2010-53. De la conclusion de l’année jubilaire du 4ème centenaire de l’Ordre de la Visitation au jour anniversaire du bienheureux trépas de Sainte Jeanne de Chantal.

Le 13 décembre 1641, entre six et sept heures du soir, Sainte Jeanne-Françoise de Chantal rendit son âme à Dieu, après avoir prononcé par trois fois le saint Nom de Jésus. C’était au monastère de la Visitation de Moulins, en Bourbonnais.

Sainte Jeanne-Françoise de Chantal

Sainte Jeanne-Françoise Frémyot de Chantal (par Philippe de Champaigne).

La Sainte Fondatrice était dans sa soixante-dixième année. Elle avait survécu 19 ans à Saint François de Sales et les monastères de l’Ordre qu’ils avaient fondés ensemble, de 13 qu’ils étaient à la mort de « Monsieur de Genève », étaient maintenant au nombre de 87 !

Ce 13 décembre 2010, « dies natalis » (*) de Sainte Jeanne de Chantal, a donc tout naturellement été désigné comme jour de clôture de l’année jubilaire du quatrième centenaire de la fondation de l’Ordre de la Visitation qui a commencé le 24 janvier dernier (cf. les articles précédemment publiés à ce sujet ici > www, ici aussi > www, encore ici > www et ici > www).

Si l’année jubilaire s’achève, notre connaissance des enseignements de Saint François de Sales ainsi que de la spiritualité et des grandes figures de l’Ordre de la Visitation ne sauraient en rester là. A l’occasion des divers anniversaires ou des circonstances, nous espérons bien publier sur ce blogue des textes permettant de nouveaux approfondissements.

La seule année 2011 ne marquera pas seulement le trois-cent-soixante-dixième anniversaire de la mort de Sainte Jeanne de Chantal mais aussi, par exemple, a) le trois-cent-cinquantième anniversaire de la mort de Mère Anne-Marguerite Clément – fondatrice du monastère de la Visitation de Melun – qui fut une authentique mystique dont les visions du Coeur de Jésus préparèrent celles dont fut gratifiée Sainte Marguerite-Marie, b) ou bien encore le troisième centenaire de l’entrée au monastère de la Visitation de Marseille d’Anne-Madeleine Rémuzat, autre grande mystique qui joua un rôle très important pour la diffusion du culte du Sacré-Coeur, c) ou encore le cent-soixante-dixième anniversaire de la naissance de Soeur Marie-Marthe Chambon, de la Visitation de Chambéry, choisie par Notre-Seigneur pour faire connaître au monde la  puissance de la dévotion à ses Saintes Plaies… etc.

Mais pour l’heure, afin de marquer la conclusion de l’année jubilaire de la Visitation, je voudrais vous permettre de lire et de méditer la toute dernière lettre de Sainte Jeanne de Chantal, datée du 12 décembre 1641, veille de sa mort.

La sainte fondatrice sait qu’elle est arrivée au bout de ses jours terrestres et elle livre ici, en ces ultimes recommandations à ses filles spirituelles, une sorte de testament spirituel dans lequel passe toute son âme, parvenue à la perfection de l’esprit que Saint François de Sales avait voulu pour les religieuses de la Visitation. On admirera la sérénité qui imprègne cette âme en face de la mort, on remarquera son souci insistant de voir se conserver intactes dans tout l’Ordre l’humilité et la charité fraternelle qui en sont les caractéristiques, ainsi que la parfaite observance des Règles. On notera aussi combien la perspective de l’éternité toute proche ne fait pas perdre à la Mère de Chantal le sens des choses pratiques…

J’ai retranscrit cette dernière lettre de Sainte Jeanne de Chantal directement à partir d’une très ancienne édition (le cliché ci-dessous vous en donne un aperçu), mais pour des raisons évidentes de compréhension, j’ai pensé qu’il était préférable d’adopter l’orthographe et la ponctuation conformes à nos usages actuels.

(*) « dies natalis » : expression latine signifiant « jour de naissance » et employée dans la tradition catholique pour désigner le jour de la mort d’un saint personnage, puisque cette mort marque en réalité le jour de sa naissance dans la vie de gloire et de bonheur éternels au Ciel. 

 * * * * * * *

Dernière lettre de Ste Jeanne de Chantal

Mes très chères et bien aimées filles,

me trouvant sur le lit du trépas nonobstant, et avec un très grand désir de plus penser à chose quelconque, qu’à faire ce passage en la bonté et miséricorde de Dieu, je vous conjure, mes très chères filles, que pour les affaires de l’Institut, l’on ne s’y précipite point, et que personne ne prétende d’y présider ; mais de suivre en cette occasion comme en toutes autres les intentions de notre bienheureux Père, qui a voulu que le Monastère de Nessy (1) fut reconnût pour Mère et matrice de tout l’Institut ; et je vous prie, mes très chères Soeurs, de continuer en cette union, comme vous avez fait jusques ici ; et que ces premiers et principaux Monastères aient toujours soin des petits, et soient prêts autant qu’il leur sera possible de les secourir et assister charitablement… etc.

