22 octobre,
Chez les Ermites de Saint Augustin, la fête du Bienheureux Grégoire Celli de Verucchio, confesseur (double) ;
Dans la famille augustinienne encore, la mémoire de la Bienheureuse Thérèse de Jésus [née Alix Le Clerc], vierge de l’Ordre de Saint Augustin, fondatrice des Chanoinesses de Saint-Augustin de la Congrégation de Notre-Dame ;
Au Mesnil-Marie, la mémoire de Sainte Céline de Laon, veuve (cf. > ici) ;
L’anniversaire de la mort de Charles Martel, maire des palais d’Austrasie, de Neustrie et de Bourgogne, vainqueur des sectateurs de Mahomet à la bataille de Poitiers (+ 22 octobre 741).

Verruchio (province de Rimini)
Verucchio est une antique cité d’Emilie-Romagne, dans la province de Rimini, dont elle est distante de 4 lieues environ, juste au nord de la République de San-Marin. Petite ville acropole, perchée sur une falaise qui s’élève parmi les oliviers de la plaine de Rimini, elle offre, au nord-est, une vue exceptionnelle sur la côte Adriatique.
C’est sur ce rocher que naquit, en 1225, Grégoire Celli, dans une famille profondément chrétienne.
Son père, qui était docteur en droit, mourut lorsqu’il avait trois ans. Sa mère, alors, le plaça sous la protection spéciale de la Madone, de Saint Augustin et de Sainte Monique.
Grégoire n’était pas un enfant « ordinaire » : il n’aimait point les jeux bruyants, il aimait le calme et le silence et, dès sa plus tendre enfance, avait été attiré par le chant des offices religieux.
Il y avait à Verucchio un couvent de moines augustins : c’était avant que les diverses communautés d’esprit érémitique qui avaient été fondées à la fin du XIIème et dans les premières années du XIIIème siècle dans les provinces centrales de l’Italie n’eussent été réunies sous le nom d’Ermites de Saint Augustin (en 1243). La communauté de Verucchio était l’une de celles qui avaient été établies par le Bienheureux Jean le Bon de Mantoue, que nous fêtons au lendemain de ce jour.
Grégoire aimait se rendre aux offices de ces moines et, c’est en quelque manière tout naturellement qu’il demanda à entrer dans cette communauté à l’âge de 15 ans. Sa mère, qui l’avait soutenu dans sa vocation, contrairement à d’autres membres de sa parenté, embrassa elle aussi la vie augustinienne en devenant – avant que l’on ne qualifiât cet état du nom de « tertiaire » – « Sœur de la Pénitence ».

Verucchio, la Porte Saint-Augustin,
ainsi nommée parce que c’est par elle que l’on franchit les murs de la cité
pour se rendre au couvent des Ermites de Saint Augustin.
Le Bienheureux Grégoire Celli enfant et adolescent passait par là.
Après quelques semaines de première probation, qui furent satisfaisantes, et la réception du saint habit, Frère Grégoire fut donc emmené à l’ermitage où vivait le Bienheureux Jean le Bon de Mantoue pour y accomplir son noviciat sous sa direction : ce furent deux années intenses de prière et de pénitence, à l’école d’un ermite que tout le monde considérait déjà comme un saint.
Puis il prononça ses vœux entre les mains du Frère Matteo de Modène, devenu entre-temps supérieur de l’Ordre : « Moi, Frère Grégoire, je fais profession et je promets l’obéissance à Dieu et à la Bienheureuse Marie, et à vous Frère Matteo, prieur des Frères Ermites du Frère Jean le Bon, selon les Constitutions de ce lieu ».
Avec sa Profession, il rédigea également un testament : en accord avec sa mère, il fit don de tous ses biens au couvent de Verucchio afin qu’il pût être restauré et agrandi. On lui fit alors commencer les études en vue du sacerdoce.
A cette époque, le Pape Innocent IV avait confié aux Ermites de Jean le Bon la mission d’aider les paroisses, particulièrement par la prédication et la confession. Frère Mattéo, Prieur général de la Congrégation, choisit Frère Grégoire pour aller, avec d’autres, à la demande des évêques, prêcher contre l’hérésie cathare qui se répandait en Italie centrale. Les Ermites de Saint Augustin se donnèrent à cette tâche, tout comme l’avaient fait dans les précédentes décennies Saint Antoine de Padoue et Saint Dominique « comme si à la concentration des hérésies il fallait une concentration de la sainteté », selon la belle expression d’un ancien chroniqueur.

Verucchio : l’église du couvent des Augustins
Frère Grégoire s’était dépensé corps et âme dans le saint ministère, estimé des fidèles parce que la doctrine salutaire et sanctificatrice qu’il enseignait par les mots de sa prédication, et les conseils donnés en direction spirituelle, il la dispensait encore bien davantage par sa simple manière d’être, pure et édifiante.
Il y avait bien quelques religieux qui trouvaient « qu’il en faisait trop », qu’il n’était pas requis de faire autant de pénitences et de jeûnes, autant de veilles et d’heures d’oraison.
Ceux qui ont vécu en communauté savent d’expérience combien les religieux « raisonnables » sont capables – par souci de charité, n’en doutons pas !!! – de se montrer durs, jusqu’à la cruauté, pour leurs confrères plus généreux et plus édifiants. Frère Grégoire, comme cela est arrivé à beaucoup d’autres avant et après lui, les supporta avec patience et humilité.
Toutefois, lorsqu’il eût septante-cinq ans, à l’occasion du jubilé de l’année 1300 et dans la perspective d’obtenir l’indulgence plénière afin de terminer dignement son séjour sur la terre (Boniface VIII avait prescrit qu’il fallait accomplir quinze visites aux basiliques de Saint Pierre et de Saint Paul pour recevoir cette indulgence du jubilé), Frère Grégoire se rendit à Rome ; il y rencontra le Prieur général de l’Ordre des Ermites de Saint Augustin, qui était alors le Bienheureux Augustin Novello (cf. > ici). Lui ouvrant les aspirations de son cœur, il lui expliqua que, étant désormais vieux, il se sentait appelé à se retirer dans une vie de pénitence dans les montagnes de Rieti, où d’autres Augustins avaient déjà vécu ou vivaient encore, dans une plus grande solitude.
Le Bienheureux Augustin Novello, qui aimait énormément cette vie et qui, lui aussi, pensait à l’embrasser, le lui permit de grand cœur, lui donna sa fraternelle accolade en le bénissant, et se recommanda à ses prières.

