2008-53 b. Le Père Ange de Joyeuse et la statue de Notre-Dame de Paix (2nde partie).

2nde Partie :
la statue miraculeuse de Notre-Dame de Paix.

Après avoir rapporté la biographie du Père Ange de Joyeuse (voir > ici) attachons nous à faire connaître la Madone vénérée sous le nom de Notre-Dame de Paix.

A. Description de la statue :

Le P. Godefroy, archiviste capucin, a fait, en 1935, un travail très documenté :
« En Provence, en Languedoc, en Aquitaine, la civilisation romaine avait laissé son empreinte… A la Renaissance, de nombreux artistes méridionaux se mettent à œuvrer d’après le canon d’Athènes et de Sparte. L’un d’eux entreprend de sculpter, en plein bois, sans doute sur commande, une statuette de la Madone. Artiste, il veut sa Vierge plus belle qu’une déesse. Français, dégoûté des horreurs de la guerre, il la conçoit comme une apparition de la Paix. Double dessein facile à réaliser pour un sculpteur languedocien. Les modèles foisonnent. Sa Vierge est de petite taille : 33 cm, piédestal non compris. Marie, légèrement hanchée à gauche, est vêtue du chiton, la tunique grecque, plissée et fermée. Ce vêtement tombe jusqu’aux pieds, découverts, chaussés de sandales, de forme romaine… L’artiste revêt sa Madone, par-dessus son chiton, d’un casaquin renaissance, décolleté en carré, lacé jusqu’à la taille… Les manches font kimono… En outre, l’artiste a jeté sur les épaules de Marie, selon la mode du temps, un fichu, très légèrement drapé, aux pans noués sur la poitrine et tombant court. Le reste du costume est spécifiquement grec. Marie se drape dans un péplos bordé d’un tuyauté araméen. Roulé autour du bras gauche, ce manteau laisse le bras droit libre et découvert. Dans sa main droite, la Madone tient une branche d’olivier. Sur son bras gauche, repose, vêtu d’une chemise froncée, l’Enfant Jésus, bras tendus. Le Sauveur, tête nue, cheveux frisés, serre dans sa main droite la croix, et dans sa main gauche le globe du monde. La Vierge, elle aussi, porte, à l’antique, le chef découvert… mais sa coiffure offre une note Renaissance… Les cheveux de la Vierge, séparés sur le devant, s’étagent en deux nattes de chaque côté de la tête… Elles forment un chignon à l’arrière et retombent sur le dos en une natte unique. En outre, une cinquième natte, partant de la nuque et formant auréole, est nouée sur le milieu de la tête, en avant.« 

Notre-Dame de Paix (statue héritée de la famille de Joyeuse)

B. La Vierge des Joyeuse :

Le premier texte connu sur la statue de Notre-Dame de Paix provient d’un livre publié en 1660 par le Père Médard de Compiègne, capucin :
« On assure que cette sainte image est l’héritage de l’illustre Maison de Joyeuse, qui demeurait, par succession, à celui des enfants de cette illustre famille qui avait le plus de dévotion à la conserver.« 
L’histoire de la statue est donc d’abord intimement liée à celle de la famille de Joyeuse.

Les experts peuvent avec une quasi certitude placer la date de naissance de la statue autour de 1530. Jean de Joyeuse avait quitté le Château de Joyeuse, en Vivarais (aujourd’hui département de l’Ardèche) pour celui que Françoise de Voisins lui avait apporté en dot, le Château de Couiza, dans le Bas-Languedoc en 1518 : ce serait lui qui aurait acquis ou peut-être même fait réaliser la statuette. Il la donna au plus pieux de ses fils, Guillaume, qui l’emporta en 1561 à l’hôtel de trésorerie de Toulouse où il avait été nommé.
De son mariage avec Marie de Batarnay, Guillaume eut sept fils et c’est Henri qui reçut la statuette. Vers la mi-novembre 1576, il l’emporta avec lui  à Paris, au Collège de Navarre, puis en 1582 à l’hôtel du Bouchage, rue Saint-Honoré (à l’actuel emplacement du Temple de l’Oratoire).
Comme nous l’avons dit dans la première partie (cf. > ici), Henri, bien qu’attiré par la vie religieuse, dut épouser Catherine de La Vallette. Le couple s’installa, toujours rue Saint-Honoré, dans un hôtel contigu au monastère des Capucins et y aménagea une chapelle pour Notre-Dame.
Quand, à son veuvage, il entra chez les Capucins, il  fit don au couvent de la moitié de son hôtel avec la chapelle que, quelques années plus tard, les capucins, obligés d’agrandir leur couvent, durent démolir. Ils firent alors aménager, au dessus de la porte d’entrée des nouveaux bâtiments, une petite niche où la statue fut exposée.
La petite Madone va rester là 63 ans, discrète, attendant son heure. Toutefois un frère convers, Frère Antoine, qui était fort dévot à cette image, prédit peu avant de mourir que cette statue deviendrait illustre.

