2010-29. De la fête de Saint Jean-Baptiste et comment elle fournit l’occasion au Maître Chat Lully de présenter une herméneutique de la continuité en rapport avec le caractère cosmologique et symbolique de la liturgie chrétienne.
Jeudi 24 juin 2010,
Fête de la Nativité de Saint Jean-Baptiste.
La photographie que je publie ci-dessus a été prise au col de la Croix de Boutières (1505 m. d’altitude), vers 9 h du matin, ce dimanche 20 juin 2010, par Frère Maximilien-Marie qui effectuait (comme pratiquement tous les dimanches) l’aller-retour au Puy-en-Velay pour la Sainte Messe dominicale. Les taches blanches que vous apercevez sur le socle de la Croix et dans l’herbe sont… de la neige. Nous étions pourtant bien, je le redis, le 20 juin 2010 et non le 20 novembre !
Je vous l’avais écrit à l’occasion de la fête de Sainte Pétronille (cf. > ici), et le temps qu’il a fait les jours de Saint Médard, de Saint Barnabé et de Saint Gervais ont semblé le confirmer : il est fort probable que nous n’aurons pas un bel été !
Nous savourons donc avec un bonheur sans partage le beau temps dont nous bénéficions en ce jour.
C’est la « Noël d’été », et c’est un vrai plaisir d’avoir aujourd’hui un soleil radieux et un peu de chaleur pour cette fête de la Nativité de Saint Jean-Baptiste.
Avec Frère Maximilien-Marie, nous avons relu les pages de Dom Prosper Guéranger relatives à cette très importante fête.
Pour moi, c’est un véritable émerveillement lorsque je lis que la période de six mois qui séparent la conception de Jean-Baptiste de celle de Jésus, explicitement mentionnée par l’archange Gabriel au moment de l’Annonciation à Notre-Dame, et les paroles mêmes du Précurseur : « Il faut qu’il croisse et que moi je diminue », sont illustrées par la célébration liturgique, à six mois d’intervalle, au solstice d’été – à partir duquel les jours commencent à diminuer – et au solstice d’hiver – à partir duquel les jours recommencent leur croissance – des naissances de Jean et de Notre-Seigneur.
La correspondance des fêtes chrétiennes avec des moments importants du cycle solaire (Noël, la Chandeleur, l’Annonciation, la naissance du Baptiste, l’Assomption, la nativité de Notre-Dame, l’exaltation de la Sainte Croix, la Toussaint et la mémoire des trépassés… etc.), l’harmonie des cycles de la liturgie avec ceux de la lune (comme c’est le cas pour tout ce qui est en rapport avec le cycle de Pâques, et pour les Quatre-Temps) m’apparaît avec une lumineuse évidence comme l’œuvre de la Sagesse divine qui a « disposé toutes choses avec mesure, nombre et poids » (Sap. XI, 21) et qui dès l’origine a tout ordonné au mystère du salut opéré par le Christ et diffusé dans l’univers par l’Eglise.
Cette merveilleuse harmonie de la liturgie avec les cycles du soleil et de la lune est aussi – par voie de conséquence – une correspondance aux cycles de la physiologie humaine et des rythmes de tous les êtres vivant sur la terre.
Aussi loin d’être une « récupération intéressée d’éléments étrangers à la Révélation chrétienne », que l’Eglise aurait opérée pour mieux étendre son audience, il faut voir dans l’assimilation de certains des éléments jadis pratiqués par les anciens paganismes la reconnaissance de l’admirable plan de Dieu qui avait, même au milieu des erreurs des rites païens, préservé des parcelles de la révélation primitive et entretenu des éléments de vérité par lesquels Il préparait de manière lointaine la réception du message évangélique.
L’explication selon laquelle l’Eglise, ne parvenant pas à extirper les coutumes païennes, les aurait recouvertes d’un vernis chrétien (mais en définitive mal christianisées) en les reprenant à son compte et en leur donnant un sens nouveau me paraît singulièrement simpliste. Quand, en outre, ce genre de commentaires sort de la bouche de personnes qui se disent croyantes, on est pour le moins époustouflé puisqu’il ne s’agit là en réalité que d’une forme très réductrice de rationalisme.
L’intelligence de la foi ne nous montre-t-elle pas au contraire qu’il est beaucoup plus conforme à la Sagesse divine et aux admirables dispositions de la Providence de voir dans ces rites et même dans certaines pratiques symboliques de l’ancien paganisme, une sorte de pierre d’attente sur laquelle les missionnaires de l’Evangile pourraient ensuite s’appuyer pour bâtir ?
Comme je suis un chat, et qu’en outre je suis un chat monastique, je suis tout particulièrement sensible à cet accord entre les cycles de la nature et de la liturgie chrétienne.
Dans plusieurs de ses ouvrages consacrés à la liturgie, celui qui est devenu depuis notre Saint-Père le Pape Benoît XVI avait insisté sur le caractère cosmologique des rites du christianisme : par exemple en rappelant le sens de l’orientation de l’autel et des églises, ou encore en faisant ressortir l’importance des gestes rituels et des ornements traditionnels, qui sont dans une harmonieuse continuité avec les symboles et les rites de l’Ancien Testament et avec les espérances des Gentils.