Intérieur de la chapelle dite de la Madeleine, à Fonte Colombo, près de Rieti.
Cette chapelle existait déjà à l’époque de Saint François d’Assise
et le Bienheureux Grégoire Celli de Verucchio l’a aussi connue, évidemment,
lorsqu’un siècle plus tard il vécut en ermite dans les parages.
Frère Grégoire s’installa dans une grotte, selon l’exemple qu’il avait reçu du Bienheureux Jean le Bon de Mantoue une soixantaine d’années plus tôt, à proximité du sanctuaire-couvent franciscain de Fonte Colombo, proche de Rieti (à presque vingt lieues au nord-est de Rome), passant ses jours dans la prière et le jeûne… en attendant que la mort vînt le prendre pour le réunir au Seigneur auquel il avait donné sa vie.
Mais la mort semblait l’avoir oublié, car – de jour de jeûne en jour de jeûne, de jour de pénitence en jour de pénitence, de jour d’oraison continue en jour d’oraison continue – il demeura là quarante-trois années.
Oui, quarante-trois années ! Dépassant ainsi les années de vie de Saint Antoine le Grand (qui mourut à 105 ans), et même celles de Saint Paul de Thèbes (113 ans), puisqu’il dut attendre l’âge de 118 ans pour quitter cette terre.
Il est devenu de ce fait le doyen d’âge des Ermites de Saint Augustin.
Enfin un jour de l’année 1343, une mule sans muletier vint s’arrêter devant la grotte de Frère Grégoire, qui comprit que c’était le moment de retourner « chez lui ».

A quelque temps de là, au milieu de la nuit, toutes les cloches de Verucchio se mirent à sonner comme en plein midi sans qu’aucune main humaine ne les eussent mises en branle, et une mule portant une masse inerte indéterminée sur son dos mit en émoi la vieille cité. Réveillés, sortant de leurs maisons – qui avec une torche, qui avec une arme -, les habitants suivirent cette étrange mule qui vint s’arrêter à la porte du couvent des Augustins, lesquels, un peu inquiets, se tinrent derrière leur prieur.
Aux pieds de ce dernier l’animal s’effondra d’épuisement.
Tous étaient intrigués, presque effrayés, se demandant ce que signifiait ce prodige.
Alors, le Prieur souleva la couverture et tous virent que cette mule avait transporté le cadavre d’un très vieux frère à longue barbe blanche.
L’étonnement se changea en exclamations, puis en prières, lorsque quelques vieux religieux et quelques habitants assurèrent reconnaître le Frère Grégoire, revenu parmi les siens après de si nombreuses années.
Il fut enseveli sous l’un des autels de l’église conventuelle et aussitôt vénéré par tous comme le saint revenu pour les protéger.
Ces braves gens voulurent également que la mule fût enterrée dignement, car il était clair que le Très-Haut lui avait assigné une mission surnaturelle. Elle fut donc déposée dans une tombe que l’on creusa à l’endroit même où elle s’était effondrée au terme de sa mission : devant la porte de l’église, sous les pavés que l’on ne foula plus qu’avec respect, sur la pointe des pieds.
Les habitants de Verucchio prirent l’habitude d’invoquer le Frère Grégoire en toutes leurs nécessités, mais très particulièrement dans les cas de sécheresse, organisant des processions à travers la campagne avec l’une de ses reliques ; et il est affirmé que, de mémoire d’homme, on n’a jamais vu la procession revenir à l’église sans que de grosses gouttes ne commençassent à tomber.
Son culte fut confirmé une première fois en 1357, quatorze ans seulement après son bienheureux trépas, par le Pape Innocent VI, mais dans les troubles de la fin du XIVème siècle et du grand schisme d’Occident, le décret pontifical fut perdu, si bien que, sur la requête de la Curie épiscopale de Rimini, le 6 septembre 1769, le Pape Clément XIV (qui avait grandi à Verucchio), confirma le culte du Bienheureux Grégoire Celli et le fit inscrire au Martyrologe romain (béatification équipolente).
Dans l’édition réformée de ce Martyrologe romain, le Bienheureux Grégoire est aujourd’hui mentionné au 11 mai, tandis que le Martyrologe traditionnel propre des Ermites de Saint Augustin, publié sous le règne de Léon XIII, assigne au 22 octobre la célébration de sa mémoire vénérée.
Frère Maximilien-Marie du Sacré-Cœur.

Sarcophage de marbre dans lequel se trouvent les reliques du Bienheureux Grégoire Celli
sous l’autel qui lui est dédié dans l’église des Augustins de Verucchio.