C. La statue devient Notre-Dame de Paix :

La guerre de Trente Ans avait désolé l’Europe, et se continuait de diverses manières. Les peuples angoissés imploraient la paix. Or, le 21 juillet 1651, des enfants s’assemblent devant la Madone des Capucins, rue Neuve Saint Honoré, chantant à gorge déployée des Salve Regina. Des processions se forment au chant des litanies de la Sainte Vierge, on vient de tous les quartiers de la capitale. Il y a foule. Chants, prières et… miracles, car des guérisons se produisent ! Notre-Dame est bienfaisante à son peuple, qui – spontanément – l’invoque comme « Notre-Dame de Paix ».
Quelques semaines après cette première procession, précisément le 24 septembre 1651, alors que la dévotion envers elle ne cesse de prendre de l’ampleur, la statue est retirée de la niche au-dessus de la porte pour être exposée dans l’église du couvent, dans la chapelle latérale où reposent les restes du Père Ange. Il se produisait là des miracles et les pèlerins y venaient si nombreux qu’il fallut songer à agrandir la chapelle, ce que fit faire Mademoiselle de Guise, petite-nièce d’Henri de Joyeuse ; la statue fut solennellement installée dans le nouveau sanctuaire par le Nonce apostolique, en présence du Roi, de la Cour et d’un concours immense de parisiens, le 9 juillet 1657.

L’année suivante, le Roi Louis XIV est pris de fièvre typhoïde à Calais, et on craint pour sa vie. La Reine Mère demande des prières. Les capucins s’adressent à Notre-Dame de Paix et la guérison se produit, jugée miraculeuse. Anne d’Autriche commande alors à Michel Corneille un grand tableau en ex-voto (il est aujourd’hui dans les collections du château de Versailles).

ex-voto de la guérison de Louis XIV

Sur cet ex-voto on reconnaît en bas à gauche les capucins en prière aux pieds de Notre-Dame de Paix :
la statue n’est pas reproduite de manière servile mais identifiable grâce à sa coiffure et à son rameau d’olivier dans la main droite.

Cette guérison contribue encore à l’accroissement de la dévotion envers la Madone de la chapelle des Capucins, qui devient un véritable centre de pèlerinage : on y vient en foule, surtout au jour de sa fête, fixée au 9 juillet. On implore la Reine de la Paix pour la paix du Royaume, pour la paix du monde, pour la paix des familles, pour la paix des coeurs… Et un chroniqueur de l’époque témoigne que les grâces reçues sont indicibles. Il en fut ainsi jusqu’à la grande révolution…

D. Dans la tourmente révolutionnaire :

Au mois d’août 1790, les Capucins furent chassés de leur couvent. Un religieux emporte discrètement la statue avec lui et, l’année suivante, il la remet à son Provincial. Ce dernier, pour plus de sécurité, la confie à une demoiselle Papin, sœur du Grand Pénitencier de  l’Archevêché de Paris. Un procès-verbal très détaillé accompagne ce dépôt. En 1792,  Mademoiselle Papin, fuyant Paris à son tour, remit la Vierge à la Duchesse de Luynes, qui, en 1802, en fit constater l’authenticité par l’un des vicaires généraux de l’Archevêché de Paris. Cet acte de reconnaissance et d’authentification existe toujours avec ses cachets de cire rouge bien visibles.

E. Installation de Notre-Dame de Paix à Picpus :

En avril 1806, la Duchesse de Luynes décède. La sœur et le neveu de Mademoiselle Papin, ses héritiers (la statue n’avait été confiée à Madame de Luynes que comme un dépôt provisoire)  en font la cession à la Révérende Mère Henriette Aymer de La Chevalerie, à la demande du Révérend Père Coudrin : ce sont les fondateurs de la Congrégation de l’Adoration des Sacrés Coeurs, dite de Picpus.
Le 6 mai 1806, la statue de Notre-Dame de Paix arrive  au couvent de Picpus (qui garde le cimetière où furent ensevelies les victimes de la grande Terreur guillotinées tout près de là, sur la « place du trône » – devenue « place du trône renversé » sous la révolution, et depuis « place de la nation » – , parmi lesquelles les célèbres Carmélites de Compiègne).
Notre-Dame de Paix est depuis lors la Protectrice de toute la Congrégation, Pères et Sœurs, et sa reproduction se trouve dans toutes les maisons de l’Institut.
Le 9 juillet 1906, la statue de Notre-Dame de Paix fut officiellement couronnée  au nom du Pape Saint Pie X.
Si les foules n’accourent pas de la même manière qu’autrefois aux pieds de la Madone qui nous vient des Joyeuse, nous pouvons toutefois affirmer qu’elle continue à donner généreusement des grâces de paix à ceux qui viennent les implorer dans la chapelle de Picpus.

