2010-26 : Les préludes à la fondation de l’Ordre de la Visitation.

       Nous l’avons déjà dit, le quatrième centenaire de la fondation de l’Ordre de la Visitation, en raison des liens qui unissent le Refuge Notre-Dame de Compassion à cette famille religieuse (cf. > ici), est une invitation à se replonger dans l’esprit de Saint François de Sales et fournit l’occasion de nouveaux approfondissements.

   A l’occasion du dimanche de la Sainte-Trinité, nous avons retracé la manière dont s’était passée l’ouverture du premier monastère dans la maison dite « de la Galerie » (cf. ici), mais il n’est pas inutile de rappeler ce que furent les préludes à la fondation de l’Ordre.

Saint François de Sales

   En accédant au sacerdoce, puis en étant élevé à l’épiscopat, Saint François de Sales ne se trouva pas seulement affronté aux erreurs doctrinales du protestantisme et aux ravages humains et spirituels qu’il avait provoqués dans les populations, mais il fut également aux prises avec les désordres du clergé et le relâchement des ordres monastiques. En 1604, il écrivait au Pape Clément VIII : « Il est très affligeant qu’entre plusieurs monastères établis dans ce diocèse, on n’en puisse à peine trouver un seul où la discipline ne soit ébranlée et même tout à fait foulée aux pieds, en sorte qu’on ne voit plus même un vestige de l’antique et céleste ferveur…« 

   Le saint évêque comprenait avec beaucoup de souffrance intérieure qu’il était vain de vouloir porter ses diocésains à vivre avec ferveur et générosité pour Dieu, si les âmes dédiées à Son service continuaient à donner le mauvais exemple.  Il aura fort à faire pour réformer son clergé et mettre en oeuvre les décisions du Concile de Trente concernant l’admission et la formation aux Ordres Sacrés, la « formation continue » des prêtres et la discipline ecclésiastique.

   Pour le clergé régulier également il dut prendre des mesures énergiques ; c’est ainsi qu’il remplaça les chanoines réguliers du monastère Notre-Dame d’Abondance, qui n’étaient plus que six – âgés ou infirmes – et incapables d’assurer décemment le culte divin, par les cisterciens de la réforme des Feuillants, remplis de ferveur. Il dut aussi mener une lutte serrée contre les bénédictins relâchés du prieuré de Talloires pour les obliger à se corriger ou à quitter les lieux.

   En 1603, dans une lettre au Nonce Apostolique à la Cour de Turin,  Monseigneur de Sales observait que pour réussir à assainir les instituts religieux « il faudrait un réformateur de grande autorité et prudence« . Il avait trop d’humilité pour penser qu’il puisse l’être  lui-même : il est cependant bien vrai que Dieu le destinait à avoir une influence déterminante sur le renouveau de la vie religieuse en général. « Réformateur », Saint François de Sales le sera en devenant fondateur. En effet, non seulement son action en faveur d’une vie religieuse profondément accordée à l’esprit de l’Evangile va donner sa pleine mesure par la fondation de l’Ordre de la Visitation, mais il va se faire que l’esprit particulier qu’il insufflera à cette nouvelle famille religieuse prédisposera l’Ordre à être le lieu privilégié des révélations du Sacré-Coeur, grâce auxquelles l’ensemble des communautés religieuses et l’Eglise tout entière seront ensuite revivifiées.

   En 1604, Monsieur de Genève (ses contemporains l’appelaient ainsi : on donnait aux évêques le titre de « Monsieur » suivi du nom de leur évêché) accepta de prêcher le carême à Dijon. C’est ainsi qu’il va entrer en relation d’amitié avec la famille du Président du Parlement de Dijon, Monsieur Frémyot : il y a d’abord le fils, Monseigneur André Frémyot qui vient d’être nommé archevêque de Bourges et n’est pas encore sacré (c’est Saint François de Sales qui lui confèrera la consécration épiscopale), et il y a surtout Jeanne-Françoise, l’une des deux filles.

Jeanne-Françoise Frémyot baronne de Chantal

   Jeanne-Françoise Frémyot est née à Dijon le 23 janvier 1572 (elle plus jeune que Saint François de Sales de 4 ans et demi). Elle n’a que 18 mois lorsque sa mère meurt. Son père lui fit donner une éducation soignée. Elle fait montre dès sa jeunesse d’un esprit vif, d’une volonté ferme et d’une foi profonde. A 20 ans elle a épousé le baron Christophe de Rabutin-Chantal dont elle est très éprise : c’est un mariage heureux! Mais au cours de l’hiver 1600, Christophe est mortellement blessé au cours d’une partie de chasse. Il meurt après neuf jours de terribles souffrances, mais dans des dispositions spirituelles admirables. La jeune veuve a 28 ans et quatre enfants : l’aîné, Celse-Bénigne (*), a tout juste 6 ans ; derrière lui viennent trois filles.

   Tout en assumant ses devoirs de mère et de bru, la jeune veuve s’engage dans les voies de la sainteté : elle consacre de longues heures à l’oraison, aux visites charitables auprès des pauvres et des malades, assiste les mourants… Son humilité et sa patience font l’admiration de son entourage. Elle prend pour directeur spirituel un religieux plein de zèle et de ferveur, certes, mais qui dont les qualités de discernement sont fort réduites. Insatisfaite, elle se sent toutefois liée à lui par des voeux qu’il l’a contrainte à prononcer. En 1602, un jour où elle prie Dieu de lui donner un guide spirituel selon son coeur, elle a soudain la vision d’un évêque habillé comme pour dire la messe, tandis qu’une voix lui dit : « Voici le guide bien-aimé de Dieu et des hommes, entre les mains duquel tu dois reposer ta conscience. » Deux ans plus tard, pressé par son père de venir suivre les exercices du carême à Dijon, elle reconnait du premier coup d’œil en Saint François de Sales, lorsqu’il monte en chaire, l’évêque de sa vision.

