2008-3. « Ne mentez pas à Dieu! »

       Le 6 janvier 1794, « jour des Rois », Maurice Joseph-Louis Gigost d’Elbée, âgé de 42 ans, était fusillé sur la place d’armes de Noirmoutier.
Trois autres chefs de l’insurrection vendéenne furent exécutés avec lui, tandis qu’environ 1200 paysans, femmes et enfants regroupés dans l’église – contrairement aux promesses reçues – étaient fusillés par groupe de soixante.

L'exécution de Maurice d'Elbée

La mort de d’Elbée
(huile sur toile de Julien Le Blant, 1878 – musée de Noirmoutier)

   Maurice d’Elbée, élu deuxième généralissime de la grande « Armée catholique et royale » (après la mort de Jacques Cathelineau), avait reçu 14 blessures graves lors de la bataille de Cholet au mois d’octobre précédent ; c’est pourquoi il avait été évacué sur l’île de Noirmoutier, tenue par Charette.
Mais l’île fut prise par les Bleus le 2 janvier 1794 et, après une comparution devant une commission militaire, d’Elbée fut condamné à mort : ses blessures ne lui permettant pas de se tenir debout, il fut fusillé dans un fauteuil !

   Né le 21 mars 1752 à Dresde (Saxe), d’un père français; issu d’une famille où l’on est militaire de génération en génération, Maurice d’Elbée s’engagea lui aussi dans le métier des armes, d’abord en Saxe puis en France. Désapointé de n’avoir pas obtenu une promotion, à 29 ans il se retire dans les Mauges, près de Beaupréau, en une gentilhommière héritée de son père. Il se marie en 1788.
Quand éclatent les évènements de 1789, il est plutôt favorable aux idées nouvelles, mais la « constitution civile du clergé » le fait revenir sur ses positions et il part rejoindre l’armée des Princes, où il sert quelques temps à Worms. Il n’y reste pas très longtemps, parce que 1) son épouse est restée en Anjou ; 2) il trouve que l’armée des Princes ne fait pas grand chose ; 3) ses biens sont menacés de confiscation…

   Le 12 mars 1793, son épouse met au monde un fils : Louis Joseph Maurice. Le lendemain, à Saint-Florent le Vieil, l’insurrection vendéenne éclate : Stofflet prend la tête du mouvement à Maulévrier, Cathelineau au Pin-en-Mauges.
Les paysans de Beaupréau le réclament à leur tête : il n’est pas enthousiaste pour partir, lui dont le fils n’a qu’un jour, mais il finit pas céder à leurs instances et aussitôt ils libèrent Beaupréau, avant de faire la jonction avec les troupes de Cathelineau et de Stofflet pour enlever Chemillé puis Cholet : la « Guerre de géants » est engagée !

Maurice de Gigost d'Elbée - détail

Maurice de Gigost d’Elbée
(détail du tableau huile sur toile de Paulin Guérin, 1827 – musée de Cholet)

   Au soir du « choc de Chemillé« , les Vendéens exaspérés par les lourdes pertes subies (villageois massacrés et environ 600 hommes tombés au combat) veulent passer par les armes leurs prisonniers Bleus. D’Elbée s’efforce de les raisonner, de les calmer… en vain : « Pas de quartier pour les prisonniers !» Se voyant impuissant, il crie alors d’une voix forte : « Soldats à genoux ! Disons d’abord notre Pater. » Les paysans, nu-tête, obéissent : « Notre Père, qui êtes aux cieux… Pardonnez-nous nos offenses…»
« Arrêtez ! crie d’Elbée. Ne mentez pas à Dieu. Vous Lui demandez qu’Il vous pardonne comme vous, vous pardonnez aux autres ? Mais pardonnez-vous aux autres ? » La leçon est comprise : les fusils s’abaissent et les quatre cents prisonniers Bleus sont sauvés.

   Nous ne referons pas ici le récit circonstancié des batailles, victoires et revers de « l’Armée catholique et royale« . Nous l’avons dit, après la mort de Jacques Cathelineau (14 juillet 1793), il est choisi pour lui succéder comme généralissime, fonction qu’il assumera environ trois mois, puisqu’il va – comme nous l’avons aussi écrit plus haut – recevoir 14 blessures graves à Cholet, en octobre 1793, et que c’est de là qu’il sera emmené à Noirmoutiers.

   Nous retenons de lui qu’il fut le premier noble qui ait répondu à un groupe de paysans armés pour prendre leur tête ; nous admirons, bien sûr, ses compétences militaires qui permettront une vingtaine de victoires retentissantes ; mais par dessus tout nous gardons le souvenir d’un homme animé d’une profonde piété, sans affectation ni mièvrerie : il nous a laissé – avec « le Pater des Vendéens » – l’exemple d’une âme virile et droite qui s’adresse encore à nous aujourd’hui pour nous dire : « Ne mentez pas à Dieu ! »

Maurice d'Elbée protège les prisonniers républicains

Maurice d’Elbée protège les prisonniers républicains après la bataille de Chemillé
(peinture de Marie Félix Edmond de Boislecomte – musée de Cholet)

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5 Commentaires Commenter.

  1. le 5 janvier 2023 à 21 h 10 min Goës écrit:

    Redisons le « Pater vendéen » pour lui.

  2. le 18 janvier 2019 à 20 h 57 min Noël S. écrit:

    Pas trois chefs vendéens mais deux : le troisième exécuté étant Wieland, le général républicain qui n’avait pu résister à l’offensive victorieuse de Charette en novembre 93 ; il fut mis là pour faire une « partie carrée » selon le mot voulu « intelligent » de Dutruy !

    Souvenir Chouan de Bretagne
    http://souvenirchouandebretagne.over-blog.com/2019/01/noirmoutier-nantes-1794-il-y-a-225-ans.

  3. le 6 janvier 2018 à 7 h 22 min Rachel écrit:

    Maurice Joseph-Louis Gigost d’Elbée : merci pour le récit de l’épopée de ce héros. Je connaissais « le Pater des Vendéens » mais pas sa vie.

  4. le 13 mai 2016 à 23 h 50 min d'Elbée écrit:

    Merci. Le généralissime de l’Armée Royale et Catholique d’Elbée était un grand militaire, mais un homme discret. Son nom est trop peu cité dans l’histoire de France.
    Le tableau ci-dessus à toujours été dans la famille jusqu’à ce que Noirmoutiers fasse un musée vendéen. Mon beau-père l’offrit au musée où on peut l’admirer.

  5. le 5 janvier 2011 à 12 h 59 min Sybille écrit:

    quelle vie…quelle belle leçon….quel beau récit…. je suis émue.

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