Publié dans : De Maria numquam satis, Memento, Nos amis les Saints |le 27 septembre, 2008 |4 Commentaires »

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4 Commentaires Commenter.

  1. le 8 juillet 2024 à 20 h 52 min Goës écrit:

    Texte passionnant.

  2. le 5 avril 2015 à 3 h 37 min Jean-Michel écrit:

    Article passionnant sur les origines de la statue de Notre-Dame de paix, encore vénérée rue de Picpus à Paris (12è arrt).

  3. le 28 septembre 2014 à 8 h 16 min Béatrice O. écrit:

    Prière à Notre Dame de Paix de Picpus :
    (son image se trouve sur mon bureau, mais je n’avais jamais fait le rapprochement avec votre article que j’avais lu il y a quelques années)

    Sainte Vierge, auguste Reine de la Paix, obtenez-moi de votre Fils, la Paix qu’il a laissée en héritage à ses disciples. Le monde ne la connaît pas, il ne saurait la donner ; elle n’habite que dans les coeurs purs et sanctifiés par la grâce. Que je la conserve, cette paix du Ciel, avec mes supérieurs, par ma soumission et mon respect ; avec mes égaux, par la douceur ; avec mes inférieurs, par la patience et la bonté ; avec Dieu et avec moi-même, par la pratique de toutes les vertus ! Répandez-la aussi sur l’Eglise, sur ma famille, sur mes amis, sur tous les hommes. Obtenez-nous de vivre ici-bas dans la paix de l’innocence, afin de mériter un jour la paix éternelle du Ciel. Ainsi soit-il.

  4. le 22 novembre 2010 à 17 h 13 min Père Bernard C. écrit:

    Merci pour cet article que je découvre bien tardivement.
    Puis-je ajouter quelques précisions sur le culte de Notre-Dame de Paix depuis qu’elle se trouve rue de Picpus à Paris?

    Sa statue ou son image ont accompagné les Frères et les Soeurs de la Congrégation des Sacrés Coeurs et de l’Adoration dès les premières années de l’existence du nouvel institut.
    Chaque départ pour une fondation ou pour créer une mission (par ex. dans le Pacifique dès 1825) était précédée par une cérémonie d’envoi au cours de laquelle la statue de Notre-Dame était « imposée » sur la tête de chacun des partants.
    Cette tradition se continue lorsque par ex. un frère ou une soeur reçoit une nouvelle obédience.

    Le 9 juillet, fête liturgique de Notre-Dame de Paix, la statue est imposée aux pélerins venus en nombre de la région parisienne.

    Fin octobre 1863, Saint Damien de Veuster, futur apôtre des lépreux, canonisé par Benoït XVI le 11 octobre 2009, a reçu l’imposition de Notre-Dame de Paix.

    La reproduction de la statue se trouve dans les maisons de la Congrégation dans les cinq parties du monde mais aussi dans beaucoup d’oeuvres et au moins dans deux cathédrales dont elle est titulaire : à Papeete (Tahiti) et Honolulu (HawaÏ).
    Notre-Dame de Paix est d’ailleurs co-patronne de l’Eglise en Océanie.
    A la fin de l’exhortation post synodale « Ecclesia in Oceania », Jean-Paul II s’adresse à Marie sous le vocable de Notre-Dame de Paix.

    Sans doute, depuis qu’elle est à Picpus, la Statue miraculeuse attire moins de pélerins que jadis en la chapelle des Pères Capucins du Faubourg Saint Honoré.
    Avec les Missionnaires de Picpus, c’est Notre-Dame de Paix qui est partie en pélerinage, en « Visitation », vers ses enfants à travers le monde.

    Oui, de Maria numquam satis : je le répète avec amour pour Marie à la suite de mon Saint Patron …et avec vous.

    frère Bernard Couronne ss.cc. Chapelain de Notre-Dame de Paix.

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