Je vous prie d’avoir soin de la paix de Dieu entre vous, et de l’union charitable entre les Monastères, bonheur qui vous obtiendra de très grandes grâces de Dieu.

Ayez une très grande fidélité à vos observances, mes chères Soeurs : vous vous êtes obligées par un voeu solennel à garder tout ce qui est de votre Institut, et les Supérieures de les faire garder. Prenez garde, mes très chères filles, de ne pas ajuster vos Règles à vos inclinations, mais de soumettre humblement et fidèlement ces mêmes inclinations à leur obéissance. Gardez la sincérité de coeur en son entier, la simplicité et la pauvreté de vie, et la charité à ne rien dire et faire à vos Soeurs, je dis universellement, que ce que vous voudriez qu’elles disent et fissent pour vous. Voilà tout ce que je vous puis dire, quasi dans l’extrémité de mon mal.

Mes chères filles, avant que finir, il faut que je vous supplie et conjure d’avoir un grand respect, une sainte révérence et une entière confiance pour Madame de Montmorency (2), qui est une âme sainte et que Dieu manie à son gré, et à qui tout l’Institut a des obligations infinies, pour les biens spirituels et temporels qu’elle y fait. Je vous estime heureuse de l’inspiration que Dieu lui a donné, c’est une grâce très grande pour tout l’Ordre, et pour cette Maison en particulier. Elle vit parmi nos Soeurs avec plus d’humilité, bassesse et simplicité, et innocence, qui si c’était une petite paysanne. Rien ne me touche à l’égal de la tendresse où elle est pour mon départ de cette vie. Elle croit que vous la blâmerez de ma mort. Mais, mes chères filles, vous savez que la divine Providence a ordonné de nos jours, et qu’ils n’en eussent pas été plus longs d’un quart d’heure. Ce voyage a été d’un grand bien pour les Maisons où nous avons passé et pour tout l’Institut.

Ne soyez point en peine des lettres que vous m’aurez écrit depuis mon départ de cette vie : elles seront toutes jetées au feu sans être vues (3).

Je me recommande de tout mon coeur à vos plus cordiales prières. J’espère en l’infinie Bonté qu’elle m’assistera en ce passage et qu’elle me donnera part en ses infinies miséricordes et mérites ; et si je ne suis point déçue en mes espérance, je prierai le Bienheureux (4) de vous obtenir l’esprit d’humilité et bassesse, qui seul vous fera conserver cet Institut : c’est tout le bonheur que je vous souhaite et non point de plus grande perfection.

Je demeure de tout mon coeur, en la vie et en la mort, mes très chères et bien-aimées Soeurs, votre très humble et très indigne Soeur et servante en Notre-Seigneur,

A Moulins, ce 12 décembre 1641.

Soeur Jeanne-Françoise Frémiot de la Visitation Sainte-Marie

Dieu soit béni!

Blason de l'ordre de la Visitation

Note 1 : « le Monastère de Nessy » = il s’agit bien sûr d’Annecy et du premier Monastère de l’Ordre.

Note 2 : Madame de Montmorency = Marie-Félice des Ursins (forme francisée de Orsini), était née le 11 novembre 1600 à Florence ; elle était la nièce et la filleule de la Reine Marie de Médicis. Elle épousa le duc Henri II de Montmorency, gouverneur du Languedoc. Elle était remarquable par sa sagesse et sa piété autant que par sa générosité dans les oeuvres de charité. Après l’exécution de son époux (30 octobre 1632), elle fut, par ordre de Richelieu, emprisonnée au château de Moulins pendant deux années. Elle s’installa ensuite au Monastère de la Visitation où elle finit par prendre le voile et où elle mourut en odeur de sainteté le 5 juin 1666. La venue de Sainte Jeanne de Chantal à Moulins était justement en rapport avec le dessein de la duchesse de Montmorency de devenir fille de la Visitation (de là les allusions de la Mère de Chantal qui ne veut pas qu’on impute à la duchesse la responsabilité de sa mort).

Note 3 : la Mère de Chantal veut rassurer ses filles au sujet des lettres confidentielles que celles-ci pourraient lui avoir écrites et qui arriveraient à Moulins après sa mort.

Note 4 : « le Bienheureux » = il s’agit bien évidemment de Saint François de Sales, auquel la Mère de Chantal donne ce titre, mais il ne sera béatifié qu’en 1661.