Comme ces caractères cosmologiques et symboliques correspondent à quelque chose qui est profondément ancré dans la nature de l’homme, et même si ce n’est pas la seule raison, il ne faut pas s’étonner, quand on les a plus ou moins faits disparaître de l’exercice du culte catholique (comme cela a été le cas en beaucoup d’endroits depuis bientôt cinquante ans) qu’un grand nombre de personnes ait déserté les églises et que ces affamés soient allés chercher ailleurs une réponse à leur attente.
Le malheur est que souvent, ils ne trouvent qu’une réponse superficielle et des nourritures frelatées auprès de mouvements qui récupèrent le symbolisme et le sens du sacré à d’autres fins que celles de la Rédemption…
Je suis toujours stupéfait par l’incohérence et l’aveuglement de ces prétendus théologiens, de ces ecclésiastiques et de ces spécialistes auto-proclamés, qui pérorent en parlant de « signifiant » et de « mystagogie », qui prônent une « redécouverte » du symbolisme des origines, qui prétendent à un « nouveau dynamisme ecclésial » par l’approfondissement des sources du culte chrétien, et qui, eux-mêmes, célèbrent la Messe – revêtus de « choses » (difficile d’appeler cela des ornements !) tellement informes et misérables qu’elles leur donnent des allures de sacs de patates – , sur des espèces de cubes en matériaux vulgaires, avec des poteries dont nulle personne bien élevée n’oserait se servir pour recevoir à sa table un personnage important : adieu, les vases sacrés ! adieu, les ornements précieux ! adieu, la plus élémentaire obéissance aux prescriptions du missel, lequel n’est d’ailleurs plus un beau et grand livre mais se trouve remplacé par une douteuse publication de poche en mauvais papier journal…
Pour celui qui se donne la peine d’étudier objectivement et rigoureusement les choses, il est évident que ceux qui – depuis la fin des années soixante – ont envoyé promener quantité d’éléments liturgiques qualifiés de « détails surannés », ont perdu le sens véritable de la liturgie et n’ont pas, comme ils le prétendaient, opéré un « retour à la pureté originelle du culte chrétien ».
Tout au contraire ! ils ont purement et simplement perdu, ou du moins considérablement amoindri, un symbolisme sacré qui est bien plus qu’un simple héritage humain.
Voilà les réflexions que j’ai nourries cet après-midi, alors que j’étais allongé dans l’ombre délicate d’un arbuste, et que je n’ai pas résisté à la tentation de vous retranscrire.
Pour achever ma chronique de ce jour sur une note plus légère, je joins à ces lignes – en guise d’au revoir – trois clichés pris hier soir à l’occasion du Feu de la Saint-Jean : il vous suffit de cliquer sur chaque vignette pour voir la photographie en grand.
Vous pouvez laisser une réponse.
Très grand merci pour tous ces rappels.
Tout à fait d’accord avec le frère au sujet de l’importance des gestes rituels et des ornements traditionnels.
Très GRAND MERCI d’un Jean très touché par ces rappels de toute beauté.
Bien à vous,
Jean
Oui, grand merci cher chat’moine’ de nous apporter ces connaissances que nous devrions posséder déjà, ou de nous les rappeler. Ce très riche blog devrait être visité par beaucoup, en particulier par les ecclésiastiques.
Encore faut-il qu’ils aient assez d’humilité pour ‘se mettre à l’écoute’ et ‘partager’ avec le modeste chat d’un modeste frère.
Personnellement, cela m’apporte énormément. Il remet bien des choses en place, avec les meilleurs références qu’on puisse trouver.
MERCI!
Merci, cher Maître Lully, d’avoir pensé à nous faire partager vos réflexions pleines de sagesses et aussi de « réalité ».
Un rappel de cette réalité si malmenée, comme vous écrivez si bien …
Est-il donc si difficile pour l’humain de sortir de sa toute-puissance et d’observer ?
Observer ces éléments de mesure, de nombre et de poids qui sont partout présents ? Mais dont nous avons « perdu » la signification « réelle » ?
Pourquoi donc le monde serait beau dans sa nature et pas la liturgie ? Pas les ornements ?
Pourquoi, alors que ce seraient des détails inutiles, on a soin de garder intacts et préserver des parcs naturels, par exemple, ou les 7 merveilles du monde ?
L’église (au risque de vous choquer, cher Maître Chat monastique) devrait être un « parc naturel » de beauté à la gloire du Seigneur … Une maison dans laquelle les invités seraient reçus à partager le repas servi par le père de famille « endimanché » sans que j’ai l’impression d’être dans un pique-nique où les couverts seraient en plastique …
Certes, j’exagère, mais souvent c’est bien l’impression que j’en ai.
Pardonnez-moi, cher Maître Lully, de vous avoir dérangé dans vos réflexions, si utilement partagées.
Bon été à vous et au Mesnil-Marie.