maximilien, vous nous livrez toujours opportunément ce qu’il y a de mieux à recevoir dans le temps actuel.
Célébrant la Sainte Messe suivant la forme extraordinaire privativement, mais n’ayant pas été formé à cette liturgie, j’ai donc beaucoup apprécié l’exposé du temps de la Septuagésime.
Grand merci!