   Monsieur de Genève aussi, du haut de la chaire, reconnut Madame de Chantal : avant de venir à Dijon, se préparant dans la retraite à ses prédications de carême, il avait vu en esprit une femme de taille plus élevée que la moyenne, au visage empreint de modestie, portant la robe des veuves. Il demanda qui était cette dame à Monseigneur Frémyot, qui fut bien aise de lui dire que c’était sa soeur et qui la lui présenta peu après. Saint François de Sales reçut les confidences de la jeune femme, la libéra de ses voeux imprudents et – après de longues prières – finit par lui déclarer le 5 août suivant qu’il avait acquis la certitude que Dieu voulait qu’il accepte d’être son conseiller spirituel.

   Il faudra cependant plusieurs années de maturation pour que la pieuse baronne soit prête à la fondation que Dieu a révélée au saint évêque. D’abord parce qu’il faut que Madame de Chantal lève les obstacles familiaux, et en particulier attende que ses enfants puissent se passer d’elle…

   A la Pentecôte 1607, Saint François de Sales s’assure des dispositions de Madame de Chantal. La Révérende Mère de Chaugy – biographe des premières moniales de la Visitation – a relaté ainsi cet entretien :

« Après la messe, avec un visage grave et sérieux, tout recueilli en Dieu, il lui dit : « Ma fille, je suis résolu de ce que je veux faire de vous ». « Et moi, dit-elle, Monseigneur et mon Père, je suis résolue d’obéir ». Sur cela elle se mit à genoux, le bienheureux l’y laissa et se tint debout à deux pas d’elle : « Oui, il faut entrer à Sainte Claire ». « Mon Père, je suis toute prête ». « Non, dit-il, vous n’êtes pas assez robuste, il faut être soeur de l’hôpital de Beaune ». « Tout ce qui vous plaira ». « Ce n’est pas encore ce que je veux, dit-il, il faut être Carmélite ». « Je suis prête d’obéir », répond-elle. Ensuite il lui proposa diverses autres conditions pour l’éprouver et il trouva que c’était une cire amollie par la chaleur divine et disposée à recevoir toutes les formes d’une vie religieuse, telle qu’il lui plairait. Et là-dessus, il lui déclara fort amplement le dessein qu’il avait de notre cher Institut » (Mère de Chaugy, p.95).

   Madame de Chantal confiera plus tard qu’à l’énoncé des projets de Monseigneur de Sales elle fut remplie d’un immense bonheur car « je sentis aussitôt une grande correspondance intérieure avec une douce satisfaction et lumière, qui m’assurait que telle était la volonté de Dieu ».

   Il faudra encore trois années pour arriver à l’ouverture du premier monastère : trois années riches d’échanges, de mûrissements et de lumières célestes avant qu’au soir du dimanche de la Sainte-Trinité 6 juin 1610 les trois premières Mères et la première Sœur puissent entrer dans la petite maison « de la Galerie » au bord du lac, et y commencer la vie de communauté.

Frère Maximilien-Marie

Armoiries de la Visitation

(*) Celse-Bénigne de Rabutin-Chantal épousera Marie de Coulanges qui,  en 1626, lui donnera une fille, prénommée elle aussi Marie. Marie de Rabutin-Chantal épousera en 1644 Henri de Sévigné : la célèbre marquise épistolière est donc la petite-fille de Sainte Jeanne de Chantal.

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5 Commentaires Commenter.

  1. le 21 juillet 2010 à 22 h 23 min Raja écrit:

    Merci Frère Maximilien-Marie, vous avez enrichi mes connaissances sur Saint François de Sales et Sainte Jeanne de Chantal. D’ailleurs, j’ai passé un très bel après midi en ce jour dans la prière au monastère de la visitation à Paris (Adoration Eucharistique, Rosaire de la Vierge Marie, suivi d’une très belle messe en Latin).

  2. le 9 juin 2010 à 11 h 41 min Picoche écrit:

    C’est très intéressant. J’ai beaucoup de dévotion envers Saint François de Sales et ce résumé enrichit mes connaissances sur ce saint et sur Ste Jeanne de Chantal. Merci

  3. le 7 juin 2010 à 19 h 53 min Guillaume de M. écrit:

    Merci frère Maximilien pour ce petit passage de la vie de ce grand saint.
    J’espère que vous allez bien et que la progression de la chapelle Sainte Philomène avance bien. A bientôt.

    Guillaume

  4. le 6 juin 2010 à 13 h 14 min Jean claude Guerguy écrit:

    Ciné Art Loisir Fête les 400 ans de la Visitation Sainte Marie

    Un film évènement de 2h 15 pour quatre siècles d’histoire

     » Relief de France les monastères »

    Le film du Quatrième centenaire de la fondation de l’Ordre de la Visitation Ste Marie (1610 – 2010)

    par St François de Sales et Ste Jeanne de Chantal

    Textes et interviews Gabriel Perez

    avec la participation exceptionnelle

    de Mgr Pilippe Barbarin Cardinal Archevêque de Lyon Primat des Gaules

    un document de 2h15 avec les Visitandines de Moulins Tarascon

    Mgr Yves Boivineau Evêque d’Annecy thorens glieres

    Mgr Pascal Roland Evêque de Moulins

    Musique Vivaldi et D Zipoli

    Réalisation Jean Claude Guerguy

  5. le 6 juin 2010 à 11 h 32 min Eric écrit:

    Merci mon Frère.

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