Vous pouvez laisser une réponse.

3 Commentaires Commenter.

  1. le 14 décembre 2010 à 13 h 45 min Picoche écrit:

    Merci beaucoup pour avoir satisfait ma curiosité. Bien amicalement. JLP

  2. le 13 décembre 2010 à 10 h 08 min Axel d.R. écrit:

    A la bataille de Castelnaudary il y avait un frère naturel de Henri IV, le comte de Moret, qui devait combattre aux côtés de Montmorency et qui disparut mystérieusement.
    On le retrouva par hasard, ermite dans la forêt de Brossay grâce à une indiscrétion du père Abbé de la proche abbaye d’Asnière et de sa demi-soeur Bourbon, abbesse de Fontevraud.
    Il mourut en odeur de sainteté.

  3. le 12 décembre 2010 à 14 h 09 min Picoche écrit:

    Mais pourquoi donc le Duc de Montmorency fut-il exécuté?
    Qu’avait-il fait de mal?
    J’ai appris beaucoup de choses en vous lisant, merci.

    JLP

    Réponse à propos du duc Henri II de Montmorency:

    Henri II de Montmorency était né le 30 avril 1595 au château de Chantilly. Il était fils d’Henri Ier de Montmorency et filleul du roi de France Henri IV.
    Il fut amiral de France à 17 ans. Vice-roi de la Nouvelle-France de 1620 à 1625, Henri de Montmorency donna son nom aux célèbres chutes de la région de Québec découvertes par Samuel de Champlain.
    Comme nous l’avons dit, il avait épousé la nièce et filleule de la reine Marie.
    Il participa aux guerres contre les protestants, et battit la flotte de Benjamin de Rohan, duc de Soubise devant La Rochelle en 1625.
    Il est ensuite nommé gouverneur du Languedoc, puis fut élevé à la dignité de maréchal de France en 1630.

    Mais en cette même année 1630, Gaston d’Orléans, le propre frère du roi Louis XIII, tenta d’organiser un soulèvement général du royaume.
    Henri de Montmorency, influencé par la reine-mère Marie de Médicis (n’oublions pas que la duchesse de Montmorency est nièce et filleule de la Reine Mère), et malgré les mises en garde de Richelieu, le soutint.
    Il rallia les États de Languedoc, auxquels Richelieu avait tenté d’enlever le droit de lever l’impôt, et ordonna au sieur de La Croix, capitaine de ses gardes, d’occuper le fort de Brescou, au large d’Agde.
    Le 22 juillet 1632, la province de Languedoc fit sécession du Royaume de France.
    Une partie de la petite noblesse suivit Montmorency dans la rébellion (mais la ville de Toulouse resta fidèle au roi).
    Carcassonne et Narbonne refusèrent d’accueillir l’armée des rebelles qui erra alors dans le Languedoc sans but précis.
    Une armée royale se mit en route, commandée par le maréchal de Schomberg. La rencontre eut lieu devant Castelnaudary, le 1er septembre 1632. Schomberg disposait de 2000 à 2500 hommes, les insurgés ne pouvaient lui opposer que 1200 à 1500 nobles peu entraînés au combat. L’affrontement ne dura pas plus d’une demi-heure : grièvement blessé, le duc fut fait prisonnier.

    Jugé pour crime de lèse-majesté devant le Parlement de Toulouse présidé par le garde des sceaux Châteauneuf, le duc fut condamné à mort.
    Après avoir demandé pardon au Roi, rendu son bâton de maréchal et son cordon de l’ordre du Saint-Esprit, il fut décapité à huis clos, dans la cour intérieure de l’hôtel de ville, le 30 octobre 1632.
    Ses derniers mots furent pour le bourreau : « Frappe hardiment » (une plaque au sol commémore cette exécution).
    Ses biens confisqués passèrent à la maison de Condé. Avec lui s’éteignit la branche aînée des Montmorency.

    La mort du duc de Montmorency, l’un des plus grands parmi les grands du Royaume (la légende rapporte que son premier ancêtre, compagnon de Clovis, fut le premier guerrier franc à se faire baptiser par saint Rémi : en référence à cette légende, la maison de Montmorency adopta la devise « Dieu aide au premier baron chrétien » et revendiqua le titre de « premier baron chrétien » ou « premier baron de France » – c’est-à-dire d’Île-de-France – ; ce titre, jamais reconnu par le pouvoir royal, symbolisait les ambitions des Montmorency), était une volonté politique de Richelieu qui entendait affirmer fortement le pouvoir royal sur la noblesse et mettre fin aux prétentions des grands féodaux pour instaurer une monarchie « moderne ».

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